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Comment répondre aux attentes de la génération Z ?
Pour attirer et fidéliser les jeunes talents qui arrivent massivement sur le marché de l’emploi, les entreprises doivent décrypter leur rapport au travail et adapter en conséquence leurs méthodes de recrutement et de management.
De drôles de zèbres. Par leurs comportements parfois surprenants, les « Z » ont désarçonné plus d’un employeur. La génération Z, c’est-à-dire les jeunes adultes nés après 1995, a, de fait, un rapport au travail bien différent des précédentes. Pas question de se tuer à la tâche comme leurs aînés, elle n’entend pas « passer sa vie à la gagner » pour reprendre un slogan de mai 68.
Le travail n’est qu’un pan de leur existence et ces jeunes diplômés préfèrent privilégier un équilibre harmonieux entre vie personnelle et vie professionnelle plutôt que de se sacrifier au boulot pour une reconnaissance hypothétique. Plus volatile, la génération Z n’hésite pas non plus à changer d’employeur si les promesses formulées lors de l’embauche ne sont pas tenues par la suite (lire l’interview ci-dessous).
La génération Z a aussi ses propres codes et il convient d’adapter ses méthodes de recrutement en conséquence. Ces « digital natives », qui ont leur smartphone greffé dans la main privilégient les échanges par messageries instantanées et les réseaux sociaux comme Snapchat, TikTok ou Instagram. Si le CV reste incontournable, il sera plus difficile de leur demander de rédiger une lettre de motivation. Les Z attendent aussi des processus de recrutement plus fluides et un délai de réponse raccourci.
Quête de sens et intelligence collective
Au-delà des méthodes de recrutement, l’entreprise doit adapter ses parcours de carrière, ses conditions de travail et son mode de management pour répondre aux attentes des jeunes actifs. Le travail est perçu comme un vecteur d’épanouissement et de développement personnel. Les Z souhaitent être stimulés intellectuellement par de nouveaux projets et des approches innovantes.
Il s’agit également de répondre à leur quête de sens. Les jeunes diplômés des années 2020 entendent rejoindre des entreprises engagées, en phase avec leurs propres valeurs (lire ci-dessous). « Ils ont des attentes fortes sur le rôle social et environnemental de leur employeur, avance Christophe Nguyen, fondateur du cabinet Empreinte Humaine. Pas de greenwashing, la politique RSE doit se traduire par des réalisations concrètes comme la sensibilisation aux écogestes ou des achats plus responsables. » Il conseille de s’appuyer sur ces bonnes volontés et en faire des contributeurs au sein de groupes de travail.
Si le numérique est omniprésent dans leur vie, les Z ont soif de faire partie d’un collectif, de vivre une aventure humaine. Durant leurs études, ils ont appris à travailler en mode collaboratif et entendent continuer à privilégier l’intelligence collective dans la sphère professionnelle. Le mode de management s’en ressent. En lieu et place de l’approche « top down » du management pyramidal, l’organisation doit être plus fluide et horizontale permettant à chacun de s’épanouir. Cette organisation n’accorde plus de place aux petits chefs tyranniques qui maintenaient leurs équipes sous pression par un management toxique. Le manager intermédiaire change de posture. Fini le mode « command and control », il tient un rôle de coach au service de son équipe avec bienveillance et empathie.
