À quand la semaine de 4 jours ?

À quand la semaine de 4 jours ?

Contrecoup de la crise sanitaire et de la généralisation du télétravail, l’idée de concentrer la semaine de travail sur 4 jours fait son chemin. Meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle d’un côté, levier d’attractivité et de productivité de l’autre, employés comme entreprises peuvent y trouver leur compte.

Après les 35 heures et la généralisation du télétravail, la prochaine avancée sociale pourrait être la semaine de 4 jours. Jusqu’alors restreinte à quelques entreprises précurseurs, l’idée d’une nouvelle répartition du temps du travail progresse. La crise sanitaire est passée par là, renforçant chez les salariés le souhait d’une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail afin de tendre vers un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Pour les entreprises, cette nouvelle modalité constitue un levier d’attractivité et de rétention des talents, en particulier dans les secteurs connaissant des difficultés de recrutement comme l’agroalimentaire ou l’hôtellerie-restauration. Un moyen aussi pour ces métiers sous tension de pallier l’absence de télétravail généralisé, leurs salariés dits « de première ligne » n’y étant pas éligibles.

Selon une étude de l’Ifop et de Cadremploi, 65 % des cadres rêvent de travailler dans une entreprise qui aurait mis en place la semaine de 4 jours sans perte de revenus. D’après une autre étude, réalisée cette fois par ManpowerGroup, plus d’un salarié sur trois seraient même prêts à sacrifier jusqu’à 5 % de son salaire pour en bénéficier.

La France n’est pas le seul pays à se poser la question. La Belgique a officiellement adopté la semaine de 4 jours en novembre dernier (sans réduction du temps travail) et le Royaume-Uni l’a expérimentée à grande échelle entre juin et décembre 2022. Un test qui a visiblement convaincu les entreprises participantes.

Un dispositif légal depuis 1996

Comme contre-feu à la réforme de la retraite, le Gouvernement français s’est aussi penché sur la question. La mise en place de la semaine de 4 jours est l’une des pistes qui ont émergé des « Assises du travail ». Lancées par le ministre du Travail, elles ont rassemblé pendant quatre mois différentes parties prenantes pour réfléchir à son avenir. Le rapport conclusif recommande d’« évaluer les modalités de mise en oeuvre et de capitaliser sur les bonnes pratiques ».

De fait, il existe un certain nombre de retours d’expérience sur le sujet. Depuis la loi Robien de 1996, les entreprises peuvent, sur la base du volontariat, aménager le temps de travail. 5 % d’entre elles auraient passé le cap.

Ces pionniers ne se recrutent pas seulementdans les start-up ou les sociétés  du numérique comme LDLC, IT Partner, Awin ou Welcome to the jungle, même le secteur public s’y met. L’Urssaf de Picardie expérimente cette nouvelle organisation du travail et la métropole de Lyon tentera cette aventure à compter du 1er septembre prochain.

Semaine de 4 jours à la carte

Bien sûr, il n’existe pas une organisation type et il convient, selon le rapport des Assises du travail, de parler « des semaines de quatre jours ». Certaines entreprises concentrent le temps de travail sur 4 jours ou 4 jours et demi ou accordent deux demi-journées « off », d’autres réservent cette modalité aux seuls emplois qui ne peuvent être effectué en télétravail. Un système de crédit peut aussi être envisagé, où les heures non utilisées seraient monétisées.

Selon les remontées des pionniers de la semaine de 4 jours, tout l’enjeu consiste à laisser les entreprises s’organiser comme elles le souhaitent, sans carcan réglementaire. Ils insistent aussi sur l’importance d’impliquer les premiers concernés – les collaborateurs –, pour que la nouvelle organisation ne produise pas des effets contraires à ceux souhaités, comme une charge de travail excessive, du stress supplémentaire ou un contrôle accru.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3015)

Étude : PRÈS D’UN SALARIÉ SUR DEUX RÉCLAME LA SEMAINE DE 4 JOURS

Selon un sondage réalisé fin mars auprès d’un panel représentatif de mille salariés français âgés de 18 à 65 ans, 47 % des salariés souhaiteraient la mise en place de la semaine de 4 jours, soit quatre points de plus qu’en novembre. Cette réduction du temps de travail arrive même largement en tête de leurs souhaits. Viennent ensuite la flexibilité des horaires pour l’ensemble des collaborateurs (36 %), la possibilité de partir plus tôt le vendredi après-midi (33 %, + 5 points) ou des jours de congé supplémentaires (31 %). Parmi ces avantages, celui du nombre illimité de jours de congé annuels gagne 9 points (20 %), la plus grosse progression par rapport à la précédente enquête.

Avis d’expert : « IMPLIQUER LES SALARIÉS DANS LA MISE EN PLACE DE LA NOUVELLE ORGANISATION »

Sabrina Khoulalène, analyste de contenu chez GetApp

Quels sont les atouts et inconvénients de la semaine de 4 jours ?
Sabrina Khoulalène : Selon une étude de GetApp, la semaine de 4 jours pourrait améliorer l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle (54 %) et le bienêtre (44 %). Les salariés sondés mettent aussi en avant la diminution des temps de transport (42 %) et la possibilité de mieux se déconnecter (54 %). Les collaborateurs émettent toutefois quelques craintes. Ils redoutent que la mise en place de cette nouvelle organisation entraîne des journées de travail à rallonge, une charge de travail excessive ou une diminution de leur salaire. Quand on les interroge cette fois sur les bienfaits côté entreprise, la semaine de 4 jours peut, selon eux, constituer un levier d’attractivité et de fidélisation des talents. Il s’agit également d’un moyen pour lutter contre l’absentéisme, augmenter la productivité ou réduire les coûts de fonctionnement comme la consommation d’énergie. Les salariés sont toutefois conscients de la complexité opérationnelle que constitue pour les entreprises la mise en place de cette réduction du temps de travail, en matière de tâches administratives ou de régulation des contrats de travail.

Quelle organisation mettre en place ?
S. K. : Il n’existe pas d’organisation type. Chaque entreprise doit trouver les bons leviers pour redéfinir son organisation du travail et hiérarchiser les tâches. La communication est clé et il est conseillé d’impliquer les salariés dans la mise en place de la semaine de 4 jours. De son côté, le manager peut, en toute transparence, instaurer des indicateurs de performances et veiller à bien compartimenter les tâches, entre celles qui relèvent d’un niveau individuel et celles qui sont collectives. Il cherchera aussi à supprimer les réunions superflues.

Quel est l’apport du numérique ?
S. K. : Il est essentiel pour faciliter la collaboration et la répartition des tâches, notamment avec des logiciels de communication, de collaboration, de gestion de projets et de productivité, de gestion de suivi des performances et de gestion du temps. Pour 86 % des employés qui ont recours à ce type de logiciels, leur utilisation permet une plus grande flexibilité du lieu et des horaires de travail. Ils permettent, en outre, d’accéder rapidement aux informations et tâches importantes, de mieux gérer le temps de travail et donc de gagner en efficacité. 70 % des employés interrogés accepteraient une plus grande flexibilité dans leur travail, même si cela entraîne une surveillance accrue de la part de leur employeur. Rappelons toutefois que le contrôle des tâches doit se faire dans le respect du RGPD et des préconisations de la Cnil. Aussi, l’instauration de la semaine de 4 jours ne devrait-elle pas entraîner une surveillance permanente des salariés, ni couvrir un objectif caché. Si ces règles ne sont pas respectées, cela pourrait nuire à la relation de confiance entre l’employé et l’entreprise et donc non seulement à la productivité, mais aussi, à terme, au succès de la semaine de 4 jours.