Accompagner la parentalité en entreprise

Accompagner la parentalité en entreprise

Mener de front une vie de salarié et de jeune parent peut s’apparenter à un parcours de combattant. Place en crèche, aménagement des horaires, sensibilisation des managers… Un employeur peut faciliter le quotidien de ses salariés.

«Tu prends ton après-midi ? », « Si tu voulais avoir toutes les vacances scolaires, fallait devenir prof ! », « On fera la réunion sans elle, passé 17 h 30 elle n’est plus là, elle doit récupérer ses enfants. » Nombreux sont les jeunes parents, et tout particulièrement les mères, qui ont dû essuyer ces remarques, à la limite parfois du sexisme. Le sujet de la parentalité en entreprise a longtemps été occulté. Le fait d’attendre, puis d’élever un enfant était considéré comme un choix relevant de la seule sphère personnelle, et l’entreprise n’avait pas à modifier son organisation en conséquence. Les lignes commencent toutefois à bouger. Jusqu’alors parent pauvre des politiques de qualité de vie au travail (QVT), la parentalité s’impose progressivement avec l’instauration de l’index de l’égalité hommes/femmes ou la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle mise en avant par les générations Y et Z.

Comme dans d’autres domaines, la crise sanitaire a aussi fait évoluer les mentalités. Avec la fermeture soudaine des crèches et des écoles, la vie de famille s’est brutalement imposée dans l’univers du travail et inversement. La généralisation du télétravail a, par ailleurs, montré qu’il était possible d’aménager les horaires et de réduire le stress des temps de transport.

Avec la guerre des talents relancée en sortie de crise, la parentalité est aussi perçue comme un critère différenciateur dans une stratégie de marque employeur pour attirer et fidéliser des collaborateurs. Il y a, par ailleurs, un enjeu de productivité. De jeunes parents sereins sont plus performants au travail.

Interdire les réunions tôt le matin et tard le soir

Que peut faire une DRH pour répondre à ce thème de la parentalité ? L’Observatoire de la qualité de vie au travail (OQVT), à l’origine de la charte de la parentalité, ou Parental Challenge, un guide de bonnes pratiques pour accompagner les salariés parents, proposent quelques pistes.

Une entreprise va tout d’abord informer les salariés sur leurs droits et les démarches administratives à effectuer avant, pendant et après l’arrivée de leur enfant. Elle peut organiser des conférences et des ateliers collectifs dédiés, des séances de coaching ou des espaces d’échanges et d’entraide entre jeunes parents.

En matière de services, un employeur peut exonérer les parents de la recherche d’un mode de garde, une source de stress importante. Des réseaux de crèches privées comme Babilou, Les Petits Chaperons Rouges ou La Maison Bleue proposent aux employeurs de réserver des places de crèche pour leurs salariés, près de leur domicile, du lieu de travail ou sur le trajet domicile-travail.

L’entreprise qui fait appel à ce type de service bénéficie de deux aides fiscales : le crédit d’impôt famille (CIF) et la réduction d’impôt sur les sociétés (IS). « Après déduction de ces aides, une place en crèche privée lui revient à environ 300 euros par mois », note Chloé Minoux, responsable communication pour Les Petits Chaperons Rouges. Des services de conciergerie, d’aide aux devoirs ou de soutien scolaire peuvent compléter le dispositif. L’entreprise doit, par ailleurs, proscrire les réunions tôt le matin et tard le soir et aménager le temps de travail. Cela peut passer par un retour progressif de congé maternité en commençant par un mitemps. Il s’agit, plus généralement, d’insuffler davantage de souplesse dans les horaires de travail.

Dernier point, mais pas le moindre : la formation des managers. Les cadres intermédiaires doivent être sensibilisés à l’accompagnement de la parentalité au travail. À leur niveau, ils doivent rappeler les dispositifs mis en place, lutter contre les stéréotypes et faire preuve d’un management bienveillant.

— Xavier BISEUIL (Tribune Verte 2990)

« LA PARENTALITÉ, UN MOMENT QUI IMPACTE FORTEMENT LA VIE PROFESSIONNELLE »

Chloé Minoux, responsable communication pour Les Petits Chaperons Rouges

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur l’enjeu de la parentalité ?
Chloé Minoux : Avec la fermeture du jour au lendemain des écoles et des crèches lors des confinements, les entreprises ont davantage pris en compte le sujet de la parentalité. Avant la crise sanitaire, beaucoup d’entreprises ne considéraient pas le fait d’accompagner la parentalité en entreprise comme un levier primordial de la qualité de vie au travail. Il s’agit pourtant d’un moment de vie qui impacte fortement la vie professionnelle.

Malgré des avancées majeures, comme le rallongement du congé paternité en juillet 2021, les attentes des collaborateurs sont souvent plus importantes que les actions entreprises. Pourtant, les entreprises qui s’emparent du sujet gagnent en performances en améliorant l’engagement de leurs salariés et augmentent leurs chances de recruter de nouveaux talents. C’est, en effet, un argument fort pour attirer et fidéliser les salariés. Un candidat qui hésite entre deux propositions peut en faire un critère décisif. Un collaborateur qui envisage d’avoir un enfant plus tard peut se projeter plus facilement dans une entreprise qui affiche clairement ses engagements en matière de parentalité.

Quelles actions une entreprise peut-elle entreprendre en faveur de la parentalité ?
C. M. : Toutes les entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, peuvent réserver des places en crèche pour leurs salariés. Au-delà de faciliter le quotidien des jeunes parents, ce service améliore aussi leur pouvoir d’achat. Le coût pour le salarié, fixé par la CAF en fonction de ses revenus, est le même qu’en crèche municipale, et cela peut parfois être jusqu’à deux fois moins cher qu’une assistante maternelle.

Une entreprise peut également proposer des services de conciergerie, d’aide au devoir, du coaching et des ateliers pratiques sur la parentalité. Il est aussi important de sensibiliser les managers au sujet en développant, par exemple, une culture du résultat plutôt que du présentéisme, en n’imposant pas de réunions après 18 h ou en proposant des horaires plus souples et le télétravail aux femmes enceintes et aux jeunes parents.

LA PARENTALITÉ INSUFFISAMMENT PRISE EN COMPTE

Selon une enquête sur la parentalité au travail réalisée par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle en 2018, 84 % des femmes interrogées, contre 57 % des hommes, estiment que la parentalité est davantage un frein à la carrière pour les femmes que pour les hommes. À titre personnel, si 18 % des pères ont le sentiment que leur paternité a freiné leur carrière, ce sont 50 % des mères qui éprouvent ce sentiment à l’égard de leur maternité. Après l’arrivée d’un enfant, 69 % des mères ont modifié leur organisation de travail, contre 29 % des pères, et 47 % ont même réduit ou arrêté leur activité, contre 6 % des pères. Au sein du couple, 55 % des mères disent prendre majoritairement en charge les responsabilités parentales, contre 8 % des pères. Près de la moitié des parents considèrent qu’ils ne peuvent pas suffisamment profiter de leur(s) enfant(s). Pour finir, 77 % des femmes et 68 % des hommes jugent que la parentalité est insuffisamment prise en compte dans l’organisation du temps et des lieux de travail (missions, déplacements).