- Vigne et vin

Thierry Perrin : l'immersion des vins n’a plus de secret pour lui

Thierry Perrin : l'immersion des vins n’a plus de secret pour lui

Passionné par la viticulture et par les vins, Thierry Perrin est le cofondateur d’Immersion Vins, une société qui immerge des bouteilles dans l’océan et qui les commercialise sur son site Internet.

La curiosité peut amener parfois à choisir des voies singulières. C’est le cas de Thierry Perrin, par ailleurs consultant en management de transition pour entreprises en difficulté. « Avec mon ami Hervé Astier, nous sommes tombés sur un article de presse relatant les dégustations de vins immergés au fond de l’océan, raconte celui qui a baigné dans le milieu viticole bourguignon durant son enfance. Après 150 ans plongé en mer du Nord, le champagne avait perdu ses bulles, mais il restait très buvable. Nous avons voulu en savoir plus. » Ils se lancent alors très sérieusement dans une étude de marché au niveau mondial. D’une cinquantaine de pages, elle est toujours disponible sur le site de leur entreprise Immersion Vins, créée il y a deux ans. Il en ressort que cette activité n’est pas nouvelle. En très large majorité, ce sont des amateurs qui immergent des bouteilles, mais à seulement quelques mètres de profondeur. « Sans doute, relève Thierry Perrin, n’ont-ils pas conscience par exemple qu’une autorisation d’occupation temporaire du domaine maritime est nécessaire (sous peine de confiscation des bouteilles). Et qu’à ces faibles profondeurs, la température peut atteindre les 25 °C, ce qui ne convient pas au vin. » Durant ces recherches, les deux amis rencontrent des professionnels du vin, de la plongée et des scientifiques. Et ils commencent à immerger du champagne à 60 mètres et du vin tranquille à 20 mètres durant un an au large d’Ouessant, un endroit des plus favorables selon les spécialistes. Les premières dégustations comparatives à l’aveugle ont eu lieu en février 2020 en présence des propriétaires des produits et des experts. Les résultats sont unanimes. Les bouteilles immergées ont toutes été préférées aux mêmes bouteilles vieillies en cave.

Un surcoût de moins de deux euros/mois d’immersion

Ces vins immergés expriment mieux les arômes, aussi bien au nez qu’en bouche. Les observations en laboratoires confirment le ressenti des oenologues. Les vins les plus jeunes perdent en acidité et en astringence. Les analyses métabolomiques en spectrométrie de masse montrent que le potentiel de garde, qui fait office de marqueur de vieillissement, est multiplié par six pour les vins immergés (176 au lieu de 29 pour ces vins restés en cave). Ces résultats s’expliquent aisément. À 60 mètres de fond, l’obscurité est totale, l’hydrométrie saturée, les températures stables (10/14 °C) et le milieu sans perturbation  électromagnétique. Le surcoût de cette opération revient à moins de 2 euros par mois d’immersion par bouteille. Les vins groupés dans des caissons de capacité de 1 000 bouteilles sont immergés par des professionnels aguerris durant les périodes propices en juin et en septembre. Immersion Vins travaille en étroite collaboration avec les propriétaires de vignobles qui choisissent de vendre eux-mêmes ou pas leurs produits stockés dans l’océan. Ainsi, depuis six mois, Immersion Vins commence à commercialiser sur son site des vins de différents propriétaires. Cette belle aventure, aiguillée au départ par une curiosité, devrait trouver son équilibre financier dans quatre ou cinq ans. Elle fait vivre actuellement cinq salariés.

—— Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte 2943)