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« Les consommateurs plébiscitent les produits aquacoles français »

« Les consommateurs plébiscitent les produits aquacoles français »

Le Cipa (comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture) représente les acteurs de la filière aquacole, des pisciculteurs d’eau douce et d’eau marine, jusqu’aux fabricants d’aliments en passant par les transformateurs de truites. Encore discrète, la filière se développe et recherche des profils variés.

Comment se porte l’aquaculture française ?
Marine Levadoux (Directrice Générale du Cipa) : Avec la pisciculture d’eau douce et d’eau de mer, la filière aquacole est dynamique, mais relativement petite. En France, nous importons encore 85 % des produits aquatiques que nous consommons (pêche et aquaculture confondues). Pourtant, les consommateurs sont demandeurs de produits français. Nous produisons environ 40 000 tonnes de truites, sur une production aquacole annuelle de 50 000 tonnes. Depuis dix ans, la demande de truite fumée française ne cesse de se développer. Depuis 2014, elle croît de 15 % chaque année. En pisciculture marine, il y a également une vraie demande pour des produits français. Avec sa filière esturgeon1, la France est le troisième producteur mondial de caviar. Depuis quinze ans, le secteur de l’écloserie a réussi à créer de la valeur ajoutée avec la production d’alevins (oeufs de bars, de daurades…). 90 % de la production française d’alevins sont d’ailleurs exportés. Les consommateurs recherchent des signes de qualité, comme le label Rouge ou l’aquaculture biologique. Aujourd’hui, entre la pisciculture marine et la production de truites, le bio représente 8 % des volumes référencés. Entre 2007 et 2019, la production en bio est passée de 1 000 tonnes à 3 000 tonnes.

Quels sont les grands secteurs d’activité de la filière aquacole que vous représentez, et combien de personnes y travaillent ?
M. L. : Notre interprofession rassemble les producteurs d’élevages d’eau douce (de truites, d’esturgeons…) et d’eau de mer (de bars, de daurades…), les fabricants d’aliments et les transformateurs de truites. Les premiers sont représentés par la Fédération française d’aquaculture (FFA), les deuxièmes par le Syndicat professionnel des producteurs d’aliments aquacoles (SPPA), et les troisièmes par l’Association des transformateurs de truites (ATT). Ensemble, nous sommes représentatifs de la filière aquacole française, qui réunit environ 350 entreprises, surtout des TPE et des PME. Environ 1 000 équivalents temps plein (ETP) travaillent en production dans les élevages, et 2 500 ETP dans les secteurs des fabricants d’aliments et des transformateurs de truites.

Quelles sont les missions menées par les sept salariés du Cipa ?
M. L. : Nous représentons la filière auprès des parties prenantes, des pouvoirs publics. Avec le soutien des professionnels impliqués au sein du Cipa, nous menons des actions de communication, afin de mieux faire connaître le poisson d’aquaculture aux Français (ouverture de fermes aquacoles, dégustations, actions ciblées à destination des prescripteurs…). Nous travaillons sur la définition des standards de qualité et sur la marque collective charte qualité Aquaculture de nos régions®. Nous essayons également de rendre plus lisible le cadre réglementaire piscicole.

Sur quels aspects réglementaires essayez-vous, par exemple, d’améliorer la lisibilité ?
M. L. : Dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau (DCE), il est nécessaire de rétablir la continuité écologique sur les cours d’eau – dont la libre circulation des poissons – et donc d’aménager les barrages, en mettant en place des passes à poissons. Ce sont des dispositifs complexes et coûteux, dont la création est sous la responsabilité des pisciculteurs si leur site est en dérivation d’un cours d’eau. En parallèle, les professionnels français sont dans une démarche de qualification indemne vis-à-vis de deux virus, qui permet alors aux pisciculteurs de maîtriser davantage les risques sanitaires et de vendre plus facilement leur production. Pour cela, il existe des contrôles et des analyses dans les élevages. Or, cette qualification sanitaire repose précisément sur l’existence de barrages infranchissables. Au sein du Cipa, nous travaillons donc sur les méthodes qui permettent de faire appliquer ces deux réglementations.

Depuis combien de temps votre marque collective charte qualité Aquaculture de nos régions® existe-t-elle ?
M. L. : Elle a été créée il y a dix ans, par les acteurs de la filière, pour faciliter l’information du consommateur. Le bon suivi du cahier des charges est vérifié par un organisme de contrôle indépendant. Les professionnels s’engagent sur l’alimentation des poissons, sur les conditions d’élevage, sur le bien-être animal, sur l’environnement, sur les aspects sanitaires ou encore sur la fraîcheur des produits. Dans ce cahier des charges, nous capitalisons sur la proximité entre les élevages et le consommateur.

Face aux attentes sociétales en matière d’environnement, de quelle manière la filière s’adapte-t-elle ?
M. L. : Il existe une instance, la commission de durabilité, au sein de laquelle sont associés les professionnels, les distributeurs au sens large (c’est-à-dire incluant les grossistes), les pouvoirs publics, deux associations de consommateurs et le WWF. L’objectif est d’échanger sur les enjeux de la pisciculture, sur les questions qui émergent de la société. S’agissant de notre charte qualité, depuis qu’elle existe, nous intégrons au fur et à mesure les demandes des consommateurs. Par exemple, concernant la qualité des aliments, nous avons fixé un pourcentage minimum en farines et en huiles de poisson. Même si leur utilisation tend à diminuer depuis les vingt dernières années, nous savons, de par les travaux de recherche, qu’il est difficile actuellement de garantir une bonne qualité nutritionnelle des produits sans un minimum de ces matières premières. Néanmoins, dans le cahier des charges, nous laissons davantage la possibilité de substituer ces ingrédients par des farines d’insectes, riches en protéines, et par des algues, riches en lipides.

La filière aquacole embauche-t-elle ? Si oui, quelles formations faut-il suivre pour l’intégrer ?
M. L. : De nombreuses formations concernent la pisciculture et la conchyliculture. Aujourd’hui, il existe le CAP maritime de conchylicole, les bacs professionnels cultures marines et productions aquacoles, le BTSA aquaculture ou encore la licence professionnelle aquaculture : gestion de la qualité et de l’environnement. Les formations sont axées sur le métier, et les entreprises accueillent chaque année plus de 1 000 stagiaires. Tous les ans, environ 320 diplômés se retrouvent sur le marché de l’emploi. Toutefois, il semblerait que beaucoup d’entre eux se dirigent ensuite vers d’autres métiers. Cette situation est assez paradoxale… En effet, les consommateurs plébiscitent les produits aquacoles français, et la filière tend à se développer. Les entreprises recrutent des candidats avec une formation aquacole, mais aussi des personnes venues d’autres horizons, et notamment du milieu agricole. Nous avons besoin d’embaucher à chaque poste : ouvrier, employé, responsable en qualité de l’eau… Comme dans les autres filières, le métier évolue, avec davantage d’outils de gestion de l’élevage intuitif, d’automatisation… De manière générale, pour évoluer dans notre secteur, il est nécessaire d’avoir le goût pour l’agriculture, pour l’élevage, pour le soin d’un cheptel et pour la nature.

—— Propos recueillis par Caroline EVEN (Tribune Verte 2922)
(1) L’esturgeon est élevé en eau douce, mais avec une technique d’élevage se rapprochant de celle réalisée en eau de mer. Cette filière est donc associée à la pisciculture marine, comme aquaculture nouvelle.