Ce que le métavers peut apporter à la fonction RH

Ce que le métavers peut apporter à la fonction RH

Du recrutement à la formation en passant par l’onboarding et l’organisation de sessions de travail, les nouveaux univers immersifs virtuels offrent un grand nombre de cas d’usage. Ils renouvellent à la fois l’expérience candidat et l’expérience collaborateur.

C’est le mot le plus tendance de ces derniers mois. Le métavers serait ni plus ni moins que l’avenir du Web. Plutôt que de poster des billets sur les réseaux sociaux, nous devrions prochainement interagir sous forme d’avatars dans des univers virtuels et immersifs. Les premiers métavers, qui ont pour noms The Sandbox, Decentraland, Rollbox ou VRChat,  ressemblent, pour l’heure, à de grands jeux vidéo en 3D.

Et déjà de grands groupes dans la distribution, du prêt-à-porter ou du luxe, comme Carrefour, LVMH, Nike, Balenciaga ou Zara, commencent à y vendre toute sorte d’objets virtuels. L’histoire n’est qu’à ses & Company, ce monde nouveau devrait générer 5 000 milliards de dollars d’ici 2030. Si le métavers constituera un nouveau canal d’interaction entre les marques et les consommateurs, il aura également un impact sur notre rapport au travail. D’ores et déjà, un grand nombre de cas d’usage RH se dessine. Dans les futurs bureaux virtuels, il sera possible de recruter et de travailler à distance, d’intégrer les recrues (onboarding) ou d’organiser des séminaires.

Selon ses afficionados, le métavers serait le nouveau levier d’attractivité dans la guerre des talents. En renouvelant l’expérience candidat, une entreprise serait plus à même de séduire les « digital natives » et d’élargir son sourcing à l’international. À défaut, elle aura renforcé sa marque employeur en se montrant à la pointe de l’innovation. Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a récemment participé à une séance de recrutement dans le métavers de Frame Vr. Le métavers peut ensuite améliorer l’expérience collaborateur en proposant d’organiser des réunions de travail plus interactives et engageantes que les traditionnelles sessions de « visio » sur Zoom, Microsoft Teams ou Google Meet au nombre de participants, par ailleurs, limité. Une fois la journée de travail terminée, le « digital office » peut accueillir des afterworks ou des événements festifs de type barbecue virtuel. Le réseau d’agences immobilières eXp Realty a fait le choix radical de basculer à 100 % dans le métavers. Ce groupe international qui compte plus de 67 000 collaborateurs dans 18 pays n’a  plus de bureaux physiques. Sans aller jusque-là, Mistertemp’, entreprise française de travail temporaire, a acheté une parcelle de 10 000 m2 sur The Sandbox et lancé une première agence dans le métavers.

Un univers de formation plus engageant

L’autre volet, c’est celui de la formation. Le métavers peut se transformer en académie virtuelle pour proposer des formations à distance aux collaborateurs, quelle que soit leur localisation. Le taux d’engagement serait beaucoup plus élevé qu’avec les dispositifs traditionnels de l’e-learning. « Plutôt que d’être placé devant son écran, sans grande interactivité, l’apprenant évolue dans un univers immersif et ludique, avance Benjamin Atlani, PDG de WiXar, éditeur spécialisé dans le domaine. Le learning immersif relève, par ailleurs, de l’émotionnel, ce qui facilite l’ancrage mémoriel sur le long terme. Le cerveau a l’impression  d’être dans la réalité. Ce qui crée du “déjà-vu”. » Selon lui, ce learning immersif se prête aussi bien au développement des hard skills que des soft skills. Dans le premier cas, WiXar a formé des agents de la voirie pour réduire les risques d’accidentologie ou des agents des services hospitaliers (ASH). Côté soft skills, il est possible  d’apprendre à un futur vendeur comment se comporter avec les clients qui entrent en boutique. « Il va s’entraîner en dialoguant avec une intelligence artificielle », poursuit Benjamin Atlani.

Notre expert cite un dernier cas d’usage : le pré-boarding : « Un candidat teste son appétence et sa capacité à exercer le poste à pourvoir. Il décide ensuite de poursuivre ou non son parcours de candidat. » Un vrai gage de transparence à ses yeux. Au-delà des plateformes publiques, une entreprise peut ainsi développer son propre métavers, où elle fait découvrir ses métiers aux candidats et forme ses collaborateurs.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2992)

Avis d’expert : « AVANT-GARDISTE, L’ENTREPRISE RENFORCE SA MARQUE EMPLOYEUR »

Guillaume Dupont, cofondateur du cabinet Louis Dupont (management de transition)

Quels sont les apports du métavers pour la fonction RH ?
Guillaume Dupont : Le métavers se prête à un grand nombre de pratiques RH. Dans un monde virtuel, il est possible de conduire un entretien d’embauche, de mettre en place un parcours d’onboarding, de tenir des formations immersives, mais aussi d’organiser des réunions, des séminaires ou des séances de team building.

Le métavers peut changer l’expérience à la fois du candidat et du collaborateur. Pour passer un entretien dans le métavers, le candidat crée son avatar, ce qui va favoriser la diversité en luttant contre les discriminations liées à l’origine, au genre, au handicap ou à l’âge. En se montrant innovante et avant-gardiste, l’entreprise va, elle, renforcer sa marque employeur. Dans la guerre actuelle des talents, c’est un moyen d’attirer des collaborateurs, mais aussi de les retenir. Depuis la crise de la Covid-19, nombre de salariés veulent à la fois télétravailler et garder le lien avec leurs collègues.

Le métavers peut résoudre ce paradoxe apparent en reliant des collaborateurs de différentes géographies. L’employeur propose un mode d’interaction plus engageant que la visioconférence. Demain, le modèle Zoom sera relégué à la préhistoire.

À qui s’adresse le métavers ?
G. D. : Il s’adresse avant tout aux nouvelles générations ultra-connectées qui se sont approprié les codes et cherchent une nouvelle expérience au travail. Plus généralement, les populations éligibles au télétravail peuvent rejoindre le métavers. Il s’agit des fonctions corporate et support comme les RH, la finance, le juridique, la communication, le marketing et l’IT. Bref, les fonctions qui ne sont pas liées à la production.

Du côté des entreprises pionnières, on trouve à un bout du spectre les start-up et les sociétés technologiques et, de l’autre, des grands comptes qui ont les moyens et les compétences pour investir le sujet. Comme pour toute innovation émergente, une poignée de sociétés locomotives saute le pas, puis le mouvement va progressivement se généraliser. Il ne faut toutefois pas prendre la vague trop tard au risque d’avoir des problèmes de visibilité et d’attractivité.

Étude : LES FRANÇAIS, FRILEUX À L’IDÉE DE SE TÉLÉPORTER DANS LE MÉTAVERS

Selon un récent sondage Ifop-Talan, les métavers suscitent la crainte d’une grande majorité de Français (75 %). La méfiance est inversement proportionnelle au niveau de connaissance de nos compatriotes pour les mondes virtuels numériques. Moins ils appréhendent ce type d’univers immersif, plus cela suscite de l’inquiétude. La dimension travail est pour l’instant occultée. Les Français voient dans les métavers avant tout un moyen de se divertir (60 %) et de s’évader du réel (54 %). Par ailleurs, 80 % des sondés ne pensent pas qu’ils pourraient faire baisser les émissions carbone dans le monde réel. À la question « À quels acteurs feriez-vous confiance pour conserver les données personnelles dans un métavers ? », les banques et les institutions publiques arrivent devant les Gafam.