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Ferme expérimentale des Bordes (36) : De nouvelles cultures plus adaptées à la sécheresse

Ferme expérimentale des Bordes (36) : De nouvelles cultures plus adaptées à la sécheresse

L’été, les sècheresses semblent de plus en plus récurrentes et impactent la production des fourrages ainsi que la possibilité pour les animaux de pâturer sans recours à un affouragement au pré. Faut-il se tourner vers de nouvelles espèces issues de climat chaud et sec ? C’est ce que teste la ferme expérimentale des Bordes, située dans l’Indre.

Pour la deuxième année consécutive, la ferme expérimentale des Bordes, située à Jeu-les-Bois dans l’Indre, mène une expérimentation sur de nouvelles espèces fourragères. L’objectif est d’établir l’intérêt des dérobées estivales, associées ou non à certaines légumineuses, dans la stratégie de production fourragère des exploitations et le pâturage l’été. En effet, face aux épisodes récurrents de sécheresse estivale, l’autonomie fourragère des exploitations se trouve impactée : « À cause des sécheresses, nous assistons à une dégradation des prairies qui deviennent vite des paillassons et qui conduit à une baisse du stock fourrager, commente Elodie Roget, ingénieure fourrages Région Centre chez Arvalis. De nouvelles espèces fourragères, dont certaines légumineuses, sont mises sur le marché des semences pour une utilisation en pure ou en association sur ces périodes estivales. Il s’agit dans un premier temps de voir comment elles réagissent dans notre zone du Boischaut Sud, que ce soit en matière de production, de repousses, de valeur alimentaire ou de tolérance à la sécheresse. En 2019, l’essai s’est formalisé par la mise en place d’une plateforme de onze bandes de dérobées estivales semées pures ou associées à des légumineuses, dont deux espèces apparues récemment sur le marché : le lablab et le cowpea. En 2020, 19 bandes ont été implantées (18 espèces testées), permettant de reconduire celles testées en 2019 et d’intégrer cinq espèces supplémentaires : le teff grass, le blé égyptien, le maïs, le trèfle vésiculé et la téosinte. Les objectifs, avec ces nouvelles plantes, sont de conserver une création de stock fourrager en période estivale, de diversifier les fourrages, mais aussi d’avoir de quoi pâturer l’été pour les bêtes. » Le choix de tester ces plantes s’explique par leur provenance : toutes sont issues de pays chauds et secs.

Des espèces qui passent mieux l’été

Parmi ces nouvelles graminées, il y a le blé égyptien, qui est originaire d’Afrique et qui fait partie de la famille du sorgho. Il possède un port érigé et atteint 3 à 3,50 mètres de hauteur. Il a la capacité de repousser et peut produire six à huit tonnes sous son climat. Provenant du Mexique, la téosinte est un ancêtre du maïs. Elle dispose d’un port érigé, monte entre 1,50 mètre et deux mètres et produit huit à douze tonnes sous son climat. Quant à la STEFFanie, elle est de la famille du teff grass et est originaire d’Afrique. Son port est érigé, elle a la capacité de repousser et peut produire cinq à huit tonnes. Au rang des nouvelles légumineuses censées résister à la sécheresse, sont notamment testés le lablab et le cowpea. Toutes deux sont originaires d’Afrique, adaptées au pâturage et ont la capacité de repousser. La productivité espérée est de 3,5 à 5 tonnes sous leur climat. « Ces légumineuses semblent mieux passer l’été, néanmoins, leur rendement n’est pas meilleur que le trèfle, constate l’ingénieure Arvalis. Le lablab requiert d’être semé avec une autre espèce car c’est une plante grimpante. Dans les modalités où les graminées sont associées à des légumineuses, ces dernières sont très vite recouvertes par les graminées. Ce manque d’accès à la lumière freine leur développement. » L’itinéraire technique La plateforme a été semée les 27 et 28 mai derrière un MCPI (mélange céréales protéagineux immatures) non récolté mais pâturé. L’implantation s’est faite au semoir en ligne, sauf pour le maïs. En amont, 20 t/ha de fumier ont été apportées. La plateforme a reçu deux bandes de douze mètres de fertilisation azotée traversant l’ensemble des modalités à 50 uN/ha, sauf le maïs et le maïs associé au lablab. Ces derniers ont reçu respectivement 50 uN/ha et 80 uN/ha sur toute la modalité et ont été binés. La fauche a été réalisée le 21 juillet et une seconde coupe est espérée. « L’azote est peu valorisé sur ce premier cycle, évoque Élodie Roget. Nous avons constaté un gain d’une tonne sur le teff grass, tandis que pour les autres espèces, cela se situe entre 200 à 300 kg de plus qu’une modalité sans azote. C’est le sorgho Piper qui s’en sort le mieux, avec un rendement de 4 t/ha, suivi par le moha associé au cowpea avec plus de 3 t/ha. Une partie des modalités a ensuite été pâturée. Le millet perlé ressort peu consommé par les bovins, tout comme le lablab. À l’inverse, le sorgho et le teff grass sont broutés en priorité. Globalement, les modalités les plus pâturées sont celles qui comprennent du sorgho, du cowpea, du sorgho associé à du trèfle et du teff grass. »

—— Willy DESCHAMPS (Tribune Verte 2944)

Focus : LA FERME EXPÉRIMENTALE DES BORDES

La ferme expérimentale des Bordes résulte d’un partenariat entre un organisme interétablissements de réseau (OIER, constitué des chambres d’agriculture de l’Indre, du Cher, de la Creuse et de la Haute-Vienne) et l’institut technique agricole Arvalis-Institut du végétal. Du côté d’Arvalis, deux ingénieurs et une assistante à mi-temps sont en poste. Pour la partie OIER, nous comptons trois salariés d’exploitation, deux techniciens et un responsable d’équipe. La station de recherche date de 1975, s’étend sur 150 hectares et comprend trois sites (un en agriculture conventionnelle et deux en bio depuis 2000). Le cheptel se compose de 60 mères charolaises en conduite conventionnelle et de 23 mères limousines en bio. L’exploitation est en système naisseur/engraisseur avec du pâturage tournant. Actuellement, les essais menés sur la ferme des Bordes en système conventionnel concernent des plateformes sur la fertilisation azotée des prairies multi-espèces, ou encore sur les dérobées estivales. En système biologique, les essais visent la fertilisation de prairies temporaires et permanentes avec des engrais organiques. Les objectifs sont de déterminer les meilleures combinaisons éléments fertilisants/espèces et de créer des références à destination des éleveurs et des techniciens. Le but est d’améliorer les systèmes allaitants par l’optimisation de l’autonomie fourragère. Sur les bovins, des programmes engraissement étudient la finition des vaches de réforme ou encore la valorisation des MCPI (mélange céréales protéagineux immatures) pour l’engraissement.