Circuits courts : Quand la crise sanitaire accélère l’essor du « manger local »

Circuits courts : Quand la crise sanitaire accélère l’essor du « manger local »

Pendant le confinement, la vente directe et la consommation de produits locaux ont explosé. Afin que la tendance ne s’essouffle pas trop vite, les collectivités comptent poursuivre les travaux engagés pendant la crise et développer les circuits courts.

Avec le confinement, la fermeture de la restauration hors domicile et des marchés de plein vent, de nombreux agriculteurs se sont trouvés en panne de débouchés. Dans l’urgence, plusieurs Régions ont décidé de porter secours aux producteurs en mettant en place des plateformes sur le Web permettant aux consommateurs confinés d’aller se fournir directement chez les producteurs locaux. Ainsi, les Régions Occitanie, Centre-Val de Loire ou encore Provence-Alpes-Côte d’Azur ont rapidement déployé des plateformes, bien souvent en partenariat avec les chambres d’agriculture régionales. Ces outils, initialement solutions d’urgence, pourraient bien être pérennisés. En effet, la demande des consommateurs en produits locaux a été renforcée par la crise.

Trouver de nouveaux débouchés dans l’urgence

En région Centre-Val de Loire, la plateforme Produits frais locaux a été créée à l’initiative du président de Région François Bonneau. « Après l’annonce du confinement, le président de Région, informé par les filières agricoles, s’est vite rendu compte de la gravité de la situation pour les producteurs, avec la fermeture brutale de certains de leurs débouchés, notamment les marchés de plein vent ou la restauration hors domicile. C’est ainsi que l’idée de plateforme sur le Web est née », explique Florence Lejars, cheffe de projet stratégie régionale de l’alimentation au conseil régional Centre-Val de Loire. Proposée par le président de Région le 26 mars, la création de la plateforme est validée par la chambre d’agriculture puis par d’autres partenaires. Dès le 30 mars, l’outil est en état de marche. Le besoin était particulièrement urgent dans cette région, car « 85 % de la production régionale sont en filières longues : le lien direct entre producteurs et consommateurs est assez faible », note la cheffe de projet.

En quelques semaines, près de 700 producteurs et/ou points de vente se sont inscrits sur la plateforme, et 160 000 connexions ont été recensées dès la première semaine. En Occitanie, le conseil régional a souhaité « dès le lendemain du confinement, apporter des solutions concrètes pour l’alimentation ». La plateforme Solidarité Occitanie Alimentation, qui recense les producteurs locaux, a également été mise en place. Depuis sa création, cette dernière, situant 4 200 exploitations agricoles sur une carte régionale, a reçu plus de 650 000 connexions. « Face à l’affluence de la demande, certains producteurs se sont même retrouvés en pénurie de produits ! », affirme-t-on à la Région.

« Aujourd’hui, malgré le déconfinement, nous comptons encore entre 3 000 et 3 500 connexions par semaine, et les producteurs continuent à s’inscrire pour être recensés sur la carte », indique Florence Lejars. Une preuve que la plateforme répond à une réelle attente des consommateurs et des producteurs. « Nous avons décidé de pérenniser cet outil, même s’il a d’abord répondu à une situation de crise », annonce-t-elle. Christelle de Crémiers, vice-présidente de l’alimentation au conseil régional Centre-Val de Loire, a pris en charge le long terme de cette plateforme créée dans l’urgence. Elle a d’ailleurs déjà connu quelques améliorations : « Nous avons créé un fil d’actualité remis à jour trois fois par semaine. Il permet de mettre en avant un producteur, un point de vente ou un type de produit. »

En Occitanie également, la plateforme est destinée à perdurer. Les professionnels inscrits sont actuellement contactés afin de mettre à jour leur profil : la plupart d’entre eux transforment désormais la livraison à domicile en point de vente direct. Ces outils, nés en quelques jours au début du confinement, sont finalement venus accélérer des démarches déjà engagées par les Régions.

Accélération de la transition alimentaire

« En Centre-Val de Loire, une stratégie régionale de l’alimentation a été définie en 2017, avec comme objectif majeur de relocaliser l’alimentation. La Région soutient d’ailleurs fortement le développement des projets alimentaires territoriaux (PAT1). Finalement, la crise sanitaire est venue mettre un coup d’accélérateur à un projet qui était déjà en cours », constate Florence Lejars. L’Occitanie se mobilise également depuis plusieurs années pour promouvoir la consommation de produits agricoles locaux. « La région Occitanie est riche de sa diversité : elle compte plus de 260 signes officiels de qualité, faisant d’elle la première région d’Europe », explique Vincent Labarthe, vice-président de la région Occitanie en charge de l’agriculture. Depuis 2018, l’alimentation durable a même été déclarée « grande cause régionale ».

S’il est encore trop tôt pour établir un bilan économique des plateformes régionales, les retours semblent cependant positifs. « Nous recevons des messages de producteurs qui saluent l’initiative, et le fait que de nouveaux continuent à s’inscrire prouve que l’outil répond à des besoins », se félicite la chargée de mission de la région Centre-Val de Loire. Même constat en Occitanie : « Nous n’avons pas encore de statistiques sur les liens créés entre producteurs et consommateurs, mais les retours sont positifs ! Nous comptons faire le point à la fin de la saison estivale », indique-t-on à la Région.

—— Bérengère BOSI (Tribune Verte 2939)
(1) Les PAT ont été créés par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) de 2014. Ils visent à « rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales ainsi que les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation ».

Renaud Rivas, maraîcher à Grézian
HAUSSE DES VENTES… PUIS RETOUR À LA NORMALE !

Maraîcher à Grézian (65), en vallée d’Aure, Renaud Rivas a vu son chiffre d’affaires multiplié par sept pendant la période de confinement. Le producteur s’est inscrit sur la plateforme développée par la Région Occitanie. « Normalement, nous faisons de la vente directe sur l’exploitation les mercredis et les vendredis, et nous vendons sur deux marchés, à Arreau et à Saint-Lary. Pendant le confinement, le marché d’Arreau a été fermé, mais celui de Saint-Lary a été maintenu, et nous avons eu autant de clientèle que pendant les mois d’été où les touristes sont présents ! » constate le producteur. La vente à la ferme a également beaucoup progressé : « Habituellement, nous comptons une dizaine de clients les jours d’ouverture, et pendant le confinement, nous sommes passés à environ vingt-cinq. » Avec une dizaine de producteurs de la vallée d’Aure, Renaud Rivas a créé pendant le confinement un drive fermier proposant du fromage, du miel, de la viande, du safran ou encore des légumes. « Nous avons eu énormément de commandes, note Renaud Rivas. Mais dès le premier jour du déconfinement, les commandes ont cessé. » Le déconfinement semble en effet avoir donné un coup d’arrêt au développement de l’activité. « Nous avons énormément travaillé pendant le confinement. Désormais, les choses reviennent à la normale. » Cette situation peut s’expliquer par le caractère très touristique de la vallée d’Aure : « Parmi les nouveaux clients, beaucoup étaient des touristes qui s’étaient installés dans leur résidence secondaire pour le confinement. Ils sont rentrés chez eux lorsque le déconfinement a été déclaré », constate Renaud Rivas.