Formation : l'apprentissage s'ajuste à la situation sanitaire

Formation : l'apprentissage s'ajuste à la situation sanitaire

De manière surprenante, la crise sanitaire qui touche actuellement l’Hexagone a eu un effet positif sur le nombre de contrats d’apprentissage proposé par les entreprises de l’agriculture et de l’agroalimentaire lors de la rentrée 2020.
Zoom sur cette situation inédite.

Comme chaque année, des milliers d’étudiants dans les secteurs agricoles et agroalimentaires se sont mis en quête d’un contrat d’apprentissage avant la rentrée 2020. Cette année particulière faisait craindre un désengagement des entreprises sur le sujet de la formation, mais ces inquiétudes se sont finalement révélées infondées. Les chiffres d’Ocapiat concernant le nombre de contrats d’apprentissage sont rassurants et encourageants : « Nous avons dépassé notre objectif des 20 000 contrats d’apprentissage. En effet, à date, près de 31 000 dossiers nous ont été envoyés », indique l’OPCO, en charge de la gestion et du financement du contrat d’apprentissage pour l’agriculture et pour l’agroalimentaire. Cerise sur le gâteau, en 2020, 30 % des employeurs qui ont recruté des alternants ne l’avaient pas fait l’année précédente. « Nos entreprises continuent à se mobiliser pleinement pour accompagner la mise en oeuvre de cette voie de développement des compétences et d’accès aux emplois », se réjouit l’OPCO. Cette belle dynamique a également été encouragée par le plan de relance adopté par le conseil d’administration d’Ocapiat, le 2 juillet dernier. Il a notamment permis de déployer une campagne de communication à la radio et sur les réseaux sociaux, ainsi qu’une hotline nationale et des outils dématérialisés pour les CFA.

Une rentrée 2020 atypique

Au CFPPA Le Rheu, en Ille-et-Vilaine, la rentrée de septembre a été surprenante, mais elle n’a pas remis en cause le système de formation en entreprise. Concernant l’apprentissage, l’établissement compte une licence professionnelle agriculture biologique conseil et développement (ABCD), ainsi qu’un BTS et une licence professionnelle génie de l’assainissement et des systèmes de traitement des eaux. « Concernant les deux licences professionnelles, l’année a été spéciale car le recrutement s’est fait en distanciel. Cependant, nous avons eu le même nombre de candidatures qu’habituellement », déclare Vincent Gauchard, en charge de l’ingénierie de l’apprentissage et de la formation continue du CFPPA Le Rheu. À l’échelle des sites français proposant la licence pro ABCD, le nombre de candidats a même augmenté. Il atteint cette année 130 jeunes, contre un effectif de 100 lors des exercices précédent. « Est-ce dû à un recours plus important à l’apprentissage ? Ou cela résulte-t-il de l’ouverture de deux nouveaux sites dans le Nord et à la Réunion ? Difficile à dire à ce stade », explique le responsable pédagogique du site breton. La situation est un peu différente en BTS pour le CFPPA Le Rheu. Si le nombre de candidatures initiales était élevé, les élèves ont été moins nombreux à les confirmer que lors des années précédentes. « Ce phénomène est peut-être dû au fait que les candidats aient anticipé une moindre capacité des entreprises à les accueillir », relève Vincent Gauchard. Pourtant, comme le montrent les chiffres d’Ocapiat, le monde professionnel n’a pas abandonné l’apprentissage. Localement, l’établissement d’Ille-et-Vilaine a reçu 60 offres, pour environ 55 candidatures en licence professionnelle. Selon le breton, 10 % d’entre elles ont finalement retiré leur offre peu avant l’été, la situation sanitaire et économique les empêchant de recruter. « Au total, cinq candidats cherchaient sérieusement et n’ont pas trouvé une entreprise, avec, en face, un nombre similaire d’offres n’ayant pas abouti. Ce sont les mêmes proportions que les autres années par rapport au nombre de candidats », constate Vincent Gauchard. Sur le site Sud-méditerranée de la licence professionnelle ABCD, Julien Florès a débuté cette année le cursus d’apprentissage en tant qu’élève. Il a également observé le faible impact de la situation sanitaire sur le développement de l’apprentissage. « À titre personnel, j’ai rencontré des difficultés pour trouver une entreprise, mais je n’ai décidé de m’orienter dans cette formation qu’à partir de début juin, et je ne peux pas me vanter d’avoir envoyé des centaines de candidature. Je ne pense pas que ma situation soit particulièrement liée à la Covid-19 », avoue-t-il. Le Montpelliérain note toutefois que les annonces diffusées sur le site Internet de l’APECITA concernant le niveau licence pro étaient rares, contrairement à celles du niveau ingénieur.

