« L’agribashing a des conséquences néfastes sur l’installation »

« L’agribashing a des conséquences néfastes sur l’installation »

Jeunes Agriculteurs est le seul syndicat agricole dédié à la cause des jeunes. Il accompagne les agriculteurs qui le souhaitent dans leur installation. François-Étienne Mercier, administrateur national en charge du RGA, dresse un état des lieux sur l’installation des agriculteurs en France.

Quelle est la dynamique d’installation en France aujourd’hui ?
François-Étienne Mercier : En 2018, selon les chiffres de la MSA, 9 533 jeunes de moins de 40 ans se sont installés. Pour les 40 ans et plus, on dénombre 14 319 installations. Je souhaite aussi mettre l’accent sur un chiffre de 2017 qui concerne le nombre de personnes reçues dans les points d’accueils. Cette année-là, 21 327 personnes se sont présentées avec des profils très hétérogènes : des personnes qui ont vu un reportage à la télévision et qui veulent avoir des informations sur les métiers de l’agriculture aussi bien que d’autres qui ont déjà une ferme familiale. Sur ces plus de 21 000 personnes, 62,4 % des porteurs de projets n’ont pas de lien familial agricole jusqu’au troisième degré de descendance. Un autre chiffre qui me tient particulièrement à coeur, est 5 010 (chiffre 2018). Il correspond au nombre d’agriculteurs qui se sont installés avec la dotation Jeunes Agriculteurs (DJA), soit une hausse de 20 % depuis 2016.

Quel est le portrait type des jeunes qui s’installent aujourd’hui ?
F.-E. M. : Il est important de souligner que 30 % des personnes installées sont des femmes. Dans le passé, elles étaient associées au rôle de femmes d’exploitant. Aujourd’hui, elles ont toute leur place dans le métier agricole et bénéficient d’une vraie reconnaissance de la société.

Concernant la formation, 32 % des agriculteurs qui s’installent possèdent des diplômes de niveau 3, c’est-à-dire équivalent au BTS. Le taux de reprise, lui, est seulement d’un tiers, soit une installation pour trois départs en retraite.

Quelles sont les filières où l’on s’installe le plus ?
F.-E. M. : Il n’y a pas réellement de chiffres pour illustrer quelles sont les filières les plus attractives. Ce que l’on constate, c’est que la majorité des installations se fait sur des exploitations en polyculture-élevage, avec une forte progression du nombre d’installés en maraîchage.

On s’aperçoit que l’envie sociétale se répercute sur les différentes formes d’installations. En effet, depuis un ou deux ans, on remarque une forte augmentation d’agriculteurs qui s’installent sur une ferme en créant un atelier de diversification afin de réaliser de la vente à la ferme.

Au bout de cinq ans, la majorité des exploitations existe toujours, pourquoi ce succès ?
F.-E. M. : Chez Jeunes Agriculteurs, nous aimons parler du dispositif DJA, puisque 90 % des personnes installées de cette façon sont toujours agriculteurs cinq ans après. Ces derniers bénéficient d’un suivi précis qui leur donne les clés pour ainsi apprécier toutes les variations et les difficultés qui peuvent survenir dans le métier.

Autre facteur, le cycle de production, très important dans ce métier. Les jeunes installés souhaitent effectuer plusieurs cycles de production avant de prendre une décision, mais aussi pour obtenir des résultats. De plus, la majorité des personnes qui s’installent est passionnée et absorbe plus facilement les difficultés du métier. Par ailleurs, sept jeunes installés sur dix ont un lien avec l’agriculture et veulent potentiellement faire durer ainsi que transmettre ce patrimoine.

Comment dynamiser encore plus l’installation ?
F.-E. M. : C’est une question sur laquelle nous travaillons tous les jours chez les Jeunes Agriculteurs. Nous essayons de voir les nouveaux profils et les types d’activité. Quand on voit la crise actuelle sur l’agribashing, on n’incite pas forcément les jeunes à se lancer dans l’agriculture. Pour faire connaître l’agriculture, et donc dynamiser l’installation, nous essayons de communiquer par le biais de diverses opérations.

Quelles opérations de communication sont réalisées ?
F.-E. M. : Tout d’abord, il faut savoir que la communication auprès du grand public a d’énormes répercussions sur les personnes qui cherchent à se renseigner. Pour faire connaître l’installation, nous organisons tous les ans la semaine du renouvellement des générations agricoles, qui se déroulera la première semaine de février 2020. L’année dernière, par exemple, nous avons réalisé trois vidéos avec nos réponses sur les préjugés que le grand public peut avoir sur l’agriculture et nous les avons diffusées sur les réseaux sociaux. Ensuite, le reste de l’année, les Régions et les Départements communiquent comme ils le souhaitent. Soixante-quinze pourcents font des interventions dans des écoles. Pour les classes de primaire et de collège, l’introduction se fait par l’alimentation. Pour les profils bac et études supérieures, elle se présente sous la forme d’interventions sur les dispositifs à l’installation.

D’après vous, quels sont les freins à l’installation ?
F.-E. M. : Le premier frein est la mauvaise image que peut avoir de l’agriculture en ce moment, ce qui provoque une diminution du nombre de personnes qui souhaitent s’installer hors cadre familial. Second frein, le prix de vente des productions qui a un impact sur la possibilité de vivre du métier d’agriculteur. Qui a envie de travailler 50 heures par semaine pour se dégager 350 € par mois ? Le troisième frein est associé aux incidents climatiques qui pèsent les revenus. Il y a de plus en plus de catastrophes naturelles comme des sécheresses ou des inondations qui réduisent à néant le travail.

Comment serait-il possible de lever ces freins ?
F.-E. M. : Malheureusement, pour les incidents climatiques, je ne vois pas de solution.

Au niveau de l’image de l’agriculture, chez Jeunes Agriculteurs, nous communiquons sur les pratiques afin de dresser un portrait le plus réaliste possible. Ce n’est pas une description idéaliste, mais une manière plus juste de parler du métier.

Ensuite, concernant les revenus, nous nous sommes pleinement investis dans la loi EGalim votée en 2018 afin que les prix soient construits en partant des indicateurs de production des agriculteurs et pour que tout le monde puisse vivre de son métier.

Pour conclure, pourquoi faut-il encore croire au métier d’agriculteur en France ?
F.-E. M. : Tout simplement parce que c’est le plus beau métier du monde. Nous travaillons dans la nature, avec des animaux et nous sommes notre propre patron. L’agriculture française est de plus en plus performante et respectueuse de l’environnement. De plus, il ne faut pas oublier que ce sont les agriculteurs qui entretiennent les paysages. Sans nous, la France serait en jachère et ce n’est pas ça qu’attendent les citoyens.

—— Propos recueillis parClaire LAMY-GRANDIDIER (Tribune Verte 2927)