Comment attirer et fidéliser les talents de la génération Z ?

Comment attirer et fidéliser les talents de la génération Z ?

En quête de sens, d’engagements et de valeurs, les jeunes nés après 1995 frappent aux portes de l’entreprise avec de nouvelles attentes. Aux employeurs de les décoder et d’y répondre au plus juste.

Les Z, de drôles de zèbres ? Comme à chaque nouvelle génération, les jeunes nés à partir de 1995 se voient affubler de tous les défauts et d’autant de qualités. Ils seraient à la fois zappeurs, matérialistes et désabusés, mais, dans le même temps, sociables, engagés et créatifs. On les dit aussi surinformés, ces digital natives, qui ont grandi avec les premiers Smartphones.

Au-delà de cette approche sociologique, les employeurs sont, en tout cas, unanimes à dire que, bien plus encore qu’avec les Y, ils devront changer leurs modes d’approche pour attirer et surtout retenir ces jeunes gens aux personnalités parfois bien trempées. Ils n’ont, de toute façon, pas le choix. Frappant en nombre aux portes de l’entreprise, les Z représentent déjà 20 % des actifs. Psychosociologue et dirigeante du cabinet Vague de Sens, Marlène Legay a l’occasion de s’entretenir avec des jeunes de 15-25 ans étudiant ou travaillant dans la filière agroalimentaire. Elle observe chez eux un fort désir de transparence. « Dès la lecture de l’offre d’emploi, ils se questionnent. Est-ce que l’image transmise par l’employeur est conforme à la réalité ? À partir de recherches sur le Web et en activant leurs réseaux, ils vont croiser les données et s’informer notamment sur l’environnement de travail ou l’ambiance. »

Et malheur s’il y a tromperie sur la marchandise. « En cas de dissonance entre le discours et la réalité du terrain, ces jeunes ne postulent pas ou, s’ils sont déjà recrutés, peuvent écourter leur expérience au sein de  l’entreprise. » Les Z sont aussi en quête de sens et d’engagement. À leur niveau, ils veulent avoir un impact positif sur la société. « Le choix de l’agroalimentaire n’est pas un hasard. Ils sont portés par cette grande mission qui est de nourrir la planète », note Marlène Legay. La prise en compte des enjeux environnementaux est devenue la norme pour cette génération et ne constitue plus un élément différenciant. « Une entreprise doit, en revanche, affirmer ses valeurs, poursuit la psychosociologue. Pourquoi existe-t-elle et quelle est sa finalité ? Et, là encore, attention au décalage entre les valeurs formulées et la réalité. »

En quête de considération et de reconnaissance

Évoluant dans un monde empreint de crises et d’incertitudes, les Z ne cherchent plus un job à vie et la sécurité de  l’emploi, comme leurs parents et leurs « boomers » de grands-parents. Intérim, freelancing, slashing (cumul d’emplois)… Ils ont compris qu’il y avait des alternatives au CDI et que leur parcours professionnel ne sera pas un long fleuve tranquille. Plutôt que de décrocher un salaire mirobolant, les jeunes actifs cherchent avant tout à se réaliser en multipliant les missions valorisantes dans un environnement de travail bienveillant. En quête de considération et de reconnaissance, le management vertical ou toxique n’a plus de droit de cité à leurs yeux. Si les Z accordent beaucoup de place au digital et aux réseaux sociaux, ils sont, dans le même temps, attachés aux relations humaines et à l’expérience du collectif. Plus que le full remote (100 % télétravail), ils privilégient le travail en mode hybride, afin de parvenir à un équilibre vie personnelle-vie professionnelle. En matière de recrutement, la réponse à une offre d’emploi à travers un CV et une lettre de motivation semble dépassée. Le rapport de force s’étant inversé pour certains profils pénuriques, c’est à l’entreprise de susciter les candidatures spontanées à travers une stratégie de marque employeur repensée.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2987)

Avis d’expert : « LA GÉNÉRATION Z EST ANIMÉE PAR UN SENTIMENT D’URGENCE »