Les Z sont, par ailleurs, sensibles à toute forme de discriminations, qu’elles soient liées au genre, à l’âge, à l’origine ethnique ou à l’appartenance religieuse. Ils verront d’un bon oeil toute action en faveur de la diversité et de l’inclusion. L’entreprise devra aussi jouer la carte de la transparence sur les critères qui conditionnent une promotion ou une augmentation de salaire. Au risque de créer des déséquilibres.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3032)
Étude : Rejoindre une entreprise en pahse avec ses valeurs
Selon une étude LinkedIn parue en juin, 81 % des jeunes actifs déclarent qu’ils ont quitté ou sont prêts à quitter leur emploi pour rejoindre une entreprise plus en phase avec leurs valeurs, contre 60 % pour l’ensemble du panel des salariés sondés. Désireux de s’investir auprès d’entreprises engagées, les représentants de la génération Z se fixent des limites claires lorsqu’il s’agit de rechercher un nouvel employeur. Le manque d’opportunités d’évolution de carrière ou de formation en interne (39 %), le manque de flexibilité (35 %) et l’absence d’engagements clairs concernant l’environnement (31 %) sont les trois principaux critères rédhibitoires à leurs yeux. Les employeurs ont compris le message et se sont mis au diapason. Pour des postes de juniors, LinkedIn a enregistré, au cours des deux dernières années, une augmentation de 154 % des offres d’emploi mettant en avant les engagements d’une entreprise. En France, le nombre de vues pour ces offres mentionnant des valeurs telles que la culture d’entreprise, la flexibilité et le bien-être des collaborateurs ont connu une hausse de 48 % par rapport à 2021, et une hausse de candidatures associées de 54 %.
Avis d’expert : « Attention aux fausses promesses ! »
Christophe Nguyen, fondateur du cabinet Empreinte Humaine.
Quel est le rapport au travail des jeunes actifs ?
Christophe Nguyen : Notre dernier baromètre montre qu’ils veulent moins s’investir dans le travail que leurs aînés, ils démissionnent aussi plus rapidement. Ce n’est pas une forme de fainéantise. Ces jeunes actifs ont tout simplement un autre rapport au travail. À la différence des autres salariés, ils ont tout d’abord moins d’attaches familiales et n’ont pas contracté de gros crédits. La génération Z a, par ailleurs, grandi dans un contexte d’incertitudes. La crise sanitaire l’a particulièrement frappée, Durant les confinements successifs, ces jeunes n’ont pas pu établir de réelles relations sociales. Ils vivent aussi dans l’écoanxiété. Depuis qu’ils sont nés, on leur dit que la planète brûle. Enfin, ils ont vu leurs parents s’échiner au travail, voire perdre leur santé physique et mentale, sans avoir beaucoup de reconnaissance de leur employeur en retour. Dans ce contexte, ces jeunes privilégient l’équilibre des vies personnelle et professionnelle plutôt qu’une hypothétique évolution de carrière dans quelques années.
Que doivent faire les employeurs pour s’adapter ?
C. N. : Alors que les candidats sont en position de force, surtout dans les secteurs qui éprouvent des difficultés à recruter, les entreprises doivent être crédibles et remettre à plat leur contrat moral. Les entreprises doivent jouer un rôle d’exemplarité. Comment traitent-elles les salariés en place depuis longtemps ? Si les seniors sont aigris et démotivés, les jeunes n’auront aucune envie de leur ressembler. Les jeunes actifs attendent de voir sur pièces les promesses qu’on leur a tenues durant la phase d’employeur. S’ils se sentent dupés, ils en tireront les conséquences. Une entreprise prône l’équilibre des vies, mais organise des réunions à 19 heures. Une autre a fait de la bienveillance et du bien-être au travail sa priorité, mais ne fait rien pour lutter contre le harcèlement et le management toxique.
Comment le rôle du manager intermédiaire évolue ?
C. N. : Sa posture change. Le manager doit être dans le dialogue et la proximité et non plus dans le contrôle et l’autorité. Les jeunes questionnent aussi le sens des décisions prises. Elles doivent être cohérentes. Par exemple, le choix des jours télétravaillés doit répondre à une logique collective. De même, une entreprise doit être claire sur les contraintes du poste et expliciter les règles communes à tous. Pas question d’octroyer des conditions plus favorables à certaines populations, ce qui créerait des déséquilibres. Cela marche dans les deux sens. Accorder un salaire d’embauche à un jeune équivalent à son collègue qui a 15 ans d’ancienneté induit une forme d’inégalité.