Comment intégrer des free-lances dans mon organisation ?

Comment intégrer des free-lances dans mon organisation ?

Si le recours au freelancing se généralise, peu d’entreprises se sont encore organisées pour intégrer, pour gérer et surtout pour fidéliser ces ressources externes. Avec la guerre actuelle des talents, cet enjeu peut rapidement devenir prioritaire.

Selon les dernières statistiques, la France compte près de 900 000 freelances. Si l’on inclut les artisans, les agriculteurs, les médecins ou les chefs d’entreprise, la barre des 13 millions de travailleurs indépendants est atteinte. Selon les projections, ces indépendants constitueraient la moitié de la population active à horizon 2050.

Succès du statut de micro-entrepreneur, développement du numérique qui dématérialise le rapport au travail, quête personnelle d’autonomie, de liberté et d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… plusieurs facteurs expliquent cette poussée du freelancing.

Si le salariat reste le modèle dominant, les entreprises se doivent de prendre en compte ce recours toujours plus important aux ressources externes. En soi, le phénomène de l’externalisation n’est pas nouveau, mais le freelancing change la donne. L’entreprise ne contractualise pas avec une société prestataire mais avec un individu, avec ce que cela présente comme risques :
- économique, tout d’abord. En solo ou intégré à une équipe projet, un indépendant peut, du fait de son expertise, se voir confier une mission particulièrement sensible, notamment dans le cadre d’un plan de transformation numérique ;
- juridique, ensuite. Si l’entreprise entretient un lien de subordination avec le freelance, un tribunal peut considérer cela comme du salariat déguisé et requalifier le contrat de prestation en contrat de travail. La lutte actuelle des VTC ou des livreurs de plateformes de type Deliveroo a mis la lumière sur cet enjeu. Par nature, une société fera appel au CDD ou à l’intérim pour répondre à une surcharge de travail ou pour effectuer un remplacement, et à un freelance quand l’expertise demandée sort de son champ de compétences. Par exemple, une entreprise agroalimentaire qui à recours à un Web designer pour refonder son site Internet. Pour compliquer la donne, un grand nombre d’interlocuteurs interviennent pour gérer ces ressources externes. Une fois que le service des achats a référencé les plateformes de freelancing ou les free-lances en direct et que le service juridique a validé les contrats, les opérationnels prennent la main. « Le rôle de la DRH consiste, lui, à cerner les zones de recrutement difficile où le recours aux free-lances permet de pallier le manque de candidats, comme dans le numérique », estime Lise Slimane, fondatrice de La Minute Freelance. Pour concentrer tous ces rôles dans une seule fonction, certaines entreprises nomment un Chief freelance officer (CFO), encore appelé responsable des ressources externes ou responsable fournisseurs.

À quand une expérience free-lance ?

Au-delà des personnes, il s’agit de mettre en place des processus pour bien intégrer ces free-lances et surtout pour les fidéliser. Un exercice d’autant plus difficile qu’il s’agit d’une population travaillant le plus souvent hors les murs de l’entreprise, sansconnaître sa culture. Lise Slimane préconise de concevoir un parcours d’intégration spécifique. L’occasion de présenter l’équipe projet au free-lance et de border les contours de la collaboration. Cette phase de cadrage permet, par ailleurs, d’éviter que des salariés se sentent menacés par cet expert venu de l’extérieur. Ensuite, les outils ne manquent pas pour associer le free-lance à la gestion du projet avec, entre autres, Google Hangouts, Skype, Slack ou Trello. Une fois la mission terminée, il convient de saluer la qualité du travail effectué. En exprimant sa reconnaissance, l’entreprise se met dans de bonnes conditions pour réitérer l’expérience avec le free-lance. À condition de ne pas le laisser sans nouvelle entre deux missions… Comme il existe une expérience collaborateur, on parlera peut être demain d’expérience free-lance. En attendant, certaines start-up se sont positionnées sur le créneau, à l’image de JobyPepper qui propose une plateforme de gestion du personnel externe. Intervenant dans des secteurs d’activité aux besoins récurrents comme la grande distribution, l’hôtellerie-restauration ou la logistique, elle automatise le sourcing avec un vivier de 30 000 candidats et gère le volet administratif

