Vin : Comment la filière s'investit dans le recyclage

Vin : Comment la filière s'investit dans le recyclage

La filière vin incite les consommateurs à recycler les déchets qu’elle engendre. Si le verre est le matériau le plus recyclé, d’autres le sont aussi, comme les bouchons de liège, la poche plastique des Bib® ou encore le papier siliconé.

Verres, bouchons, supports d’étiquettes, palettes, films en plastique et cartons peuvent se recycler, encore faut-il que des filières soient créées pour réussir ce challenge. La filière vin n’est pas la dernière à avoir mis en place des dispositifs pour inciter les consommateurs à recycler les emballages. Les vignerons, les négociants et les coopératives sont ainsi appelés à verser une éco-contribution à l’organisme Adelphe. Depuis 1993, cette structure met en place les dispositifs de tri sélectif en partenariat avec les collectivités. La collecte du verre est financée par les contributions que versent les entreprises. C’est notamment grâce aux 10 000 entreprises de la filière vin et spiritueux adhérentes à Adelphe qu’il est possible de trier, de collecter et de recycler le verre en France. Matériau le mieux recyclé, huit bouteilles de verre sur dix achetées par les ménages français sont recyclées. Et 100 % du verre collecté sont réutilisés par les verriers. Pour encourager les consommateurs à trier davantage, Adelphe incite les vignerons à apposer sur leurs emballages le logo « info tri ». Un autre levier consiste à ne pas nuire au processus de recyclage, c’est-à-dire tout faire pour que l’intégralité du verre collecté entre dans les fours.

Agir à la source

« Les colles ultra-collantes utilisées pour éviter le décollement des papiers au contact de l’eau des seaux à glace perturbent le recyclage, indique Delphine Pernot, responsable éco-conception chez Adelphe. Même chose pour les verres totalement opaques. Lors du tri optique, ces verres sont rejetés. Les sleeves thermocollés, ces habillages de bouteilles, en revanche, ne posent pas de problème au recyclage. Mais le plastique mis à part ne sera jamais valorisé. Il sera enfoui ou incinéré. » L’autre levier est d’agir à la source. « Moins de verre, c’est moins de matières premières à extraire », argumente Delphine Pernot. Pour réduire le poids des bouteilles, Adelphe mise sur des « partenariats collectifs » de plus en plus nombreux dans le secteur viticole : Comité Champagne, Interprofession des Vins de Bourgogne, filière Ratafia Champenois, etc. « Sur la période 2012-2016, note la responsable éco-conception, le poids moyen des bouteilles déclarées, de 440 grammes en moyenne, a baissé à un peu plus de 400 grammes en bordelais. La filière Champagne a déjà réduit le poids des bouteilles en verre de 900 à 835 grammes en cinq ans. »

Utiliser du verre recyclé (encore appelé calcin par les spécialistes) pour fabriquer les bouteilles pourrait être une autre solution. Cela limiterait l’extraction de matières premières comme le sable, qui est une ressource non renouvelable. Mais, ici, les limites du recyclage sont atteintes. En tout cas pour l’instant. Toutes les teintes de verre n’acceptent pas la même proportion de calcin. Plus la couleur du verre est foncée, plus il est possible d’ajouter du calcin au processus de fabrication. Les verriers souhaiteraient avoir plus de calcin. Comme le rappelle Héloïse François, directrice marketing Verallia France : « Les verriers français utilisent l’intégralité du calcin disponible. Pour gagner en durabilité sur la filière verre, il faut que le taux de collecte en France continue d’augmenter. »

Une filière pour les bouchons

Dans une moindre mesure, la filière vin participe aussi au recyclage du bouchon de liège. La Fédération française du liège (FFL) a développé depuis plusieurs années une démarche nationale de collecte par le biais de ses adhérents, en partenariat avec diverses organisations (exemples : réseau Nicolas, France Cancer, Auchan-Amorim, Vignerons indépendants…). « L’objectif est d’organiser le recyclage et d’aider diverses associations, explique Jean-Marie Aracil, chargé de mission à la FFL. Les volumes collectés sont expédiés au Portugal pour être recyclés en matériaux d’isolation. Avec une collecte actuelle de 300 à 400 tonnes, ce ne sont encore que 10 % des bouchons en liège potentiellement recyclables présents en France qui sont collectés. » En 2017, par le biais de la démarche Ecobouchon, une initiative effectuée par Amorim, une entreprise de fabrication et de distribution de bouchons de liège en France, 75 000 euros ont ainsi été reversés aux partenaires collecteurs, 27 000 euros à la recherche contre le cancer, et 42 000 euros à d’autres associations caritatives, chaque tonne collectée étant payée 330 euros.

Certains viticulteurs, comme ceux du domaine de Beyssac dans le Lot-et-Garonne, très attachés à limiter les impacts environnementaux de leur fabrication, utilisent des bouchons naturels en liège brut, non blanchi, non traité au chlore et marqué au feu pour éviter les encres. Le domaine tend à recycler et à limiter à la source tous les matériaux utilisés. Pour les capsules, par exemple, il a choisi le complexe alu de la société Janson en raison d’une moindre consommation de matières premières (il existe d’autres matériaux : plastique thermoformable, aluminium embouti et étain).

De nouveaux matériaux recyclés

La glassine, papier siliconé utilisé pour les supports d’étiquettes autoadhésives, est de plus en plus recyclée par la filière vin. Des papetiers savent désormais séparer les fibres de papier du silicone. C’est le cas de Cycle4green et de l’imprimeur autrichien Lenzing Papier, qui donnent une seconde vie aux fibres en refaisant du papier. Avery Dennison, fabricant de matières adhésives et leader mondial du secteur, estime à 43 000 tonnes de glassine la production en France. « Depuis 2017, nous nous sommes donc investis pour construire une filière de recyclage », affirme Vincent Desloges, responsable du développement durable au sein de la société. En Champagne, le groupe LVMH et la coopérative Nicolas Feuillate font partie des premiers établissements à avoir accepté le partenariat. En échange de l’enlèvement gratuit du déchet, les entreprises s’engagent à stocker la glassine dans des boîtes fournies par Avery Dennison (au sec). Depuis l’été 2018, deux imprimeurs champenois stockent la glassine pour le compte des petits domaines clients. En Languedoc, Avery Dennison construit une filière similaire à celle de la Champagne. Paul Mas, Sieur d’Arques, Antech et Gérard Bertrand constituent le groupe précurseur des maisons sollicitées. « Pour les autres régions viticoles, où il est plus difficile de massifier les stocks, nous créons pour le moment des partenariats avec des intermédiaires comme les Valoristes Bourguignons en Bourgogne, ou Fibres 49 dans le Val de Loire. Nous souhaitons récupérer un maximum de glassine. De fait, nous étudions toutes les sollicitations individuelles importantes », détaille Vincent Desloges. Enfin, selon Atlanpack, cluster graphique et packaging de Nouvelle-Aquitaine, plus de 60 % des palettes sont réutilisées. Et les films en plastique utilisés autour des palettes devraient être progressivement remplacés par des rubans adhésifs. Quant au Bib®¹, qui comprend une poche plastique et un emballage carton, ce dernier se recycle, ce n’est pas encore tout à fait le cas de la poche plastique. L’objectif de collecte des poches en plastique est d’atteindre les 100 % d’ici 2022.

—— Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte 2916)
(1) Représente 38 % des volumes de vins achetés en France.