Comment réaménager l'espace de travail dans un monde post-Covid ?

Comment réaménager l'espace de travail dans un monde post-Covid ?

La crise contraint les entreprises à transformer leurs bureaux. Dans une approche hybride, ils doivent allier le meilleur du digital et du présentiel, favoriser la convivialité tout en veillant au respect des consignes sanitaires. Un véritable casse-tête.

Dessine-moi un bureau de l’ère post-Covid. Comme dans bien d’autres bien domaines, la crise sanitaire contraint les entreprises à revoir l’organisation du travail. Le premier confinement, et surtout le second auront montré les limites du 100 % télétravail. Au-delà des contraintes logistiques – surface de logement restreinte, équipements inadaptés – ou familiales, ce sont les interactions sociales qui manquent le plus à la nouvelle génération de télétravailleurs. De fait, rares sont les entreprises qui, à l’image de PSA, entendent généraliser la pratique en basculant la majorité de ses employés éligibles en télétravail trois à quatre jours par semaine. Un consensus se dessine davantage sur une articulation entre travail sur site majoritaire et un ou deux jours de télétravail par semaine.

Cette approche d’hybride permettra aux entreprises de réduire leur empreinte immobilière supprimant en moyenne 20 % de leurs mètres carrés. Une part de ces économies devra être réinjectée dans le réaménagement de l’espace de travail, car il n’est pas question de revenir au bureau d’antan.

Selon un sondage de l’institut Ipsos réalisé pour Perial Asset Management (lire ci-dessous), les salariés veulent à la fois que ce réaménagement garantisse le respect des consignes sanitaires et qu’il renforce le lien entre collègues. Des injonctions a priori contradictoires.

Des tendances de fond antérieures à la crise

Sur le premier point, « les protocoles sanitaires doivent être pris en compte dès la conception de l’espace de travail en fluidifiant la circulation des personnes, en assurant le renouvellement de l’air et en espaçant les bureaux pour garantir la distanciation sociale, avance Valérie Parenty directrice associée en charge de la stratégie et du développement de l’agence de design Saguez & Partners. Parfois, il s’agit de détails comme de mettre une chicane plutôt qu’une porte à l’entrée des toilettes pour éviter d’avoir à se servir de la poignée. »

Le siège social doit aussi être repensé en fonction des nouveaux modes d’organisation. Lieu de ralliement des collaborateurs, il offre différents espaces, ouverts ou fermés, dédiés à la collaboration, la concentration ou la détente. À côté des traditionnelles salles de réunion, des « huddle rooms » sont équipées pour la visioconférence. Ces pièces collectives cohabitent avec les « phone rooms » pour passer des appels téléphoniques ou des alcôves pour s’isoler.

Cette organisation de l’espace de travail modulaire et flexible doit favoriser, en fonction du contexte, la productivité, l’innovation ou la cohésion d’équipe. Pour Valérie Parenty, la crise sanitaire n’a fait que renforcer des tendances de fond. Elle en tient pour preuve le nouveau siège social de Pernod Ricard, livré à l’été 2020 mais conçu deux ans avant, dans un monde sans Covid-19. « Pour autant, il réunit tous les grands principes du moment. Il favorise la créativité et renforce le collectif. » « Bureau-hôtel », le site parisien du numéro 2 mondial des vins et spiritueux intègre quatre restaurants, une conciergerie, un service de click & collect, une salle de sport, une « game room », un « travel lounge » ou un potager sur son toit. Pour ne pas reproduire les erreurs du « flex office » où le collaborateur doit réserver une place pour être sûr de pouvoir s’asseoir, il comprend 2,5 fois plus de places assises que d’employés. Une source de stress en moins.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2958)

Étude : LES SALARIÉS PRIVILÉGIENT MAJORITAIREMENT LE BUREAU AU TÉLÉTRAVAIL

Publié en novembre dernier, un sondage de l’institut Ipsos réalisé pour Perial Asset Management montre un reflux du recours au télétravail entre le premier et le deuxième confinement. Alors qu’au printemps, 65 % des salariés sédentaires sont passés en télétravail, durant presque trois jours par semaine en moyenne, ils n’étaient plus que 40 % en octobre avec un jour télétravaillé en moyenne. Si les actifs ne refusent pas la pratique en bloc — idéalement, une majorité d’entre eux se verrait travailler 1,9 jour par semaine à la maison — elle bute contre un certain nombre de contraintes, comme une surface de logement réduite, l’absence d’équipements adaptés ou la présence d’enfants. Les employés privilégient notamment le bureau pour mener à bien un projet d’équipe (82 %), régler un problème professionnel urgent (79 %), demander des informations ou de l’aide à des collègues (77 %). Pour autant, les attentes en matière de rénovation des locaux pour tenir compte des impacts la crise sont fortes. Ces aménagements doivent à la fois offrir un meilleur respect des règles sanitaires (58 %) et plus de convivialité (57 %). Équation impossible ?

Avis d’expert : « LA CRISE PRÉCIPITE LA FIN DE L’UNITÉ DE LIEU ET DE TEMPS »

Valérie Parenty, directrice associée de l’agence de design Saguez & Partners

Comment réinventer l’espace de travail en mode hybride ?
Arrêtons d’opposer digital et présentiel. Dès la conception d’un nouvel espace de travail, il faut intégrer ces deux composantes et apporter des réponses communes en dotant, par exemple, les salles de réunion d’équipements de visioconférence.

La crise précipite la fin de l’unité de lieu et de temps. L’expérience collaborateur forme désormais une continuité entre travail sur site et à distance. Dans un même parcours de collaboration unifié, l’employé doit pouvoir collaborer et maintenir des interactions sociales, qu’il travaille chez lui, depuis un tiers lieu ou au bureau.

Le télétravail permet de mieux gérer son emploi du temps, de travailler en mode asynchrone ou de jongler avec les fuseaux horaires. Pour autant, enchaîner les Zoom toute la journée dégrade cette expérience collaborateur. Il faut pouvoir recréer à distance des échanges informels. Tous ces impromptus qui favorisent la convivialité mais aussi l’innovation.

Comment cela se traduit-il en matière d’aménagement de l’espace de travail ?
La règle des 80/20 — 80 % d’espaces ouverts pour 20 % de salles de réunion fermées — est remplacée par la règle des trois tiers. Aux deux premiers espaces, on rajoute des espaces informels comme des alcôves avec des tables basses ou des cafétérias afin de renforcer la cohésion d’équipe. Il faut sortir de la logique de l’optimisation coûte que coûte des mètres carrés en ne proposant que des espaces dits « utiles ».

C’est un savant équilibre à trouver entre le fonctionnel et l’émotionnel. Sur ce dernier plan, il faut mettre un terme aux couleurs beiges et grises sans âme au profit de couleurs chaudes. Pour autant, le collaborateur doit se sentir au bureau non pas à comme à la maison — il a le télétravail pour cela — mais comme à l’hôtel. Un bureau proposera pour cela différents services comme une conciergerie, une salle de sport ou un espace de click & collect