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2924)

Étude : FREE-LANCE, UN CHOIX DE VIE

Selon une récente étude de Malt, une plateforme de free-lances du numérique, 90 % des personnes interrogées ont adopté le statut de free-lance par choix et non sous la contrainte. Si 89 % des free-lances ont déjà été salariés par le passé, 88 % ne veulent plus retourner au salariat, du moins à temps plein. En ce qui concerne les raisons de ce choix d’indépendance, l’autonomie (88 %) et la liberté d’organiser son emploi du temps (81 %) arrivent en tête. Viennent ensuite les possibilités de choisir ses clients et ses projets (57 %) et son lieu de travail (37 %). Pour autant, tout n’est pas un long fleuve tranquille. 65 % des free-lances éprouvent des difficultés à trouver de nouveaux clients, 56 % subissent des fluctuations de revenus, et 36 % regrettent certains avantages sociaux comme la mutuelle ou le comité d’entreprise. Enfin, 27 % souffrent de solitude au travail.

Avis d’expert : « ON NE PEUT PAS GÉRER DES FREE-LANCES AVEC UN FICHIER EXCEL »

Lise Slimane, consultante, formatrice, fondatrice de La Minute Freelance
Quelles différences y a-t-il entre la gestion d’un salarié et celle d’un free-lance ?
La relation avec un salarié s’inscrit dans la durée. Lors du recrutement, on identifie un potentiel. Une fois embauché, le salarié va se former et évoluer dans l’organisation. Sa polyvalence lui permettra de suivre les évolutions de l’entreprise. Il sera laissé moins de temps au free-lance pour être opérationnel. On lui demande un savoir-faire et des résultats probants. À la différence du salarié, la formation suivie est ici secondaire.

Quels processus faut-il mettre en place pour intégrer et pour fidéliser un free-lance ?
C’est très compliqué de gérer des free-lances avec un fichier Excel. Je conseille aux entreprises de faire une cartographie des indépendants, puis de renseigner une base de données afin d’avoir, sous forme d’un tableau de bord, les compétences associées à un free-lance ainsi que sa disponibilité et ses tarifs. Une fois retenu, le free-lance doit suivre un parcours d’intégration (onboarding) adapté à son statut. En début de mission, il recevra un brief afin de s’assurer de son alignement sur les attendus en interne. Si la relation peut être complètement dématérialisée, poser un visage sur un nom permet de démarrer une collaboration sur de bonnes bases. Après la phase de cadrage du projet, il est bon de faire des points réguliers physiques. Entre-temps, le numérique permet de maintenir le lien avec un agenda partagé, la messagerie instantanée, la visioconférence ou des outils collaboratifs permettant de travailler sur la même version d’un document. La fidélisation passe ensuite par l’envoi régulier de mails d’information sur la société ou des invitations à des événements internes. Il s’agit également de valoriser le travail une fois la mission finie. Les free-lances souffrent souvent d’un manque d’égard face à leur travail.

Comment expliquer ce manque de considération ?
Passant par des intermédiaires, beaucoup d’entreprises sont incapables de dire le nombre d’indépendants travaillent pour elles. Parfois, elles ne connaissent même pas leur identité. Cette relation indirecte est un frein à la fidélisation, et cela suppose souvent de repartir de zéro à chaque nouvelle mission. Or, dans certains domaines où les compétences sont en pénurie, en particulier dans le numérique, le rapport de force s’est inversé. À émoluments équivalents, le free-lance va tendre vers les entreprises qui le considèrent le mieux. Il peut aussi imposer ses conditions en matière d’aménagement de l’emploi du temps (horaires flexibles, télétravail…).