"Les start-up changent le modèle agricole"

"Les start-up changent le modèle agricole"

Dans le secteur agricole, les start-up représentent un nouveau modèle d’entreprenariat qui doit encore se construire. Au sein de ces entreprises innovantes se retrouvent des personnes avec des compétences complémentaires.

Hervé Pillaud, Agriculteur-éleveur en Vendée, auteur et conférencier spécialiste du numérique

Vous êtes à l’origine d’Agreen Startup, un concours de start-up en agriculture, mais aussi d’Agri Startup Summit. Comment ces événements sont-ils nés ?

Hervé Pillaud : Après avoir découvert les concours de start-up aux États-Unis, j’ai développé le concept dans l’écosystème agricole. Agreen Startup a été lié en premier au Salon Tech’Élevage. L’événement débute par un concours de pitch où le porteur de projet, qui a déjà son idée, forme son équipe (développeur, designer, spécialiste du business…). Ils travaillent ensuite pendant 48 heures avant un pitch final. Un certain nombre de start-up sont nées de ce concours.

Concernant Agri Startup Summit, il a été créé il y a deux ans. C’est un événement international orienté vers les jeunes entrepreneurs dont les projets ne sont pas matures, mais qui ont besoin de se faire connaître, de partager. En effet, de l’idée au démarrage d’une start-up, il y a la vallée de la mort, d’où beaucoup ne sortent pas. L’événement est construit autour d’un « learning tour », qui commence par Business France à Paris et vient jusqu’en Vendée, en passant par des entreprises, des Salons… Le sommet se termine par le pitch de 25 start-up.

Quel est pour vous l’enjeu de ces événements ?

H. P. : L’objectif est de créer du lien avec les agriculteurs. Jusqu’à présent, il y a des difficultés, des réticences de la part aussi des organisations agricoles. Avec ces start-up, on change le modèle agricole. Une start-up est plus un modèle de démarrage d’une entreprise qu’une entreprise. C’est une entreprise innovante avec une progression fulgurante, où deux éléments forts sont à intégrer : une notion de travailleur indépendant et un modèle de financement par levée de fonds.

Aujourd’hui, quel que soit le domaine d’activité, les start-up qui réussissent ont des fondateurs issus de plusieurs pays, c’est peu le cas en France, particulièrement en agriculture.

Quels types de start-up retrouve-t-on dans le secteur agricole ?

H. P. : Il y a une catégorie « business to consumer », au sein de laquelle beaucoup mettent en rapport producteurs et consommateurs sur des plateformes de vente directe. À terme, il n’y aura cependant pas de place pour tout le monde. L’autre grande catégorie est liée au « business to business » avec plusieurs types d’accompagnement : de la plateforme de trading jusqu’au financement participatif, en passant par des logiciels de gestion, des fournisseurs de capteurs pour récupérer des données… On observe également un nouveau type de start-up qui sont vouées à un bon développement. Elles sont liées à l’intelligence artificielle qui demande des compétences en algorithmes, requiert des mathématiciens, des statisticiens. Des choses sont en train de se structurer dans le traitement de données. À l’avenir, les start-up qui parviendront à attirer les agriculteurs sont celles qui apporteront de super services, qui vont « ubériser » les services.

Quelles sont les compétences recherchées dans une start-up ?

H. P. : Un peu de tout. Les start-up qui fonctionnent bien se composent de deux à trois personnes : un spécialiste des technologies digitales, quelqu’un issu du métier agricole et un designer – un créatif. Il ne faut pas oublier non plus la dimension business, qui est souvent gérée par celui qui vient du métier. Aujourd’hui, les élèves du secteur agricole sont peu préparés à l’entreprenariat. Les choses sont encore trop sectorielles. Nous sommes pourtant en train de passer d’un monde vertical à un monde horizontal. Tout le jeu est de créer des complémentarités en réseau.

—— Propos recueillis par Caroline EVEN