Ressources humaines Un an après, quels enseignements tirer de la crise ?

Ressources humaines Un an après, quels enseignements tirer de la crise ?

Depuis le début de la pandémie, la DRH a multiplié les efforts pour assurer la sécurité des salariés tout en maintenant l’activité. Si elle voit aujourd’hui son rôle valorisé, il reste encore beaucoup de progrès à faire pour optimiser ses process ou redéfinir de nouvelles méthodes de travail.

Depuis plus d’un an maintenant, la DRH est sur tous les fronts. Lors du premier confinement, elle a dû, du jour au lendemain, organiser le recours massif au télétravail, mettre en place le protocole sanitaire et équiper les salariés d’outils collaboratifs.

Multitâches, les DRH ont aussi abattu un important travail administratif avec la mise en place, pour beaucoup de sociétés, de l’activité partielle. Il a aussi fallu maintenir en distanciel les missions qui se tiennent traditionnellement en face à face comme le recrutement et la formation.

Coup de projecteur sur une profession de l’ombre

Un an après, et la crise s’éternisant, la pression n’est guère retombée sur les épaules des décideurs RH. Alors qu’un grand sentiment de lassitude gagne les troupes, ils doivent maintenir le lien social et le sentiment d’appartenance tout en prévenant les risques psychosociaux chez les employés en situation de détresse.

Quels enseignements tirer de cette période en tout point exceptionnelle ? Pour y répondre, le cabinet PwC a recueilli les retours d’expérience de 31 DRH français qu’il a rassemblés dans un livre blanc intitulé L’humain au centre de l’échiquier1.

Ça commence par une bonne nouvelle. Souvent placée dans l’ombre d’autres métiers de l’entreprise, la pandémie a valorisé la fonction RH, rappelant le rôle essentiel qu’elle joue dans des épisodes de crise et de transformation.

Les DRH interrogés indiquent qu’ils sont généralement parvenus à s’imposer comme partenaires stratégiques des directions générales. Alors que leur voix porte désormais, ils sont désormais attendus sur le développement de nouvelles méthodes de travail mêlant, dans une approche hybride, présentiel et télétravail, l’affirmation des valeurs et de la culture d’entreprise ou le renforcement de la stratégie de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE).

Repenser le coeur du métier de la fonction RH

Pour PwC, les DRH doivent repenser le coeur de leur métier – attirer, recruter, développer, fidéliser – aujourd’hui chahuté par les mutations à l’oeuvre avec la digitalisation, l’automatisation ou les enjeux sociétaux. « Aujourd’hui plus qu’avant la crise, la marque employeur et l’attractivité des métiers deviennent critiques », estime le cabinet.

La DRH de Haribo a ainsi préservé le lien avec les écoles et les étudiants pour maintenir les recrutements en cours de jeunes diplômés et la réalisation de programmes en alternance. Celle de Royal Canin s’appuie sur son université interne, la Mars University, et des formateurs spécialisés pour faire rapidement monter en compétence les recrues.

La formation des cadres au management à distance est devenue également incontournable. Les managers doivent notamment mettre en place des rituels pour garder le lien avec les équipes, résoudre des problèmes, créer des moments conviviaux ou bien encore échanger individuellement avec les collaborateurs.

Certaines entreprises, comme Royal Canin, forment leurs managers à l’intelligence émotionnelle et à  l’accompagnement des collaborateurs en difficulté (décès d’un proche, difficultés familiales, réactions négatives à l’isolement…). Ils sont encouragés à prendre régulièrement des nouvelles et à communiquer de la manière la plus transparente possible.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2960)
(1) https://pwc.to/31uSWSk

Avis d’expert : « LA CRISE A MIS EN LUMIÈRE LE TRAVAIL DE LA FONCTION RH »

Florent Antelme, senior manager au sein du département people & organisation chez PwC France et Maghreb

Comment les DRH ont-ils vécu la crise ?
Florent Antelme : Ça a d’abord été un choc. À l’annonce du premier confinement, les DRH ont dû gérer l’urgence, traiter les procédures administratives, mettre en place les protocoles sanitaires, s’aligner avec les consignes de la direction. Habitués à être multitâche, ils ont tenu bon.

Une fois le choc digéré et alors que la crise s’installe dans le temps, les DRH se sont attaqués à réadapter les processus RH, définir les nouveaux modes de travail, mettre en place les outils pour la collaboration à distance et créer des routines pour maintenir lien social.

La crise a valorisé la fonction RH. Son travail a été mis en lumière. La période offre l’opportunité pour la DRH de passer d’un positionnement administratif – elle gère les litiges, la paie – à un niveau stratégique. Elle veut maintenant conserver sa place à la table du comité de direction.

Quels sont les impacts de la massification du télétravail ?
F. A. : La généralisation du télétravail pose la question du maintien du lien social et de l’engagement des collaborateurs. On peut travailler à distance durant deux ou trois mois avec les moyens du bord mais quand la pratique s’installe dans la durée, il faut instaurer de nouveaux modes de management et d’organisation. L’industrie agroalimentaire doit, en plus, composer avec une population mixte, composée de cols blancs, éligibles au télétravail, et des cols bleus qui doivent se rendre sur site.

Dans cette période anxiogène, les professionnels RH jouent un rôle clé dans la prévention des risques psycho-sociaux. Certains passent une partie de leur journée au téléphone avec des collaborateurs qui vont mal. Il s’agit de rassurer les collaborateurs sur la santé financière de l’entreprise et de donner des perspectives.

Les DRH doivent aussi accompagner le management. La crise induit un changement de posture, le manager doit passer du statut de « command and control » à celui de coach. Quand il n’y a plus de proximité avec les équipes, l’autonomisation des collaborateurs devient incontournable.

Quid de la transformation numérique ?
F. A. : Selon une étude de PwC, 72 % des professionnels RH estiment que la crise a accéléré la transformation digitale de leur fonction. Des progrès ont été accomplis mais il reste encore beaucoup à faire.

La crise aura mis en avant la faible digitalisation de la fonction RH. Les organisations se sont rendu compte que, faute d’outils, elles ne pouvaient pas basculer leur catalogue de formations en distanciel. En l’absence de plateforme de travail collaboratif, elles ont été aussi submergées de mails et d’appels téléphoniques.

Si la relation entre la DRH et le DSI n’est pas encore naturelle, les liens se sont renforcés. Les DRH les plus matures ont en leur sein des équipes SIRH dédiées. Du côté de l’offre, des éditeurs et des start-up proposent des solutions plus faciles à déployer que les gros progiciels d’avant. Cela permet de combler rapidement des besoins fonctionnels notamment dans le recrutement et l’onboarding.

Étude : LES PRIORITÉS 2021 DES DRH TOUJOURS FORTEMENT INFLUENCÉES PAR LA CRISE

Selon une enquête de février de l’Association nationale des DRH (ANDRH), les décideurs RH placent en tête de liste de leurs priorités pour le premier semestre la gestion des mesures de prévention liées à la crise sanitaire (85 %). Suivent de près l’accompagnement du management (84 %) et le développement et la consolidation du télétravail (73 %). Pour le second semestre, les priorités identifiées portent, à égalité (55 %), sur l’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT) et le développement de sujets de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 53 % des DRH prévoient une stabilisation des intentions de recrutement, 16 % une augmentation et 25 % une diminution. Les aides à l’embauche des jeunes (en alternance ou non) ont poussé 39 % d’entre eux à recruter alors qu’ils ne l’auraient pas fait. Enfin, « seuls » 22 % des répondants envisagent de mettre en place un plan de départ.