Rechercher des candidats avec du potentiel

Rechercher des candidats avec du potentiel

Face aux évolutions qui touchent le monde du travail en général, le développement des recrutements sur la base notamment des soft skills semble particulièrement pertinent. Toutefois, cette nouvelle approche ne s’improvise pas.

       

«La prise en compte des soft skills lors de recrutements n’est pas qu’un effet de mode. Dans une période de tension où les entreprises font face à une pénurie de candidatures, celles-ci sont obligées à un moment d’être originales, de se questionner, d’aller chercher des profils en ayant une approche plus large que d’habitude. Le recruteur doit se réinventer et aller chercher des potentialités », observe Jérôme Iborra, psychologue du travail et consultant RH au sein de Pearson TalentLens. « Il est difficile d’attirer les talents et de les fidéliser face à un marché en pénurie si l’on n’intègre pas la dimension soft skills », confirme Laetitia Schneider, directrice de l’école IGS-RH du campus de Toulouse. Mais au-delà des métiers en tension, l’intérêt pour les soft skills – qui sont liées aux performances dans l’entreprise – grandirait dans beaucoup de secteurs. Ces compétences comportementales répondraient notamment aux nouvelles attentes des salariés en quête de sens dans leur travail. Pour Laetitia Schneider, les périodes de confinement ont poussé les salariés à s’interroger : « Les entreprises se sont rendu compte qu’il fallait répondre à ce besoin dans un pays où la connotation diplôme reste forte, considère-t-elle. Nous sommes néanmoins en train de sortir de ce schéma, pour laisser de la place à l’individu. Les recruteurs apprécient davantage les candidats aux parcours atypiques dont les soft skills génèrent une approche différenciante de l’entreprise, un souffle nouveau qui peut permettre d’avoir une posture plus engagée vers l’avenir. »

Des compétences plus transversales

Pour Jean Pralong, enseignant-chercheur en RH à l’EM Normandie, le développement des soft skills s’explique également par des exigences toujours plus élevées en matière de recrutement et des incertitudes face à l’évolution des métiers dans le futur. « Les compétences métier vont peut-être changer. Il y a donc tout intérêt à chercher des compétences plus transversales comme les soft skills, qui restent plus compliquées à acquérir », analyse-t-il. Une fois ce constat posé, quelles soft skills mettre en lien avec le poste proposé ? Pour les trois experts, l’entreprise doit déjà s’être interrogée sur ellemême pour attirer les candidats pour les bonnes raisons : sa culture, ses valeurs, le sens qu’elle apporte, l’environnement de travail qu’elle propose et donc sa marque employeur. « Ce n’est ni une marque recruteur ni une marque commerciale, rappelle Jean Pralong. Le discours doit s’adresser aux candidats et aux collaborateurs. C’est quelque chose qui doit se concrétiser dans les faits. »

« Être au plus proche des attentes »

La société doit également bien identifier les compétences comportementales qu’elle souhaite, tout en prenant en compte l’évolution potentielle du métier dans le futur. Ce choix n’est pas forcément simple étant donné la multiplicité des compétences comportementales. Des spécialistes des soft skills peuvent aiguiller les recruteurs. Une fois listées, les trois experts recommandent de préciser les soft skills essentielles au poste dans les offres d’emploi, à côté de la présentation des valeurs de l’entreprise, des missions du poste ou encore de l’environnement de travail. Sur les métiers en tension, Jérôme Iborra estime que l’entreprise devra d’autant plus réussir à rédiger une offre d’emploi attrayante, qui mette en avant la recherche de potentialités, tout en restant proche de ses attentes pour éviter les candidatures qui ne collent pas. « Les offres d’emploi servent à attirer et sélectionner les candidats, résume Jean Pralong. L’intérêt pour l’entreprise est donc de dire ce qu’elle cherche. » Au moment des entretiens de recrutement, les soft skills s’évaluent ensuite à travers des échanges, comme pour les compétences métier. Les questions doivent inviter le candidat à expliquer ce qu’il a fait concrètement pour résoudre des problèmes dans des situations plus ou moins complexes. « Il est important de resserrer l’entretien autour de faits concrets. L’enfer dans les recrutements, c’est l’interprétation ! C’est de ne pas questionner, mais d’imaginer, met en garde l’enseignant-chercheur. Il faut aller identifier chez certains candidats ce qu’ils ne savent pas montrer. »

Reste que la maîtrise du champ d’action des compétences comportementales s’avère complexe. Pour éviter des erreurs de jugement et bien identifier et évaluer les compétences comportementales d’un candidat, Laetitia Schneider recommande donc aux recruteurs de s’appuyer sur des outils tangibles, des tests spécifiques.

Des clés pour l’intégration

« L’avantage des tests psychométriques est de pouvoir comparer un individu à un groupe de référence et de contrôler aussi les biais qui peuvent surgir en entretien », mentionne à ce sujet Jérôme Iborra. Les résultats des tests pourront, dans un second temps, servir à intégrer au mieux le candidat sélectionné. « Les tests donnent des clés aux managers pour faciliter l’intégration. Si le candidat cherche de l’autonomie, il faudra en prendre compte », illustre-t-il. Sur les métiers en tension, où le candidat aura été sélectionné sur ses soft skills plutôt que sur ses compétences métier, une phase de formation devra, de toute évidence, être mise en place. Le parcours d’intégration peut ainsi alterner entre des phases d’immersion avec des collaborateurs experts et des phases de formation plus formelles.

Naturellement, intégrer un candidat dans ce contexte demande à l’entreprise d’investir du temps (pour le candidat et les collaborateurs qui l’accompagnent) et donc de l’argent. « Toute la question est de s’assurer qu’on recrute et qu’on forme la bonne personne. Il faut qu’il y ait un retour sur investissement », conclut Jérôme Iborra. « Il faut vraiment prendre en considération les soft skills, mais attention aux travers, prévient, quant à elle, Laetitia Schneider. Il faut que le candidat ait conscience du métier qu’il va faire, qu’il ait envie de le faire ! Le recrutement ne doit pas se faire au détriment d’une expertise métier ou de la volonté du candidat d’exercer sur le long terme. »

— Caroline EVEN (Tribune Verte 2990)