Une possible explosion des reconversions professionnelles

Une possible explosion des reconversions professionnelles

La crise sanitaire qui s’éternise conduit de nombreux employés à faire le bilan sur leur situation et à s’interroger sur le sens à donner à leur vie professionnelle. Une préoccupation qui doit pleinement être prise en compte par les DRH.

À tout malheur, quelque chose est bon. Le confinement a été propice à une phase d’introspection pour un grand nombre d’employés placés, du jour au lendemain, en télétravail ou en activité partielle. L’occasion unique d’une remise en question de ses modes de vie personnelle et professionnelle. La crise sanitaire a aussi fait découvrir de nouvelles façons de travailler, parfois loin des grands centres urbains, et un retour en arrière semble impossible à ces nouveaux convertis au télétravail. Selon une enquête de Visiplus Academy et de l’institut BVA menée juste en sortie de confinement, 18 % des actifs se sont interrogés durant cette période sur la possibilité d’un changement sur le plan professionnel pour donner du sens à leur travail (58 %) ou du fait de contraintes personnelles (31 %). Directeur du cabinet spécialisé Venus Consulting, Adam Hemon note, de son côté, une recrudescence des demandes de bilans de compétences et des formations depuis six mois (lire notre interview ci-dessous).

Déminer les velléités de départ

La rentrée sociale difficile que nous traversons ne peut que conforter les candidats à la reconversion dans leur désir de renouveau. Envie de changer de région, de se mettre à son compte, de passer d’un grand compte à une PME, ou tout simplement de réaliser son rêve de jeunesse en faisant de sa passion son métier, ce changement prend plusieurs formes. La reconversion professionnelle peut aussi malheureusement être subie, avec la multiplication des plans sociaux qui s’annonce. La DRH ne peut pas faire l’autruche face à cette augmentation prévisible des demandes de reconversion, elle a même tout à gagner à encadrer ce mouvement. En s’entretenant avec ces candidats au changement, les responsables RH pourront déminer des velléités de départ. Certains salariés souhaitent seulement un meilleur environnement de travail ou évoluer en interne, sans pour autant faire le grand saut dans l’inconnu.

La DRH dispose donc d’une marge de manoeuvre pour retenir ces collaborateurs. Elle peut même faire d’une pierre deux coups. La transformation numérique et la transition écologique vont supprimer des métiers, et en créer d’autres. Le travail à distance qu’impose la crise actuelle exige aussi des compétences comportementales, comme l’autonomie, l’adaptabilité ou le sens de l’organisation. Des « soft skills » qu’il est possible de développer par la formation ou par le coaching.

Il s’agit donc, dans un cercle vertueux, de concilier des intérêts parfois contraires : les besoins en ressources de l’entreprise, et les désirs d’évolution de l’employé. La DRH dispose pour cela de plusieurs outils. Tout commence par le bilan de compétences, qui permet d’identifier les compétences acquises et celles à développer dans le cadre d’un projet de reconversion. Depuis plus de deux ans, ce bilan est finançable par le compte personnel de formation. Ce CPF servira ensuite à financer, partiellement ou totalement, la formation nécessaire à l’évolution de poste voire au changement de métier. C’est le moment de rappeler qu’une grande échéance se profile ! Les salariés ont jusqu’au 31 décembre prochain pour faire migrer leurs droits acquis avec l’ancien droit individualisé à la formation (DIF) vers leur compte CPF. À défaut, les compteurs seront remis à zéro. La DRH doit aussi communiquer sur les autres dispositifs. Se substituant au CIF, supprimé le 1er janvier 2019, le projet de transition professionnelle permet aux salariés souhaitant changer de métier ou de profession de financer des formations certifiantes, éligibles au CPF et en lien avec leur projet de reconversion.

Dans le cas où l’entreprise doit se séparer d’un collaborateur, que cela soit de son fait ou de celui de ce dernier, il existe d’autres dispositifs. Les entreprises d’au moins 300 salariés et ayant mis en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) peuvent proposer à leurs salariés un congé de mobilité dans le cadre d’un accord collectif ou d’une rupture conventionnelle collective. Le congé de reclassement, d’une durée comprise entre quatre et douze mois, doit, lui, être obligatoirement proposé par les entreprises de plus de mille de salariés qui envisagent de procéder à un licenciement pour motif économique. Ces deux congés visent à aider les salariés à retrouver un emploi stable, notamment grâce au financement d’actions de formation et d’accompagnement par l’employeur. Ils peuvent aussi aider à la concrétisation d’un projet de reconversion.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2949)

Étude : RECONVERSION : UN RÊVE OU UNE RÉALITÉ POUR UN FRANÇAIS SUR DEUX

Selon une enquête de Visiplus Academy et de l’institut BVA menée en juin dernier, 26 % des actifs français ont déjà envisagé une reconversion professionnelle, 5 % l’ont initiée et 17 % l’ont réalisée. Les principales raisons identifiées sont l’ennui et le manque de sens vécus au travail puis la pression subie dans leur poste actuel. Concernant les freins à la reconversion, les personnes sondées avancent la crainte de l’insécurité financière (46 %), le manque de maturité de leur projet (32 %), la crainte de l’échec (28 %).

Avis d’expert : « LES CANDIDATS À LA RECONVERSION VEULENT GAGNER EN RESPONSABILITÉ »

Adam Hemon, directeur du cabinet Venus Consulting

Quel est l’élément déclencheur d’une reconversion professionnelle ?
Adam Hemon : La reconversion se présente soit comme une évolution de poste, soit comme un changement radical, en donnant un virage à 180 °à sa vie professionnelle. Par exemple, un comptable décide de se convertir dans le commerce. Dans leur projet, les candidats à la reconversion souhaitent gagner en responsabilités. La reconversion peut aussi être associée à une mobilité géographique. Ces souhaits interviennent à tous les stades d’un parcours professionnel, mais l’âge moyen se situe entre 35 et 45 ans.

Comment prend forme un projet de reconversion ?
A. H. : Pour permettre de le définir, un bilan de compétences va évaluer les compétences techniques et comportementales du candidat. Il révèle aussi ses compétences transverses acquises lors de précédentes expériences et qui s’avéreront utiles dans sa future vie professionnelle. Il s’agit ensuite, par une formation certifiante, de combler l’écart entre les compétences acquises et celles à développer. En fonction du parcours initial, sa durée peut être relativement courte, d’un à douze mois. Tout employé qui justifie d’au moins un an d’expérience en rapport direct avec la certification visée peut aussi prétendre à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Le candidat à la reconversion doit à la fois acquérir les compétences nécessaires, mais aussi se vendre sur le marché de l’emploi. Cela suppose un coaching personnalisé afin de répondre à ses préoccupations.

En quoi la crise sanitaire impacte les modalités de formation ?
A. H. : Au sein de notre cabinet, nous menons nos formations dispensées en distanciel, en e-learning ou sous forme de classes virtuelles. La visioconférence permet une réelle relation avec le formateur expert, soit en one-to-one, soit par équipes réduites à cinq personnes, permettant des échanges avec l’enseignant mais aussi entre pairs.