La DRH face au déconfinement

La DRH face au déconfinement

La DRH est en première ligne pour assurer le retour progressif des salariés après le 11 mai. Afin de permettre leur protection, le ministère du Travail a émis un certain nombre de recommandations. La réorganisation de l’espace de travail s’annonce délicate.

La DRH sera en première ligne dans le monde de l’après-11 mai. Elle devra à la fois assurer le retour des salariés tout en maintenant fortement le recours au télétravail. Les trois-quarts des DRH sondés par l’ANDRH prévoient en effet de poursuivre durablement le travail à distance après la crise du Covid-19.

Le casse-tête de la reprise

Pour les postes non éligibles au télétravail, la reprise se fera progressivement en tenant compte d’un grand nombre de paramètres dont le retour à l’école des enfants et l’état des transports publics. Certaines entreprises prévoient une organisation en horaires décalés ou un découpage des effectifs en équipes venant travailler en alternance en fonction des jours et des semaines.

Sur le plan logistique, le ministère du Travail a publié un protocole national de déconfinement pour l’accueil des salariés. L’entreprise doit proposer aux collaborateurs tout le matériel de protection : masques, gel hydroalcoolique, mouchoirs à usage unique et thermomètre pour la prise de température. Elle rappellera les gestes barrières et le principe de distanciation sociale.

Le Gouvernement a fixé à 4 m² l’espace de travail par salarié afin de faire respecter la distance physique de plus d’un mètre entre collègues. Cette règle sera très difficile à respecter en open space. Dans ces bureaux partagés, il convient d’éviter le face-à-face et de poser des séparations en Plexiglas. Les entreprises adeptes du flex office (placement libre des salariés) attribueront un poste fixe à chaque employé durant la durée de la pandémie.

Des mesures parfois compliquées à appliquer

L’accès aux espaces collectifs, comme les salles de réunion, le restaurant d’entreprise ou la machine à café, sera fortement limité. En matière d’hygiène, il est conseillé de procéder à une aération régulière à raison de quinze minutes trois fois par jour et de désinfecter fréquemment les surfaces de travail ainsi que les objets manipulés. Si un employeur n’est pas autorisé à organiser des campagnes de dépistage auprès de ses salariés, il doit inviter toute personne présentant des symptômes du Covid-19 à ne pas se rendre sur son lieu de travail ou à le quitter immédiatement pour aller consulter son médecin traitant, si possible par téléconsultation. Si un cas avéré survient, l’entreprise peut aider les équipes de l’Assurance maladie dédiées au contact-tracing en identifiant les personnes en contact avec la personne symptomatique. À la lecture de ce protocole, Vincent Berthelot, expert RH pour le site RHinfo, estime que certaines mesures seront compliquées à appliquer : « Pour autant, un DRH ne peut les ignorer et je lui conseille de consulter une juriste pour ne pas voir sa responsabilité mise en cause. Des contrôles de l’inspection du travail ont déjà eu lieu. »

Par ailleurs, il s’étonne que ce protocole n’évoque pas les risques psychosociaux (RPS). « Cela serait une erreur pour la DRH de passer à côté d’éventuels cas de détresse personnelle. » Pour prévenir ces RPS, la DRH peut notamment mettre en place une cellule d’écoute psychologique.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2937)

Étude : LES DRH PLUTÔT CONFIANTS POUR LA REPRISE D’ACTIVITÉ

Selon un sondage de l’Association nationale des DRH (ANDRH), la reprise d’activité est préparée par ses membres avec une appréhension assez moyenne (22 % relèvent des difficultés). 85 % ont anticipé les commandes de matériel de protection en soulignant les difficultés d’approvisionnement.

Si la distribution de gel hydroalcoolique et de masques fait l’unanimité, les mesures intrusives nécessitant l’accord des salariés, comme la prise de température à l’entrée des locaux (49 %) ou le déploiement d’une application de tracking au niveau de l’entreprise (33 %), sont accueillis moins favorablement.

70 % des DRH ont opté pour un retour progressif dans les locaux avec le maintien des salariés éligibles en télétravail. Dans la gestion de la crise, les représentants du personnel continuent d’être l’interlocuteur privilégié pour évoquer l’organisation des congés et des jours de repos (79 %) ou le développement du télétravail (68 %).

Avis d’expert : « L’ORGANISATION D’APRÈS NE PEUT ÊTRE CELLE D’AVANT »

Vincent Berthelot, expert RH pour le site RHinfo

Comment le management doit-il accompagner le retour des salariés ?
Les managers doivent interroger individuellement leurs collaborateurs sur la façon dont ils ont vécu le confinement. D’une personne à l’autre, les situations ont été très disparates. Il ne faut pas nier les fragilités en les évacuant avec un discours pseudo-guerrier de type « maintenant, nous allons nous retrousser les manches ».

Le terme est galvaudé, mais le management doit faire preuve de bienveillance durant cette reprise de contact. L’inquiétude actuelle des salariés repose sur deux types de risques. Le premier est d’ordre sanitaire : « L’entreprise va-t-elle me protéger contre le coronavirus ? » Le second porte sur les menaces qui pèsent sur l’emploi : « Vais-je conserver mon emploi ? » La DRH doit s’associer avec la direction de la communication pour élaborer le discours à tenir auprès des collaborateurs. Il faut être à la fois rassurant et transparent.

Quelle organisation post-confinement faut-il mettre en place ?
L’organisation d’après ne peut être celle d’avant. Il faut arrêter l’approche top down et associer un grand nombre d’acteurs à la réflexion. Cela sera notamment une erreur de tenir à l’écart les organisations syndicales.

Par ailleurs, il convient de tirer des enseignements sur le télétravail. Si les employeurs comme les employés approuvent massivement son recours, la généralisation soudaine du travail à distance a aussi révélé certains dysfonctionnements.

Certains managers, déjà toxiques en temps ordinaire, se sont montrés plus directifs encore en exigeant de leurs équipes d’être toujours disponibles, d’effectuer en permanence des reporting. L’attitude doit être inverse en accordant davantage d’autonomie, en passant d’un mode contrôle à un mode confiance.

Il s’agit aussi de faire preuve d’intelligence en adaptant les horaires en fonction des contraintes familiales. Certains collaborateurs télétravaillent en mode dégradé dans un petit appartement et/ou en présence d’enfants en bas âge. D’autres remettent en cause leur utilité personnelle : « Si mon emploi peut être exercé à distance, pourquoi ne pourrais-je pas être remplacé par un travailleur étranger moins cher que moi ? »

Côté employeur, le télétravail remet en cause des choix organisationnels. A-t-on toujours besoin d’autant de surfaces de bureau ? Ne faudrait-il mieux pas recourir à des tiers lieux, à des espaces de coworking ?

Quelles actions mener à plus long terme ?

Plus généralement, une entreprise qui veut attirer et retenir les talents devra repenser son objet social et le sens de son activité. Plus que jamais, avec la crise actuelle, les salariés sont en quête de sens et de reconnaissance. De retour au bureau, les employés ne voudront plus retravailler avec des managers directifs. Ils iront voir ailleurs, non pas en sortie de crise mais à moyen terme. S’il ne l’a pas déjà fait, l’employeur doit encadrer la pratique du télétravail avec un accord d’entreprise. Il veillera également à faire respecter le droit à la déconnexion, le travail à domicile n’immunisant pas contre le burn-out.