Les opportunités en sortie de crise pour attirer les profils rares

Les opportunités en sortie de crise pour attirer les profils rares

Gel des embauches, généralisation du télétravail, nouvelles attentes des candidats… La crise du Covid-19 a changé les règles du jeu du marché de l’emploi. L’occasion pour certains employeurs d’attirer des talents inaccessibles en temps ordinaire, notamment dans l’informatique.

Toute crise apporte son lot d’opportunités, et celle du Covid-19 n’échappe pas à la règle. La pandémie a notamment rebattu les cartes du recrutement. Une fenêtre de tir s’est ouverte pour les entreprises de taille modeste, à faible notoriété ou éloignées des grandes métropoles, pour attirer des profils pénuriques jusqu’alors inaccessibles. Tout d’abord, les tensions sur le marché du travail se sont atténuées. Lors du confinement, le nombre d’offres d’emploi a chuté de moitié en France (lire ci-dessous). Des entreprises ont gelé voire annulé leurs plans d’embauche. Si avec le déconfinement, nous assistons à un retour progressif à la normale, la multiplication des plans sociaux et l’arrivée des jeunes diplômés sur le marché de l’emploi devraient apporter un nouveau flot de candidatures à la rentrée. Toute crise économique engendre mécaniquement ces retombées. Celle-ci a toutefois la particularité de se doubler d’une crise sanitaire. En ce sens, la période de confinement risque de laisser des traces dans les esprits. De  nombreux experts RH s’attendent à un véritable mercato dans les prochains mois. Les employés qui estiment avoir été mal considérés ou abandonnés par leur hiérarchie durant cette période anxiogène n’hésiteront pas à aller voir ailleurs dès qu’une proposition pertinente se présentera à eux. Le confinement a été, par ailleurs, l’occasion d’une introspection. Mon travail est-il vraiment utile ? Cette quête de sens et de reconnaissance est particulièrement prégnante chez les jeunes actifs des générations Y et Z. Pour répondre à cette demande, les entreprises doivent valoriser la dimension sociale et environnementale de leur activité dans une stratégie de marque employeur. « Pour le cas plus spécifique des informaticiens, il s’agit de mettre en avant l’intérêt des projets », rappelle Zineb Mcharek, fondatrice du cabinet de recrutement Langara (lire interview). En revanche, leurs prétentions salariales ne devraient pas, selon elle, baisser avec la crise. « Les informaticiens connaissent leur valeur sur le marché. Ils savent aussi que cette crise ne va pas durer éternellement. »

Le droit à un télétravail de qualité

Le recours plus ou moins prononcé au télétravail devient, en revanche, un critère déterminant. Réduction des temps de transport, productivité renforcée, meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… Ses bénéfices sont connus de longue date par ceux qui ont la chance de le pratiquer.

Le confinement aura service de révélateur pour les autres. Ces 41 % employés du secteur privé qui expérimentaient pour la première fois le travail à distance, selon une récente étude de Malakoff Médéric. Des néotélétravailleurs qui ont tellement apprécié l’expérience que plus d’un sur deux (56 %) renâcle à revenir en arrière. En sortie de crise, le recours au télétravail fera plus que jamais partie des avantages attendus par un candidat, mais ce dernier doit être de qualité. À la hâte, les entreprises ont dû, durant la période passée, « bricoler » pour assurer la collaboration à distance. La pratique étant appelée à s’inscrire dans la durée, il s’agit maintenant de la professionnaliser. Les entreprises qui proposeront un environnement de travail performant – ordinateur, double écran, téléphone, espace dédié… – pour faire du domicile un lieu de travail à part entière et formeront leurs cadres au management à distance renforceront notablement leur attractivité. Dans le même temps, elles réduiront leur empreinte carbone, ce qui rejoint la quête de sens énoncée plus haut. La boucle est bouclée.
—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2941)

Avis d’expert :  « AVEC LA GÉNÉRALISATION DU TÉLÉTRAVAIL, LA LOCALISATION NE DEVIENT PLUS UN OBSTACLE »

Zineb Mcharek, fondatrice du cabinet de recrutement Langara

En quoi la crise a-t-elle changé le comportement des candidats ?
En temps de crise, les actifs font classiquement le choix de ne pas bouger tout en restant à l’écoute du marché. Mais avec le confinement, certaines personnes ont été atteintes physiquement ou psychologiquement. Elles ont aujourd’hui envie d’ailleurs, de rebondir dans une nouvelle société, une nouvelle ville. La pérennisation du télétravail offre cette possibilité. Avant même le confinement les candidats, surtout les informaticiens, posaient la question de la possibilité de télétravailler. Maintenant, certains souhaitent basculer à 80 % voire à 100 % en télétravail. Des profils seniors, bien établis personnellement, sont prêts à renoncer au présentiel pour habiter en grande banlieue ou en province et pour gagner en qualité de vie. Dès lors, la localisation d’une entreprise ne devient plus un frein.

Sur quels critères un candidat opère-t-il désormais ses choix ?
L’humain est essentiel, il représente 80 % du recrutement. Il ne suffit pas d’être une grande et belle société à forte notoriété pour attirer. Les candidats sont à la recherche de bien-être et de bienveillance. En cela, les chargés de recrutement ont un rôle important à jouer. Si le candidat n’est pas retenu, il faut maintenir le contact, le rappeler en cas de nouvelles opportunités. Dans ses critères de choix, un candidat dans l’informatique s’intéressera d’abord au contenu du projet. Il doit lui permettre de monter en compétences. Il regardera aussi la constitution de l’équipe qu’il est appelé à rejoindre. Le feeling passe-t-il avec le chef de projet et avec les autres membres ? Un postulant peut ainsi rencontrer jusqu’à quatre ou cinq opérationnels pour briser la glace. La culture d’entreprise est très importante pour les informaticiens. Il faut oublier le cliché du geek. Le relationnel est primordial dans l’informatique ! C’est la seule fonction en contact avec tous les métiers de l’entreprise.

Comment s’est passée la phase d’onboarding durant le confinement ?
Il est rare que des recrues aient démarré leur période d’essai en télétravail. C’est très compliqué pour s’intégrer, surtout pour les jeunes diplômés qui n’ont pas les codes du monde de l’entreprise. Durant le confinement, le besoin d’échanges s’est fait sentir aussi pour les salariés en poste, pour le lien social, le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Étude : DURANT LE CONFINEMENT, LES OFFRES D’EMPLOI ONT FONDU DE MOITIÉ

Entre le 28 février et le 20 mars, le nombre d’offres d’emploi en France a été divisé par deux (- 53 %), selon une étude du groupe de travail temporaire Randstad, qui a passé au peigne fin plus de 11 000 sites de recrutement. Sur la seule semaine du 16 mars, durant laquelle le confinement a été déclaré, elles ont fondu de 45 %, passant de 135 898 à 74 642 annonces publiées. Ce n’est que depuis le 20 avril qu’un léger frémissement s’est fait sentir. Tous les métiers ne s’en sont pas sortis de la même façon. Les techniciens de maintenance, les agents immobiliers et les infirmiers forment le trio de tête des profils les plus recherchés durant le confinement. À l’inverse, les enquêteurs (enquêtes d’opinion), les professeurs/formateurs et les serveurs ont le plus pâti du contexte.