"Allez-y, formez-vous !"

"Allez-y, formez-vous !"

Statut des agricultrices, congé maternité, formation… Depuis plus de cinquante ans, la Commission nationale des agricultrices (CNA) de la FNSEA oeuvre à tous les niveaux en faveur des droits des femmes. Le combat n’est pas terminé…

La CNA de la FNSEA représente et défend les agricultrices pour faire reconnaître leurs droits. Est-ce une commission récente ?
Jacqueline Cottier - Présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA : Elle a plus de cinquante ans d’existence. Beaucoup de batailles ont été menées pour que les agricultrices obtiennent une reconnaissance sociale et économique, cela a pris du temps. Il y a eu tout un travail concernant la formation des agricultrices, car un grand nombre d’entre elles étaient avant femmes d’agriculteurs mais n’avaient pas de formation. En matière de statut, les agricultrices bénéficient aujourd’hui d’un statut a minima de conjoint collaborateur lorsqu’elles travaillent sur l’exploitation avec leur mari. Malgré tout, nous estimons qu’il y aurait entre 5 000 et 6 000 femmes sans aucun statut, c’est-à-dire sans droits pour la retraite, sans prise en charge des accidents de travail… Le congé maternité pour les agricultrices a, de son côté, évolué à plusieurs reprises et est aujourd’hui aligné avec celui des autres salariées (même durée, arrêt obligatoire).

Actuellement, quelle est la part des femmes qui sont chefs d’exploitation ?
J. C. :27 % des chefs d’exploitation sont des femmes, un chiffre en baisse. En revanche, le salariat a progressé depuis 1982, en passant de 41 % à 48 % en 2019. La plupart des femmes qui s’installent ont un niveau de formation plus élevé que les hommes. Elles le font plus tard, avec un parcours différent, ont souvent de l’expérience dans d’autres métiers et apportent ainsi un autre regard. Le métier d’agriculteur, elles le choisissent. Elles savent donc qu’elles s’engagent sur le long terme. Nous savons que pour attirer et pour garder les femmes, il faut leur garantir une sécurité et de la visibilité afin qu’elles puissent construire leur projet de vie, car tout est lié. Je comprends que dans la gestion d’une exploitation, les normes environnementales, les questions fiscales, le management des salariés (souvent géré par les femmes) puissent faire peur, mais il y a aussi des avantages. Il existe un certain confort concernant la vie familiale et la vie professionnelle. Selon son type de production, il est possible d’aménager son temps en fonction de ses enfants. Certaines arrivent également à se dégager du temps pour la vie associative !

Sur quels chantiers travaille actuellement la CNA ?
J. C. : Dans les grandes lignes, cela concerne l’attractivité du métier d’agricultrice et l’accès au métier. Nous devons communiquer et expliquer qu’aujourd’hui, notre fonction est moins pénible, que les horaires sont moins contraignants (grâce, entre autres, à la robotisation), qu’elle offre une grande diversité de tâches, en lien avec la technique, mais aussi la gestion et le secrétariat. Ce sont d’ailleurs souvent les femmes qui s’impliquent sur cette partie-là, et cela est primordial. Derrière ces enjeux d’attractivité et d’accès au métier, il y a aussi l’accès à la formation, aux stages… Notre message est bien de dire aux femmes : allez-y, formez-vous ! Avec le renouvellement des générations, nous allons avoir besoin de personnes formées. La formation continue est, elle aussi, indispensable au métier, et ce, tout au long de la carrière.

La CNA est active sur son compte Facebook (@CommissionNationaledesAgricultrices). Combien de femmes sont impliquées au sein de la CNA ?
J. C. : Nous sommes 25 femmes membres, dont l’une d’entre elles est également active au sein du syndicat des Jeunes Agriculteurs. Nous avons des représentantes par région, avec des productions diverses. Deux membres du CNA siègent au conseil d’administration de la FNSEA. Les autres s’inscrivent ensuite dans les autres commissions thématiques permanentes de la FNSEA (territoires, environnement, formation, etc.) où elles peuvent apporter leur contribution et nous représenter.

