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Vers un renouveau de l'amande made in France

Vers un renouveau de l'amande made in France

Si la consommation mondiale d’amandes ne cesse d’augmenter, la France reste très majoritairement importatrice. Pourtant, les industriels français (calissoniers, nougatiers, industrie cosmétique) entendent faire la part belle à l’amande française, porteuse de valeurs promptes à plaire aux consommateurs : tradition, circuits courts et produits locaux. En Paca, la filière tend à se structurer pour répondre à leurs demandes.

La très grande majorité des amandes consommées en France est importée, quasi exclusivement depuis la Californie. Cependant, aujourd’hui, face au succès de ce fruit sec et à la demande des consommateurs de circuits courts et de production locale qualitative, nombreux sont ceux à croire au renouveau de l’amande française. Parmi eux, les industriels provençaux qui ont été parmi les premiers à solliciter, dès 2015, la chambre régionale d’agriculture de Paca pour animer un travail de réflexion sur la faisabilité d’une relance de la production. Une démarche qui, l’an passé, a donné naissance à l’association française interprofessionnelle de l’amande, France Amande. « S’il faut avouer qu’une fois transformée, il est très difficile de faire la différence entre une amande française et une amande espagnole, par exemple, il est primordial pour nous de proposer un vrai produit de terroir, explique Alexis Bertucat, responsable tourisme & RSE au Roy René. Nous avons comme objectif de multiplier par trois la part des amandes françaises dans notre sourcing. Certes, l’amande française a un coût plus élevé, mais c’est aussi notre rôle d’expliquer aux consommateurs que derrière elle, il y a des hommes et des femmes qu’il faut rémunérer pour le travail qu’ils font. Et comme nos produits relèvent d’achats « plaisir », ce discours est plus facile à faire passer. »

Mettre la Provence en valeur

Au sein du groupe l’Occitane, cette notion de terroir est également primordiale : « Nous avons à coeur de valoriser les productions emblématiques de la Provence : l’olive, la lavande, et bien évidemment l’amande, que nous utilisons pour l’huile d’amande douce », explique Jean-Charles Lhommet, directeur filières durables pour le groupe l’Occitane. Si l’entreprise valorise essentiellement les écarts de tri, elle fait aujourd’hui face à une offre trop restreinte l’obligeant à presser des amandes entières. « C’est quand même dommage d’en arriver là, c’est pourquoi nous n’avons pas hésité à s’associer à nos collègues de l’agroalimentaire pour entreprendre ce plan de relance », ajoute-t-il. Certains industriels n’ont d’ailleurs pas hésité à montrer l’exemple en plantant des amandiers, à l’image du Roy René et de son amanderaie de plus d’un hectare plantée en février 2016. Plus récemment, c’est la maison François Doucet qui a planté 2 200 amandiers sur plus de huit hectares à Oraisons, dans le Vaucluse. « D’ici quatre ou cinq ans, nous espérons pouvoir couvrir 10 % de nos besoins en amandes. Cela nous permet non seulement de sécuriser une partie de notre approvisionnement, mais aussi d’affirmer notre volonté d’être partie prenante de cette relance de la filière », précise Jean-Marc Doucet.

Accompagner les producteurs

Un nouvel acteur entend donner un réel élan à ce plan de relance : la Compagnie des amandes, créée par l’ancien ministre Arnaud Montebourg et par François Moulias. Selon ce dernier, l’un des principaux freins à la relance de la filière en France est lié à l’investissement : « Il faut compter 20 à 25 K€ pour planter un hectare d’amandiers. Mais il faut attendre cinq à six ans pour voir les arbres entrer en pleine production, ce qui représente un coût non négligeable pour les producteurs. C’est pourquoi nous avons imaginé, avec la Compagnie des amandes, un modèle économique innovant. L’idée est de s’associer à un agriculteur en créant une société (SAS) détenue à 51 % par ce dernier. Nous assurons les revenus dès l’année de plantation à travers le loyer des terres (si l’agriculteur en est propriétaire) ainsi qu’une rémunération forfaitaire à l’heure de travail, avec une partie fixe (700 €/ha/an) et une partie variable directement liée au rendement du verger. Les bénéfices après récolte seront alors partagés entre l’agriculteur et nous. »

À ce jour, 1 700 hectares potentiels ont été identifiés sur l’arc méditerranéen, et 300 hectares vont être plantés cet hiver. « Nous ne nous lançons que dans les projets économiquement viables, habituellement plus de dix hectares, pour lequel le GR Ceta1 a validé l’étude technico-économique complète que nous réalisons », précise François Moulias. La Compagnie des amandes vise un objectif de plantation de 2 000 hectares d’ici quatre ans et ambitionne de créer une nouvelle casserie à l’horizon 2023 pour absorber l’augmentation de la production mais aussi pour pouvoir assurer la traçabilité de la production, condition sine qua non, selon François Moulias, à la pérennité de la filière.

—— Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 2946)
(1) Association spécialisée dans le conseil technique en arboriculture fruitière (Bouches-du-Rhône).

UNE CONSOMMATION EN CONSTANTE PROGRESSION

Depuis une vingtaine d’années, la consommation mondiale d’amandes connaît une hausse continue. Elle est passée de 0,2 million de tonnes en 1999 à 1,4 million de tonnes en 2017 ! Selon François Moulias, directeur de la Compagnie des amandes, cette tendance est loin d’être un effet de mode : « Depuis quelques années, nous assistons à une transition alimentaire vers des produits plus sains et peu transformés. Cela se traduit par une forte croissance du marché du snacking sain où l’amande de bouche trouve de plus en plus d’adeptes, alors qu’il y a dix ans, on ne trouvait pas d’amandes en sachet dans nos supermarchés ! L’industrie agroalimentaire a saisi cet intérêt croissant de la part des consommateurs et ne cesse de développer des recettes à base d’amandes, ce qui a pour effet de doper encore plus la consommation. Si nous ajoutons à cela le marché des nougatiers, des calissoniers et des autres chocolatiers, sans oublier l’industrie cosmétique, nous estimons que le marché français absorbe 42 000 tonnes d’amandes par an. Or, la France n’en produit actuellement que 500 tonnes. »