- Environnement

RSE : Pourquoi la DRH ne peut elle que devenir écolo ?

RSE : Pourquoi la DRH ne peut elle que devenir écolo ?

Pour contribuer à la politique RSE de l’entreprise ou renforcer sa stratégie de marque employeur, la fonction RH se doit de prendre pleinement en compte les enjeux environnementaux. Les actions à engager vont bien au-delà du simple tri des déchets.

«Sobriété ». C’est le mot tendance de cette rentrée. Le Gouvernement en a fait son leitmotiv, appelant les entreprises à faire preuve de sobriété énergétique. Il s’agit de répondre, conjoncturellement, aux risques de pénurie de gaz et, structurellement, aux défis du réchauffement climatique. Entre les mégafeux, les canicules à répétition, les orages violents et les inondations, l’été que nous avons vécu a fait taire les derniers climatosceptiques. Les entreprises sont donc appelées à réduire substantiellement leur empreinte carbone avant que la pression réglementaire ne les contraigne plus encore. Et la DRH sera parmi les directions les plus mises à contribution. Dans un livre blanc commun intitulé « La transition écologique au coeur des enjeux RH », AXA Climate School, le Lab RH et PageGroup rappellent que la fonction RH peut agir à de multiples niveaux.

Une stratégie de marque employeur

Dans le contexte actuel de guerre des talents, se fixer des objectifs environnementaux ambitieux et, surtout, les tenir devient un incontournable d’une stratégie de marque employeur. Les milléniaux qui forment une part croissante des recrutements font de l’environnement un critère essentiel au moment de candidater.

Le livre blanc conseille d’ailleurs de mentionner les valeurs environnementales portées par l’entreprise dans les missions ou les objectifs décrits dans les fiches de postes. L’employeur peut aussi s’assurer que le candidat est bien aligné sur ses valeurs par un test RSE. Certaines entreprises vont jusqu’à intégrer des critères environnementaux dans les objectifs individuels et la rémunération variable.

La DRH doit aussi se préparer à intégrer des profils spécifiquement dédiés à la transition écologique, comme le « Sustainable Supply Chain Manager » ou le « Manager mobilité durable ». Les autres collaborateurs devront, eux, développer de nouvelles compétences par des actions de formation, voire de reconversion, y compris dans les professions a priori éloignées du sujet, comme les métiers des achats, de la finance, du juridique ou de l’IT. La DRH doit également anticiper les effets du réchauffement climatique sur la santé des salariés. Avec ceux de la construction, les professionnels de l’agriculture ont le plus à subir des pics de chaleur. De bonnes pratiques peuvent être instituées en matière notamment d’hydratation. Des risques pèsent aussi sur la santé mentale avec le phénomène dit d’« éco-anxiété ».

Montrer le bon exemple

En ce qui concerne les engagements concrets pour diminuer l’empreinte carbone de l’entreprise, la DRH peut montrer le bon exemple en dématérialisant les derniers processus qui ne le sont pas encore, en passant les bulletins de paie en version numérique ou en recourant à la signature électronique pour les contrats de travail. Elle peut aussi exiger le même effort de ses prestataires en intégrant le critère environnemental dans ses appels d’offres. Par ailleurs, la DRH peut initier ou accompagner la diffusion d’écogestes, comme éteindre les ordinateurs le soir, trier les déchets ou limiter les impressions papier. Elle peut promouvoir un usage plus raisonné du numérique en limitant, par exemple, l’envoi de pièces jointes dans les messageries. Un outil en ligne mesurant leur empreinte carbone encouragera les salariés dans cette voie.