Au sein des organisations professionnelles agricoles (OPA), retrouve-t-on beaucoup de femmes ?
J. C. : La représentativité professionnelle évolue trop faiblement. Les agricultrices sont encore peu représentées dans les OPA, et encore moins dans le syndicalisme. Aujourd’hui, l’une de nos grandes fiertés est toutefois d’avoir Christiane Lambert à la tête de la FNSEA. Cela nous remet du baume au coeur ! Au niveau des chambres d’agriculture, nous avons obtenu qu’il y ait au moins un tiers de femmes candidats sur les listes… Mais dans les faits, il n’y en a pas forcément dans les bureaux. Il existe un plafond de verre. Pour faire évoluer les choses, nous devons davantage communiquer et faciliter leur engagement, car elles ont un rôle à jouer. Au sein de la CNA, nous proposons donc des formations sur le rôle des différentes OPA, sur la prise de parole, sur la communication… Nous avons, par ailleurs, une réflexion sur des moyens à mettre en oeuvre pour faciliter leur engagement. Nous savons en effet que concilier vie familiale et prise de responsabilités n’est pas simple pour une question de temps. Mais si l’engagement demande une grande énergie, nous recevons beaucoup en retour.

—— Propos recueillis par Caroline EVEN (Tribune Verte 2953)

Parcours : UN ENGAGEMENT DE LONGUE DATE DANS LA CNA

Après une courte expérience de vendeuse, Jacqueline Cottier a suivi une formation agricole de six mois puis s’est installée en 1989 en EARL avec son mari. Dans leur exploitation de 180 hectares (située dans le Maine-et-Loire), ils élèvent aujourd’hui trente vaches laitières et vingt-cinq vaches allaitantes de la race rouge des prés. Ils produisent également, sur 400 m², des pintades et des poulets labellisés. Peu après son installation, Jacqueline Cottier s’est engagée dans la Commission nationale des agricultrices (CNA) de la FNSEA, pour rompre avec un certain isolement, mais aussi parce qu’elle estimait que les agricultrices ne bénéficiaient pas des mêmes droits que les agriculteurs. En adhérant à cette commission, elle estime avoir fait « un véritable bond en avant », notamment grâce à la richesse des échanges entre agricultrices et par le biais des formations. Elle a été élue présidente de la CNA en 2014, puis a été réélue en 2017 et en 2020. En 2019, elle a reçu la Légion d’honneur au grade de chevalier.

DES ADMINISTRATRICES QUI SENSIBILISENT LES COOPÉRATIVES À L’INTÉRÊT DE LA MIXITÉ

Le club des administratrices Les Elles de la coop, porté par l’Institut de la coopération agricole, est né début 2018. Muriel Penon, agricultrice en Charente-Maritime (17) et administratrice au sein de la coopérative Terre Atlantique (17), en est la porte-parole. Elle revient sur sa création et sur son rôle : « Nous sommes parties du constat qu’il y avait une sous-représentation des femmes dans les instances décisionnaires agricoles, et notamment dans les conseils d’administration (CA) des coopératives. En France, 27 % des chefs d’exploitation sont des femmes, mais moins de 10 % des chefs d’exploitation présents dans les CA des coopératives sont de sexe féminin. Notre club est donc né de la volonté commune de créer un réseau de femmes administratrices pouvant sensibiliser à la richesse de la mixité. Nous ne sommes pas un club de féministes, mais nous voulons faire comprendre qu’inclure des femmes dans un CA peut apporter autre chose ! Nous cherchons pour cela à avoir un appui politique de la part de la coopération agricole, mais aussi un appui financier pour faire vivre le club, en proposant notamment des formations. Nous avons en effet identifié des freins à la prise de certaines responsabilités : la confiance en soi, oser parler et s’imposer devant une assemblée souvent très masculine… »

Après deux ans d’existence, le club Les Elles de la coop, dont les membres se rencontrent au moins deux fois par an, compte plus d’une vingtaine d’administratrices venant d’une dizaine de coopératives, essentiellement de l’ouest du pays. Les portes du club sont toutefois ouvertes à toutes les administratrices de France.