Comment lutter contre l’hyperconnexion ?
Alors que le digital a envahi tous les processus de l’entreprise, un employeur doit veiller à faire respecter le droit à la déconnexion. Un enjeu de santé mentale et physique pour ses salariés mais aussi de productivité.
En France, 10 % des salariés seraient atteints d’hyperconnectivité aiguë. Ces addicts aux écrans envoient notamment des mails ou enchaînent les réunions en dehors des horaires de travail, au risque de s’exposer dans la durée à des situations de surcharge mentale et de fatigue, voire de burnout. Pour parvenir à quantifier ce phénomène, les cabinets de conseil Lecko et Cog’X ont analysé deux années d’activité de 20 000 utilisateurs de la suite collaborative Microsoft 365.
Alors que la journée de la déconnexion s’est tenue le 6 février dernier, notre dépendance aux outils digitaux s’est encore accentuée depuis la crise sanitaire. Avec la généralisation du télétravail, le numérique devient le lien principal qui relie le collaborateur à son manager et à ses collègues. Pour exister, il faut être connecté. Une connexion permanente qui crée une porosité entre les sphères personnelle et professionnelle et produit un stress nuisible à la productivité comme à la santé des collaborateurs. État de fatigue persistant, insomnie, troubles digestifs ou musculosquelettiques, risques accrus de maladies cardiovasculaires… Les symptômes de cette hyperconnectivité ne sont pas neutres et mettent l’employeur face à ses responsabilités. Le Code du travail le contraint à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
Des garde-fous organisationnels et managériaux
Depuis 2017, toute entreprise de plus de cinquante salariés est aussi tenue de faire respecter le droit à la déconnexion. Pour cela, elle doit mettre en place tous les processus nécessaires afin que ses collaborateurs profitent de leur temps libre sans être perturbés par un appel ou un e-mail professionnel. Le numérique peut aider à lutter contre ses propres excès. Des solutions techniques existent pour bloquer l’envoi et la réception d’appels et de messages professionnels en dehors des horaires de travail, puis pour les libérer une fois que leur destinataire aura repris. Mais les garde-fous sont avant tout organisationnels et managériaux. Une entreprise peut tout d’abord édicter une charte de bonnes pratiques pour cadrer les usages.
Des formations de sensibilisation apprendront ensuite aux collaborateurs comment désactiver les notifications ou mettre leur smartphone en mode avion pour créer une bulle de concentration. Il s’agira également d’indiquer quel média utiliser – courrier, chat, appel audio, visioconférence – en fonction de la situation. Bien utilisées, les solutions collaboratives dans le cloud de type Microsoft 365 ou Google Workspace permettent de réduire drastiquement le nombre d’emails envoyés. Les membres d’une équipe projet travaillent en ligne sur le même document partagé sans avoir à échanger ses différentes versions par messagerie. Une fois encore, c’est le manager intermédiaire qui tient une part importante de la solution. Non seulement il doit faire preuve d’exemplarité en ne participant pas lui-même à générer du stress électronique, mais il édictera les règles de communication entre les membres de son équipe. Le manager est aussi le mieux placé pour identifier les collaborateurs en souffrance en raison de leur usage déraisonné du numérique. En accord avec la DRH, il peut leur proposer de suivre une cure de « digital détox ». L’hyperconnectivité étant une addiction comme les autres, ce sevrage numérique permet de prendre du recul et de questionner son rapport aux écrans.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3008)
Étude : LE TÉLÉTRAVAIL ACCENTUERAIT LE STRESS
Une enquête d’ADP, éditeur des solutions de RH, relève un paradoxe introduit par la généralisation du télétravail depuis la crise sanitaire. Alors que le travail à domicile est censé apporter un meilleur équilibre vie personnelle-vie professionnelle et réduire les sources de stress en supprimant les temps de transport et l’environnement bruyant de l’openspace, 70 % des télétravailleurs déclarent ressentir au moins une fois par semaine du stress au travail, contre 58 % pour leurs collègues sur site. En commençant plus tôt et/ou se déconnectant plus tard, en faisant des pauses raccourcies, en répondant présent en dehors des horaires de travail, le télétravailleur ferait, par ailleurs, des journées à rallonge. Par semaine, il effectuerait, selon l’étude, l’équivalent de 7,65 heures supplémentaires non rémunérées.
Avis d’expert : « LE MANAGER DOIT MONTRER L’EXEMPLE »
Justin de Baere, directeur marketing d’Onoff business
Quel est le rôle du manager pour réduire le stress électronique ?
Julien de Baere : Son rôle est clé. Le manager doit montrer l’exemple et éviter d’envoyer un mail à un collaborateur à 21 heures ou de lui demander une présentation la veille pour le lendemain à la première heure. À lui d’anticiper la charge de travail pour éviter, autant que possible, ces périodes d’urgence et les délais intenables. Un manager peut aussi optimiser le temps des réunions, notamment en visioconférence, pour qu’elles ne se tiennent pas en fin de journée et ne s’éternisent pas. Selon une étude, la durée moyenne d’une réunion s’établit à cinquante-sept minutes en France contre quarante-huit minutes en moyenne dans le monde, sachant que le temps réellement productif n’est, lui, que de vingt et une minutes.
Quelles bonnes pratiques mettre en oeuvre ?
J. D. B. : Une entreprise peut édicter une charte de bonnes pratiques pour cadrer les usages. Elle doit aussi sensibiliser les collaborateurs aux gestes à adopter, comme enlever les notifications de son téléphone ou se mettre en mode « ne pas déranger » durant les tâches exigeant de la concentration. Le salarié doit aussi effectuer un travail sur lui-même. Le syndrome de fear of missing out (Fomo) peut conduire à rester en permanence connecté de peur de rater quelque chose. Là encore, le manager a un rôle à jouer en le déculpabilisant : « En vacances, tu coupes tout. Ne t’inquiète pas, on assure le relais. »
Quelles solutions techniques proposez-vous pour déconnecter ?
J. D. B. : Comme son nom l’indique, l’application d’Onoff Business permet de passer un smartphone en mode « off ». Les appels sont renvoyés vers la messagerie vocale et l’utilisateur les retrouvera ainsi que les SMS à son retour au bureau. L’entreprise peut aussi programmer des plages horaires pour que la déconnexion s’active automatiquement à 18 h 30. Pour les collaborateurs utilisant un smartphone à usage mixte, l’application distingue les appels privés et ceux relevant du travail en attribuant un numéro de téléphone professionnel spécifique.