Coopératives : évolution des métiers imposée

Coopératives : évolution des métiers imposée

La Coopérative des agriculteurs du Chinonais (Copac) oeuvre sur plusieurs secteurs d’activité et réunit différents métiers, dont certains sont amenés à changer pour s’adapter à la loi EGalim.

«Nos métiers sont en train d’évoluer », énonce Patrice Allard, président de la Copac. Le groupe, basé à Chinon, en Centre Loire, intervient dans plusieurs secteurs d’activité : grandes cultures, viticulture, arboriculture, maraîchage et jardinerie.

Des produits, du matériel et des services

La Copac, qui compte 31 salariés (hors saisonniers), commercialise des produits phytosanitaires et du matériel à destination de 1 120 adhérents professionnels. Elle comporte également une filiale jardin, sous l’enseigne Gamm vert, dont les produits, le matériel et les services sont à destination des professionnels, des particuliers et des collectivités. Le groupe collecte et stocke des céréales produites par ses adhérents : ses silos ont une capacité de 22 000 tonnes, et, chaque année, environ 50 000 tonnes de céréales et d’oléagineux sont collectés dans le triangle chinonais. Les salariés de la Copac sont répartis de la façon suivante : 22 sur la partie coopérative, 8 sur la filiale jardin et 2 sur l’axe paysage-motoculture. « Avec la loi EGalim1, tous nos métiers sont bousculés. Il faut séparer la vente des produits phyto de l’activité conseil, alors que les deux fonctions étaient associées. Nous devons passer de technicien à consultant. Cela a aussi des répercussions sur notre filiale jardin », explique Patrice Allard. Ce changement légal impose une approche nouvelle, à la fois dans les mentalités mais aussi dans les métiers. « Nous avons fait appel à deux sociétés d’experts pour travailler sur l’aspect économique et sur le volet humain. » Le président évoque également le travail, mené depuis plus d’un an et demi, d’analyse sur les profils, sur les postes, et sur les ressentis par rapport à ces changements impératifs dans les métiers : « Cela nous a amenés à faire un point sur nos métiers et sur nos compétences, particulièrement en agroécologie. Nous avons redéfini tous les postes pour créer la coopérative de demain. La vente, le conseil et la collecte de céréales sont concernés. Nous sommes coresponsables de la nouvelle agroécologie. » Il rappelle que la loi EGalim affecte toute la filière agricole. Ceux qui avaient le poste de technicien conseiller doivent désormais relayer ces changements aux adhérents. En somme, ils doivent être communicants sur les nouvelles pratiques en plus de leur emploi de technicien ou de commercial. « Demain, il va falloir prêcher la bonne parole aux agriculteurs », ironise-t-il. Et s’il reconnaît que les membres de la Copac sont compétents pour s’adapter aux évolutions des postes, il précise tout de même qu’ils n’ont pas tous le même ressenti par rapport à l’agroécologie. « Certains le vivent bien, d’autres sont plus réticents. Ces évolutions doivent être volontaires. Si on oblige les personnes à changer, on va droit à l’échec. C’est une nécessité économique et légale qui nécessite une dynamique au sein des entreprises, mais aussi à tous les niveaux de la société. » Le président évoque les besoins d’avancer sur ces questions agroécologiques au niveau régional et la nécessité d’être soutenu par les élus dans cette dynamique. « L’agribashing ne facilite pas la perception des enjeux agricoles ni le travail des conseillers. La relation avec l’adhérent va changer. Il faut amener nos collaborateurs vers un monde nouveau, encadrer nos agriculteurs et voir quelle stratégie mettre en place pour s’adapter aux exigences européennes de la nouvelle Pac2. »

S’adapter aux cibles

Côté changements, la Copac a également analysé le besoin de devenir multimarque dans le secteur jardin et pour la marque actuelle Gamm vert. Le président évoque la nécessité de décliner une marque en fonction des cibles, d’opter pour la stratégie de la Fnac et de Darty, qui appartiennent au même groupe et qui proposent les mêmes produits, mais qui sont situés à des endroits différents et n’ont pas des cibles similaires (l’un est situé en centre-ville et l’autre en périphérie). Ce changement permettrait de compenser les pertes actuelles de valeur liées aux diminutions des produits phyto.

D’ailleurs, pour l’instant, la Copac ne prévoit pas de nouveau recrutement, et les départs en retraite ont été anticipés et ne seront pas remplacés. Cependant, « cela ne veut pas dire qu’on ne créera pas de nouveaux postes, affirme Patrice Allard. Récemment, pour nos recrutements spécifiques, nous sommes passés par l’Apecita, qui a présélectionné des candidats. Pour le poste de consultant, six à huit personnes ont été sélectionnées. Les candidats se sont ensuite présentés à une commission de direction, qui a présenté la structure, puis devant une commission technique et RH. Cette dernière partie est gérée par l’APECITA. » Le président de la Copac évoque un fonctionnement efficace et rapide, et prodigue quelques conseils : « Nous avons contacté l’APECITA en décembre, et nous avons recruté début janvier. Il faut être structuré pour recruter, être pragmatique et multicanaux. Pour les recrutements spécifiques agro, nous nous tournons également vers l’APECITA. Pour le retail, nous nous dirigeons davantage vers Pôle emploi et vers les réseaux sociaux. La montée en puissance de ces derniers permet d’avoir plus de retours. Pour nous, le dernier canal de recrutement provient de la base : nous travaillons avec les écoles, et prenons entre vingt et trente stagiaires par an. Cela nous coûte en temps et en argent, mais c’est important ! Nous avons, par exemple, des élèves en transport et en logistique, et l’été, nous intégrons des étudiants en bac pro transport. D’ailleurs, 80 % de nos chauffeurs viennent du lycée professionnel. Il faut parfois élargir ses recherches et ses perspectives. Aussi, faire l’éloge de son entreprise est important, cela permet d’accueillir des candidats provenant de cursus réputés. » Patrice Allard regrette cependant qu’il n’y ait pas une plateforme emploi commune à toutes les structures actuelles, qui leur permettrait de partager tout en gardant leur indépendance. Il rappelle d’ailleurs que c’est le fonctionnement des coopératives : des indépendants mutualisant leurs efforts ou leurs ressources.

—— Sophie SENTY (Tribune Verte 2933)
(1) Une ordonnance du 24 avril 2019 rend incompatibles, à compter du 1er janvier 2021, les activités de vente ou d’application et de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Elle fixe des règles de séparation capitalistique entre ces activités.
(2) Politique agricole commune.

EN CHIFFRES

  • Création de la Copac en 1985, fruit de la fusion entre La Paysanne chinonaise, coopérative d’approvisionnement à Chinon, et la coopérative céréalière de La-Roche-Clermault.
  • 12 membres dans le conseil d’administration, dont 1 président, 3 vice-présidents et 8 administrateurs.
  • 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019.
  • 32 salariés d’ici juillet 2020.