Marlène Legay, psychosociologue et dirigeante de Vague de Sens

Quels sont les traits dominants de cette génération Z ?
Marlène Legay : C’est une génération qui a la bougeotte et peut vite s’ennuyer. Plus que de parler de carrière, elle envisage le travail comme une succession de missions variées, où il s’agit de faire des rencontres, d’acquérir de nouvelles compétences. Ces jeunes actifs veulent avoir un impact positif sur la société à travers des actions concrètes. Ils entendent aussi concilier épanouissement professionnel et réalisation de soi. Le salariat n’est pas la seule piste envisagée. 30 % des jeunes que j’interviewe ont des désirs d’entrepreneuriat à plus ou moins long terme. Pour autant, c’est une génération très sociale et sociable. Dans la culture du partage, elle a envie de s’intégrer à un collectif. Sauf exception, le 100 % télétravail ne fait pas sens à leurs yeux.

Quel est son rapport au travail ?
M. L. : Ils sont conscients qu’ils devront écouter les propos de leur manager et suivre ses directives. Pour autant, ils souhaitent avoir un rapport d’égal à égal avec ce dernier. Un jeune Z veut être considéré comme un individu à part entière et non comme un ensemble de compétences. Donner un ordre sans en préciser la finalité, cela ne marche pas. Le manager doit expliquer, faire preuve de pédagogie, contextualiser et donner du sens. C’est, par ailleurs, une génération anxieuse. Commençant leur carrière, ces jeunes actifs peuvent manquer de confiance et ont besoin d’être rassurés. Cela peut passer par la nomination de référents, mais aussi par la verbalisation du droit à l’erreur. Un cadre de confiance qui autorise la prise d’initiatives.

Comment les employeurs peuvent-ils répondre à leurs attentes ?
M. L. : Les jeunes de la génération Z ont envie de se projeter. Comment cela se passe-t-il une fois qu’on a franchi la porte de l’entreprise ? Avec quels types de profils vais-je travailler ? Une stratégie de marque employeur doit répondre à ce besoin de transparence. Cela peut passer par la mise en ligne de photos des locaux ou d’interviews vidéo de collaborateurs. L’entreprise doit aussi ouvrir ses portes. Les recrues potentielles souhaitent rencontrer leur n+1, leurs futurs collègues. Un employeur doit particulièrement soigner le parcours d’intégration, une étape clé. Il sera vigilant sur les éventuelles difficultés relationnelles entre la jeune recrue et son manager ou avec ses collègues. Car un Z n’hésitera pas à partir. Il a davantage que d’autres générations cette capacité à rebondir ou à créer son propre emploi. Il vit dans un monde tellement empreint d’incertitudes, à commencer par l’avenir de la planète, qu’il relativisera la perte d’un emploi. Un sentiment d’urgence l’anime. Il veut vivre plein d’expériences.

Étude : DES JEUNES PLUTÔT CONFIANTS EN LEUR AVENIR

55 % des jeunes diplômés et actifs âgés de 18 à 24 ans se disent confiants – et même très confiants pour 18 % – quant à leur recherche d’emploi, selon une étude de Monster de 2021. Les femmes émettent plus de réserve (43 %). On observe aussi des disparités régionales. Le Sud-Est se place en haut du podium avec 54 % des jeunes se déclarant optimistes. De manière générale, les sondés habitant les zones rurales (53 %) sont plus confiants que ceux résidant en région parisienne (47 %). Parmi les atouts, les jeunes de la génération Z citent – à égalité – leur personnalité et le niveau d’études (21 %), avant l’expérience (19 %) et la cohérence de leur parcours (10 %). Quant aux freins, le manque d’expérience (43 %) arrive en tête devant les discriminations fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle (24 %). Viennent ensuite le manque de réseau, la concurrence entre les candidats et la situation économique (22 %). Si 75 % des candidats accepteraient de travailler dans un secteur qu’ils n’avaient pas visé au départ, mais dans lequel ils pourraient exercer leur métier, 78 % refuseraient un emploi qui n’a pas de sens pour eux.