Une aide bienvenue pour trouver un contrat

Pour encourager l’apprentissage dans cette période délicate, le Gouvernement a décidé d’octroyer une aide de 5 000 € pour les apprentis de moins de 18 ans, et une autre de 8 000 € pour les étudiants majeurs. Cette aide a pu contribuer à maintenir un nombre d’offres important sur le marché. Ces dernières sont disponibles pour tout premier contrat d’alternance signé avant le 28 février 2021. Julien Florès explique en avoir fait son fer de lance dans ses recherches : « J’en avais entendu parler à la radio, sans bien comprendre exactement de quoi il s’agissait. Finalement, c’est une entreprise qui m’a appelé pour me dire que ma candidature n’était pas retenue et qui m’a conseillé de parler de cette aide dans mes futures recherches afin d’optimiser mes chances », se souvient-il. Pour Vincent Gauchard, cette aide a pu générer de nouvelles offres à la rentrée, qui ont compensé les défections de la fin d’été. Il voit d’un bon oeil ce coup de pouce financier, s’il peut permettre de renforcer les relations entre les entreprises et l’école et encourager les professionnels à investir dans la formation. « En revanche, je ne suis pas favorable à l’idée qu’un apprenti devienne quasiment gratuit pour une entreprise. Dans les formations supérieures, ces jeunes ont une vraie fonction productrice. Ils ne représentent pas qu’un coût pour les employeurs », insiste-t-il.

De nouvelles entreprises s’intéressent à l’apprentissage

Cette aide ainsi que le contexte sanitaire pourraient faire bouger les lignes des formations en apprentissage. « De nombreux centres se sont mis à faire de l’apprentissage », constate Vincent Gauchard. En matière d’entreprises, il voit également une différence de publics concernant la licence professionnelle ABCD. Alors qu’habituellement, les structures de conseil (chambres d’agriculture, coopératives, négoces…) accueillaient majoritairement les étudiants, cette année, plusieurs employeurs étaient des exploitants agricoles. Les explications de cette évolution sont à chercher du côté de l’aide de l’État, mais aussi du précédent confinement. La période de mars à mai a permis le développement important des circuits courts, et certains agriculteurs se sont penchés sur le sujet… « Nous sommes très vigilants concernant les élèves qui trouvent des postes dans des exploitations agricoles, car cette licence professionnelle est axée sur le conseil. Cependant, cette année, nous avons vu des agriculteurs proposer des offres incluant de vrais projets de développement de circuits courts et de transformation à la ferme, voire de coopération entre plusieurs structures dans un but de vente directe », retrace Vincent Gauchard. Une fois la rentrée passée et les contrats signés, les étudiants en apprentissage ont dû continuer à s’adapter à la situation sanitaire. D’ailleurs, malgré le nouveau confinement, les cours continuent – pour le moment– en présentiel au sein du CFPPA Le Rheu. « En licence professionnelle ABCD, il faudrait que l’on propose les cours en distanciel, mais nous gérons des groupes de quinze étudiants… D’un point de vue organisationnel, c’est compliqué. Il serait bien que l’université accepte que certains sites continuent à recevoir les élèves. En revanche, en entreprise, il est possible qu’il soit demandé aux étudiants de faire du télétravail », prévoit Vincent Gauchard. La situation est plus compliquée pour les BTS, dont les trois-quarts des effectifs ont été testés positifs à la Covid-19. Les étudiants eux-mêmes ont souhaité que les cours soient dispensés à distance. Le corps enseignant de l’établissement breton réfléchit actuellement à une solution mixte, qui permettrait de n’accueillir que des petits groupes, notamment pour les TP.

—— Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 2950)