Formation : Du sur-mesure !

Formation : Du sur-mesure !

Dans un secteur professionnel en perpétuelle évolution, qu’elle soit technique ou  réglementaire, la formation tout au long de la vie est un quasi-impératif : ce n’est donc pas par hasard que coexistent de nombreux dispositifs, dont le point commun est sans doute l’adaptation aux besoins particuliers des actifs.

«Dans le milieu agricole, la formation tout au long de la vie est une réalité, observe Romuald Vuillemin, responsable de l’association départementale de formation et de perfectionnement en agriculture du Jura, et animateur formateur. C’est plus courant que dans des métiers comparables en termes de contraintes, comme l’artisanat. Au-delà de l’acquisition de nouvelles compétences, ce qui est souvent recherché, ce sont les échanges entre professionnels au sujet de leurs pratiques et de leurs propres expériences. Les premières formations des agriculteurs surviennent souvent quand ils réalisent leurs démarches pour s’installer, et puis on les retrouve quelques années plus tard quand ils en ressentent le besoin… » L’ADFPA a organisé en 2018 une centaine de formations, qui ont concerné plus de 1 000 stagiaires pour une durée de 16 500 heures. « Nos formations portent sur des domaines variés : les productions animales et végétales, bien sûr, mais aussi l’agriculture biologique, la gestion, l’installation, les ressources humaines, l’organisation du travail, la prévention des risques ou la transformation...Nous élaborons les formations en fonction des besoins de nos partenaires, des organisations professionnelles agricoles, ainsi que des besoins exprimés par les stagiaires dans la fiche d’évaluation qu’ils remplissent en fin de formation. »

L’ingénierie de formation consiste à définir un contenu et à recruter éventuellement des intervenants. « Nous sommes quatre animateurs formateurs salariés de l’association, avec chacun nos domaines de compétence. Nous avons un certain nombre de partenaires de longue date que nous sollicitons régulièrement dans nos formations, je pense par exemple au GIE Zone verte pour les thématiques de la santé animale, de l’homéopathie vétérinaire. Nous pouvons aussi, selon les besoins, faire appel à un expert ou  à une personnalité. » Une autre spécificité de ces formations, c’est qu’elles sont le plus souvent orientées terrain, avec une partie sur une exploitation support. « C’est indispensable dans certains cas, comme pour se former à la méthode Obsalim (réglage de la ration en fonction d’observations effectuées sur les animaux), qui nécessite forcément une journée ou une demi-journée dans une ferme, où les stagiaires mettent en pratique ce qu’ils ont appris sur un troupeau… » Désormais, les Mooc (Massive Open On line Course) font aussi partie du paysage. « Nous avons intégré les cours en ligne à certaines de nos formations, souvent en amont des parties théoriques. C’est un outil formidable, qui permet d’aller plus loin et d’approfondir ensuite les sujets en groupe. En revanche, nous nous sommes rendu compte que ça n’allégeait pas forcément les temps consacrés à la théorie, car cela suscite beaucoup de nouvelles questions ! »

Un contexte en perpétuelle évolution

Catherine Glémeaux, directrice du départemen valorisation et transfert au CTIFL (Centre technique interprofessionnel pour les fruits et légumes), insiste pour sa part sur l’importance d’adapter l’offre de formation aux besoins des professionnels du secteur, tant dans les contenus qu’en termes d’organisation. « Dans un domaine comme l’agréage, par exemple, on se rend sur le site, à l’entrepôt, où sont réalisées les opérations. Cela démarre à 4 heures du matin : c’est notre rôle d’être en phase avec les réalités des opérateurs ! On fait du sur-mesure. » Au menu d’une telle formation, des apports théoriques sur la réglementation en vigueur, le contexte commercial, les notions statistiques qui président à la détermination d’un échantillon représentatif, mais surtout des exemples appliqués. « On contrôle des colis réels, en situation : si on a tel ou tel défaut d’aspect, quelle est la ligne de conduite en cas de non-conformité, comment documenter et enregistrer… ? Outre le fait d’être en conformité avec la législation, ces formations permettent aussi aux opérateurs de travailler sur la satisfaction de leurs clients. Notre position d’institut technique de toute la filière, de la production jusqu’à la mise en rayon, nous permet de prendre en compte toutes les facettes de ces métiers. C’est un contexte en perpétuelle évolution, et c’est d’ailleurs très stimulant, nous sommes obligés d’apprendre en permanence ! »

Une des clés de la réussite

Passionné de machinisme, Julien Hérault identifie la formation comme « une des clés de la réussite en agriculture » : lui-même agriculteur dans les Deux-Sèvres, il est également formateur et conseiller indépendant depuis 2014, et forme plus d’une centaine d’agriculteurs chaque année, dans toute la France. Le plus souvent des groupes, qui travaillent déjà ensemble, par exemple au sein d’une Cuma ou d’une coopérative. « J’ai été formateur en MFR dans le domaine du machinisme, après mon BTSA en génie des équipements agricoles, précise-t-il. La principale différence entre une formation scolaire et une formation pour adultes, c’est que nous n’avons pas l’obligation de respecter un référentiel ou un programme défini par d’autres, mais nous devons répondre à la problématique du client. J’interviens principalement dans le domaine de l’optimisation du parc matériel dans les exploitations agricoles. Il y a énormément de marge de progrès… Avec, à la clé, l’amélioration du revenu, car c’est un levier de productivité très efficace. Je vais donc travailler sur les fondamentaux du machinisme, sur l’agronomie, sur la cohérence du parc matériel. Je rencontre un public très motivé, car demandeur de telles informations, ce qui rend les échanges très riches. En arrière-plan, je consacre beaucoup de temps à me former moi-même. Pratiquement l’intégralité de mon temps libre y passe : veille sur Internet, rencontres de conseillers machinisme, de constructeurs, pour me tenir au courant des évolutions, tout en gardant un certain recul pour ne pas perdre pied dans la “piscine” des innovations techniques… En tant qu’agriculteur, je peux me mettre à la place de mes clients et imaginer les conséquences de tel choix ou de telle option, je me remets toujours en perspective avec la réalité du terrain. » Mais comment parvient-il à concilier ses deux  métiers ? « Ça m’oblige à anticiper, à planifier… Ce n’est pas parce qu’on travaille avec du vivant et avec l’incertitude météo qu’on doit se l’interdire, au contraire ! De plus, comme  j’interviens auprès d’agriculteurs, mon calendrier est assez en phase avec le leur. Lorsque je suis dans ma moissonneuse-batteuse, il y a de grandes chances pour qu’ils y soient aussi ! »

—— Alexandre CORONEL (Tribune Verte n°2907)

Crédit photo : SMOLAW11/ADOBE STOCK