La formation à l’heure du confinement : Ces établissements qui ont su faire face

La formation à l’heure du confinement : Ces établissements qui ont su faire face

S’adapter, innover et maintenir le contact avec les jeunes ainsi qu’avec les apprenants, voici les principaux objectifs que les établissements, aussi bien privés que publics, se sont fixés. Témoignages.

Depuis le 16 mars, tous les établissements de formation ont été fermés pour cause de confinement. À l’heure du déconfinement, une certaine lassitude se fait sentir, aussi bien chez les jeunes que chez les enseignants. À l’institut privé de Genech, qui compte 2 200 élèves en formation initiale, 550 apprentis et 200 en formation continue, la mise en place du confinement a été très rapide. En 48 heures, l’activité liée à l’enseignement du collège et du lycée est devenue digitale. « Depuis quelques années, nous investissons dans un projet ambitieux : tous les élèves de quatrième et de troisième ainsi qu’une partie du lycée possèdent un cartable numérique. L’équipe pédagogique en a également acquis une bonne maîtrise. Nous n’avons donc pas eu de problème particulier pour basculer », explique Pascal Souyris, directeur de l’institut Genech. Les enseignants peuvent utiliser selon leur convenance les divers outils mis à leur disposition, de la visioconférence Teams à l’emploi des mails pour être en relation avec les élèves ou avec les étudiants du supérieur. Concernant les formations en alternance et continue, les situations sont un peu plus compliquées.

Le quotidien a commencé à peser

« Les apprenants n’ont pas forcément les outils nécessaires à la maison, spécifie Pascal Souyris. Les formateurs ont donc communiqué par téléphone, notamment avec ceux qui passent des CAP, un public souvent plus fragile. » Les apprenants ont continué le travail chez leurs employeurs. Et sur les 100 stagiaires, un seul a décroché. Cependant, depuis la reprise, à la fin des vacances de Pâques, comme dans beaucoup d’établissements, le contexte a changé. « Les jeunes et les enseignants arrivent à saturation, relève Pascal Souyris. Le quotidien commence à peser. Sans accompagnement psychologique, comment tenir jusqu’à la fin de l’année ? Une brigade d’enseignants et de formateurs est chargée actuellement de repérer les apprenants qui auraient tendance à décrocher. Nous envisageons de les faire venir quelques jours en juin pour éviter qu’ils ne perdent pied. Cela sera aussi un test pour la rentrée prochaine. » Afin de préparer au mieux le retour en septembre, l’institut revoit aujourd’hui complètement son organisation en matière de distanciation, de restauration et d’hébergement. « Nous n’étions pas préparés à la formation à distance ! s’exclame Lauriane Flamand, directrice adjointe au CFPPA public de La Motte-Servolex, situé en Savoie. Nous avions bien quelques modules, mais pas de parcours à 100 % transposable sur le Net immédiatement. Nous avons donc dû innover et produire de la ressource en ligne, ce qui, normalement, met plusieurs mois. Les formateurs se sont créé des boîtes à outils (visioconférences, quiz…). Nous avons transposé certains gestes pratiques dans des vidéos, et nous nous sommes servis de nos jardins personnels comme des supports pédagogiques pour la reconnaissance des végétaux. » Par ailleurs pour les apprenants qui n’étaient pas outillés en informatique ou qui vivaient en appartement, l’équipe enseignante s’est impliquée au cas par cas. « D’une gestion de classe, nous sommes passés à une gestion individuelle, précise Lauriane Flamand. Le coaching a été renforcé afin d’entrer en contact par téléphone ou par courrier avec les décrocheurs. Les personnes en grande précarité ont été gérées autrement. Par exemple, nous avons appelé quotidiennement un sans domicile fixe qui suit une formation chez nous, et nous lui avons trouvé un hébergement. » Après un mois, sur les 250 apprentis en formation du CAP au BTS et sur les 100 adultes en reconversion professionnelle, seulement 3 % n’ont plus eu de contacts avec les enseignants. « Pour éviter les décrochages, nos formateurs ont eu recours à des modalités innovantes pour que les journées restent attractives. Cependant, il a fallu doser, établir un équilibre entre le temps en collectif et celui en individuel, et établir des contacts réguliers mais pas excessifs », relève Lauriane Flamand. Les stagiaires n’ont évidemment pas été en entreprise, contrairement à certains apprentis. Les premiers apprenants sont revenus à l’établissement pour terminer les examens oraux et pour effectuer des gestes pratiques indispensables à l’acquisition de leurs compétences. Les élèves de la formation initiale étant absents, les classes et l’internat ont été réquisitionnés sans aucune difficulté. Les chantiers ont recommencé à fonctionner, notamment ceux qui se destinent aux métiers forestiers ou à l’aménagement paysager. De même, les formations pour les professionnels reprennent, comme celle de l’obtention du Certiphyto ou l’AIPR (autorisation d’intervention à proximité des réseaux). Il est primordial de garder le contact Dans les Maisons familiales rurales (MFR) comme dans celle de Lucquy située dans les Ardennes, il a également fallu s’adapter très rapidement. Les huit moniteurs ont basculé en télétravail, et les élèves ainsi que les apprenants de la quatrième au bac et en CAP sont restés chez eux. « La première semaine a été perturbante. Notre priorité a d’abord été de garder le contact, de vérifier les téléphones, les bonnes adresses e-mail des enfants et des parents, d’informer les familles de la façon dont on allait poursuivre l’enseignement. Chaque responsable de classe a reçu des directives adéquates », confie Anne Bultez, nouvelle directrice de la MFR de Lucquy depuis août dernier. Du côté de l’équipe enseignante, les réunions hebdomadaires ont été maintenues par visioconférence, et les plannings ont continué à être mis à jour. L’équipe a également imaginé des formes pédagogiques ludiques : « Pour ceux qui préparent un CAP de service à la personne, un public souvent des plus fragiles, il leur a été demandé de créer une recette de cuisine dans le cadre de travaux pratiques. La formatrice a ainsi jugé de la qualité de ce travail grâce aux photos envoyées par les jeunes. Dans un autre registre, des vidéos ont été spécifiquement réalisées pour les aider à pratiquer le sport, s’ils le souhaitaient », relève Anne Bultez, Et pour les parents, une réunion hebdomadaire par visioconférence leur a permis de discuter avec les équipes enseignantes. « Trente parents se sont connectés. Je pense que cela leur a été un soutien précieux pour faire face à ces conditions inhabituelles, surtout au début du confinement », précise Anne Bultez. Selon le questionnaire auquel ont répondu les parents, le suivi par la MFR a été reconnu comme important. Néanmoins, comme dans beaucoup d’établissements, une certaine lassitude s’est fait sentir. L’heure est à présent à la préparation de la rentrée prochaine. Les inscriptions ont pu s’effectuer quasi normalement après la mi-avril, soit par visioconférence soit de préférence en présentiel avec toutes les précautions requises.

—— Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte 2939)