Digitalisation : Comment la crise a enrichi le SIRH

Digitalisation : Comment la crise a enrichi le SIRH

La crise de la Covid-19 conduit à accélérer la digitalisation des processus RH et à améliorer l’expérience collaborateur. Le système d’information RH voit ainsi son périmètre fonctionnel s’élargir bien au-delà de l’administration du personnel.

Lors du premier confinement, des entreprises peu prévoyantes se sont trouvées coupées de leur système d’information RH (SIRH). Avec un hébergement sur leurs propres serveurs, les données devenaient inaccessibles. Les responsables RH ont dû revenir sur site ou passer par un réseau privé virtuel (VPN) aux performances aléatoires. Alors que la tendance était bien engagée, la crise a ainsi définitivement entériné la victoire du SaaS sur le mode on-premise. Le cloud a aussi permis de poursuivre la dématérialisation des processus RH. Après le dossier administratif du collaborateur (bulletin de paie, contrat de travail, avenants), la digitalisation s’est élargie au recrutement, au parcours d’intégration, à la formation ou au développement des compétences.

Depuis plus d’un an, les chargés de recrutement conduisent les entretiens d’embauche par visioconférence. Les apprenants ont déserté les salles de formation pour se déporter sur de nouvelles modalités pédagogiques comme la classe virtuelle, les MOOC ou les tutoriels vidéo.

Une fois les processus RH digitalisés, il est possible de les automatiser grâce à la RPA (robotic process automation). « Des robots logiciels vont effectuer des tâches sans valeur ajoutée comme renseigner le dossier d’un candidat en extrayant les informations de son CV ou effectuer des contrôles sur la paie pour éviter d’éventuelles erreurs de saisie », explique Benoît Capitant, directeur du pôle RH du cabinet de conseil en transformation numérique mc2i.

Le numérique favorise le maintien du lien social

Éditeurs de logiciels spécialisés et responsables RH s’accordent aussi sur l’importance prise par l’expérience collaborateur. Dans le contexte particulièrement anxiogène de la pandémie, le numérique peut, paradoxalement, aider à maintenir le lien social et l’engagement des collaborateurs en favorisant la circulation de l’information. Le SIRH ne se limite plus à la paie et à l’administration du personnel et aborde d’autres rivages. Jusqu’alors dans le giron de la DSI, le concept de « digital workplace » se déplace ainsi sur le terrain de la DRH. Cet espace de travail numérique réunit les différentes briques pour travailler en télétravail : agenda partagé, chat, téléphonie, visioconférence, partage de fichiers… Des outils dédiés avant tout à la productivité mais qui permettent aussi des échanges plus informels entre collègues. Sur ce créneau, on trouve d’ailleurs des acteurs issus des réseaux sociaux d’entreprise comme Talkspirit, Jalios, Jamespot à côté des géants du numérique comme Microsoft avec sa messagerie d’équipe Teams.

Pour prévenir les risques psychosociaux, une myriade de start-up se sont aussi positionnées sur la qualité de vie au travail (QVT) comme Moodwork et Bloom at Work. Elles proposent de prendre le pouls du terrain à travers des questionnaires anonymes et des sondages mesurant à intervalles réguliers le climat social.

Dans la période d’incertitude que nous traversons, il s’agit également d’offrir des perspectives d’évolution. Un nombre croissant de solutions comme Clustree ou 365Talents font appel aux algorithmes d’intelligence artificielle pour détecter les compétences – parfois cachées ou dormantes – du collaborateur et lui proposer derrière des offres de mobilité interne ou un parcours de formation.

Cette approche par les compétences met l’accent sur les « soft skills ». À savoir des compétences comportementales comme le sens de l’autonomie, l’esprit d’initiative, la capacité à travailler en équipe, le sens de la communication, l’aptitude à gérer son temps et son stress. Autant de qualités humaines fortement valorisées depuis la généralisation du télétravail.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2962)

Étude : LES PME, PEU SATISFAITES DE L’OFFRE DU MARCHÉ

Selon une étude réalisée par la start-up Empowill (370 professionnels interrogés), 51 % des entreprises de moins de 500 salariés ne disposent pas de SIRH. Un chiffre qui s’explique par l’inadéquation entre les solutions RH proposées et les besoins des entreprises de taille modeste. Ces dernières évoquent la complexité d’utilisation et de mise en place (75 %), le prix trop élevé (60 %) ou le manque de personnalisation (50 %). Plus généralement, un décalage se creuse entre les attentes des PME et les promesses des éditeurs spécialisés. Par exemple, moins de 20 % seulement attendent des fonctionnalités avancées de conseil basé sur l’intelligence artificielle ou le big data. Pour 78 % des responsables RH, le principal frein à l’adoption (versus 48 % pour les grands groupes) reste le prix, loin devant les difficultés opérationnelles liées au déploiement (40 %).

Avis d’expert : « CALQUER L’EXPÉRIENCE COLLABORATEUR SUR L’EXPÉRIENCE CLIENT »

Benoît Capitant, directeur du pôle RH du cabinet de conseil mc2i

Quelles ont été les priorités pour adapter le SIRH au contexte de crise ?
Benoît Capitant : Il a d’abord fallu d’ouvrir le SIRH pour accéder à distance aux données. Les sociétés qui ont fait le choix du SaaS ont pu travailler depuis n’importe quel terminal connecté alors celles qui sont restées sur des solutions hébergées sur leur propre infrastructure ont dû recourir à des passerelles sécurisées.

La pandémie a définitivement validé le modèle du SaaS. La tendance était déjà engagée avec la gestion des talents, elle s’est poursuivie avec le recrutement à distance, basée sur des solutions de visioconférence, le parcours d’intégration (onboarding) et la formation, eux aussi digitalisés. La crise a aussi rendu incontournable la mise en place d’une digital workplace. Dans un espace unifié, les employés collaborent à distance, partagent de l’information. Cet espace de travail numérique permet, par ailleurs, de maintenir le lien social.

Quels sont les autres impacts de la crise ?
B. C. : Avec la crise, certaines entreprises ont dû geler leur recrutement, favorisant la mobilité interne. L’évolution des compétences devient également un enjeu-clé avec la transformation numérique. Des métiers vont disparaître, d’autres émerger.

Les entreprises ne peuvent s’appuyer sur les outils traditionnels outils de GPEC aux référentiels complexes, peu ou mal renseignés. Un nombre croissant de solutions font appel à l’intelligence artificielle pour identifier dynamiquement les compétences des collaborateurs, mettre en regard les évolutions de postes possibles puis proposer le meilleur matching. Le collaborateur va autodéclarer ses compétences et l’IA complétera le profil en remontant des compétences cachées. L’IA ne reste qu’une aide à la décision et n’a pas vocation à remplacer le gestionnaire de carrière ou le chargé de recrutement.

Comment améliorer l’expérience collaborateur ?
B. C. : Des entreprises réfléchissent à mettre en oeuvre des dispositifs pour calquer l’expérience collaborateur sur l’expérience client. Il ne suffit pas de rendre l’information accessible au collaborateur, de répondre rapidement à ses demandes mais d’aller plus loin en anticipant ses besoins. Alors qu’un employé s’apprête à déménager ou à prendre un congé maternité, un gestionnaire RH va de façon proactive lui expliquer les démarches à suivre.