La DRH plaidera en faveur d’une offre de restauration collective à la fois plus responsable et saine en privilégiant les produits de saison et les circuits courts. Elle est aussi très attendue sur le terrain de la mobilité. Au-delà d’un accord-cadre sur le télétravail, la DRH peut favoriser la pratique du vélo, de l’autopartage et du covoiturage. Elle limitera les voyages d’affaires aux seuls cas où la visioconférence n’est pas possible. Idem pour les formations dispensées prioritairement en distanciel plutôt qu’en physique.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2997)

Avis d’expert : « LA CONJONCTURE EST FAVORABLE À DES CHANGEMENTS EN PROFONDEUR »

Timothée Quellard, cofondateur du cabinet Ekodev

Observez-vous une évolution positive dans la prise en compte des enjeux environnementaux ?
Timothée Quellard : Avec l’été que nous avons connu et les risques de pénurie de gaz, la conjoncture est favorable à une évolution des mentalités. Il ne faudrait toutefois pas que le sujet du pouvoir d’achat vienne s’opposer à l’objectif de réduction de l’empreinte carbone. Il faut profiter de ce moment propice pour agir en profondeur et non seulement poser des pansements sur les plaies. La Covid-19 est passée par là et a démontré, par l’exemple, que le télétravail généralisé était non seulement possible, mais viable économiquement. De même, certaines hypothèses jusqu’alors considérées comme farfelues et portées par des militants sont aujourd’hui étudiées attentivement.

Comment mettre en place une politique de mobilité durable ?
T. Q. : Tout commence par un état des lieux. Qu’est-ce que l’entreprise a déjà mis en place en matière de mobilité douce ou de télétravail ? Ce diagnostic est complété par des entretiens avec des salariés. À partir de ces informations croisées, on peut coconstruire un plan d’actions. Bien sûr, il faut tenir compte du profil de l’entreprise et de son environnement. Se situe-t-elle en milieu rural ou en zone urbaine dense ? Attention aussi aux initiatives qui se développent de façon symbolique et s’essoufflent rapidement.

Le forfait mobilités durables, encourageant le recours à des transports plus propres pour les trajets domicile-travail, a l’avantage de reposer sur un cadre légal. Lancés il y a dix ans, le recours à l’autopartage et le covoiturage reviennent en force avec la baisse du pouvoir d’achat et le surenrichissement du coût du carburant. Pour que le sujet soit viable, il faut atteindre une masse critique. Cela peut passer par la mutualisation d’un service par des entreprises évoluant dans le même bassin d’emploi.

Quel est l’apport de la DRH sur ces questions ?
T. Q. : La DRH est nécessairement impliquée dans ces enjeux, même si elle les lie à d’autres notions que la seule réduction de l’empreinte environnementale. Une politique vélo attractive va, par exemple, renforcer sa stratégie de marque employeur, améliorer la qualité de vie au travail. Depuis la loi d’orientation des mobilités (LOM), la DRH est de toute façon tenue de traiter le sujet avec les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO).

Étude : L’ENVIRONNEMENT, LA PRIORITÉ DES GÉNÉRATIONS Y ET Z

Selon une étude réalisée en 2021 par l’Institut CSA pour LinkedIn et l’Ademe, l’environnement est la deuxième préoccupation des salariés français après la santé (crise sanitaire oblige) et même la première pour les jeunes de moins de 35 ans. 71 % affirment agir personnellement en faveur de la transition écologique au sein de leur entreprise. Les écogestes semblent bien intégrés. Les salariés sont nombreux à systématiquement éteindre leur poste de travail le soir (66 %), à trier leurs déchets sur le lieu de travail (60 %) ou à réduire au maximum le nombre de documents imprimés (53 %). Ils ont toutefois du mal à évoquer d’autres types d’actions possibles et attendent beaucoup sur le sujet de leur employeur. 68 % des salariés veulent d’ailleurs être formés aux enjeux de la transition écologique.

Un chiffre fort qui doit, selon l’étude, interpeller les entreprises et les engager à s’investir pour une véritable révolution écologique. Ont-elles seulement le choix ? 78 % des salariés choisiraient, à offres équivalentes, de rejoindre une entreprise véritablement engagée en faveur de la transition écologique. À plus long terme, 42 % voudraient changer de métier ou se reconvertir pour exercer un emploi plus en lien avec l’écologie.