N’attendons plus pour passer au management bienveillant

N’attendons plus pour passer au management bienveillant

En prônant le sens de l’écoute, l’altruisme et l’autonomie, une organisation augmente l’engagement de ses collaborateurs et gagne en performance. Au-delà de l’effet de mode, le management bienveillant a concrètement démontré ses bénéfices.

À l’entrée « bienveillance », le dictionnaire Larousse donne pour définition : disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui. Cet altruisme est-il transposable dans le monde de l’entreprise souvent caractérisé par l’individualisme, la compétition interne et la recherche de gains de productivité ? Au-delà de l’effet de mode dont il bénéficie ces dernières années, le management bienveillant a prouvé qu’il pouvait rendre une organisation plus efficace en diminuant le stress des salariés et, par corollaire, l’absentéisme, le turnover voire les cas de burn-out. Une entreprise qui met fin au management directif améliore, par ailleurs, la créativité de ses équipes en instaurant un droit à l’erreur tout en renforçant, à l’extérieur, son image de recruteur. La bienveillance n’est pas synonyme de naïveté. L’entreprise ne sera jamais un monde de bisounours, et il ne s’agit pas ici de prôner un management mou, laxiste, où tout est permis. Un manager bienveillant accompagne ses collaborateurs en adoptant une attitude positive à leur égard, en basant la relation de travail sur la confiance, sur le respect et sur l’écoute. En rendant ses collègues autonomes, il contribue à leur épanouissement. Un cadre doit aussi être capable de dire les choses avec le ton juste, sans blesser, en personnalisant son discours en fonction de son interlocuteur. Les collaborateurs étant en quête de sens, tout particulièrement ceux issus des générations Y et Z, il rappellera régulièrement le rôle de chacun, resitué dans l’objectif  collectif. Enfin, il ne sera pas avare de signes de reconnaissance dès que l’occasion se présente. Le cabinet KPMG a été jusqu’à mettre en place une charte baptisée « No Stress » qui formalise les comportements à adopter par les managers.

Le management bienveillant à inscrire dans la durée

Le management bienveillant ne doit pas être confondu avec le paternalisme à la française. Le feel good management (ou care, pour rependre les appellations anglo-saxonnes) donne parfois lieu à initiatives clinquantes qui relèvent davantage du marketing. Au-delà de l’installation du fameux baby-foot, des employeurs s’immiscent dans la vie de leurs salariés en les incitant à mieux manger et à pratiquer une activité sportive, et en organisant des événements après le travail (afterworks), rendant les sphères privée et professionnelle poreuses. Certains ont aussi nommé un chief happiness officer comme une injonction au bonheur.

Le management bienveillant doit s’inscrire dans une vision long terme pour qu’il puisse entrer dans l’ADN d’une culture d’entreprise, et cela commence par le choix des managers. De nombreux employés sont mécaniquement promus cadres du fait de leur ancienneté ou de leur expertise et non de leurs compétences comportementales comme le sens de l’écoute, l’empathie et la capacité à travailler en groupe. Par ailleurs, de nombreux managers le deviennent sur le tas. Selon une récente étude du site d’emploi Cadreo, seuls 31 % ont été formés à l’encadrement. Le DRH doit aussi poser un cadre propice à la bienveillance. L’aménagement de l’espace de travail peut faire tomber les cloisons physiques comme symboliques. Fini le bureau fermé, le manager se retrouve sur un plateau, au milieu de son équipe, rendant la communication possible à tout moment. Autre axe : l’aménagement du temps de travail, qui passe par l’instauration du télétravail, l’interdiction des réunions en fin de journée et le respect du droit à la déconnexion. Un manager a ainsi les armes pour participer à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle de ses collaborateurs. Enfin, le top management a un rôle à jouer puisque les cadres intermédiaires ne sont que les relais d’une politique d’entreprise. Si celle-ci se base sur une culture du chiffre et du reporting, avec des  objectifs inatteignables, il y a peu de chances que la bienveillance se diffuse en cascade dans les différentes strates de l’organisation.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2925)

Avis d’expert : « IL FAUT SORTIR DE LA POSTURE VIRILE DU MANAGER »

Benoît Meyronin, directeur général de Care Experience

Vous faites la promotion du management par le care, en quoi cela consiste ?
L’éthique du care est née aux États-Unis dans les années 1980. J’ai souhaité le transposer au monde de l’entreprise. Comme son nom l’indique, le management par le care s’attache à prendre soin des  autres, avec une logique de réciprocité. Selon le principe de la symétrie des attentions, l’entreprise doit porter la même attention à son collaborateur que celle qu’elle souhaite qu’il accorde à ses clients. Le management par le care requestionne sur l’écoute de l’autre ou sur la reconnaissance.

Cette réciprocité s’applique aussi à la relation entre manager et collaborateur. Il faut sortir de la posture virile du manager prêt à se sacrifier pour son équipe, sans état d’âme et toujours en forme. Il fait l’objet de vives tensions et doit bénéficier de la même attention bienveillante. Un cadre n’est pas omniscient et omnipotent, il peut assumer une part de fragilité, comme l’a fait le patron de Danone devant des étudiants de HEC en évoquant son frère aîné schizophrène. La vidéo est d’ailleurs devenue virale.

Quels sont les bénéfices de cette approche ?
Le management par le care peut répondre à des enjeux de turn-over et d’absentéisme importants ou à un déficit d’engagement. Cette approche permet aussi de palier des difficultés de recrutement. Les jeunes actifs des générations connectées attendent un management plus horizontal et bienveillant. Ils sont en quête de transparence, d’authenticité et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il ne faut pas s’illusionner, la relation entre manager et collaborateur est par essence inégale. Toutefois, en prenant le sujet à hauteur d’homme, on peut changer les mentalités. De nombreux dirigeants appliquent le care sans le savoir, et des entreprises se sont engagées dans cette dynamique. Ensuite, il faut concrétiser les intentions en actions. Le DRH ou le responsable RSE est légitime pour porter ce sujet. Dans les PME, cela peut être le dirigeant qui donne l’impulsion.