Crise sanitaire : Assurer la prise en charge psychologique des salariés déconfinés
La période actuelle est particulièrement anxiogène avec la crise sanitaire qui se double d’une crise économique. La DRH doit renforcer la prévention des risques psychosociaux afin de faire face à une explosion annoncée de syndromes post-traumatiques.
La santé psychologique des salariés est la grande oubliée de la gestion RH de cette crise du Covid-19. Dans son protocole national de déconfinement, le ministère du Travail détaille les mesures à prendre pour assurer le retour des employés en entreprise. Masques, gel hydroalcoolique, gestes barrière… les préconisations ne visent que la seule protection sanitaire. Rien sur les troubles anxieux et dépressifs qui ont pu naître de ces longues semaines de confinement. Un fort sentiment d’isolement qui se double aujourd’hui d’incertitudes sur le plan économique. « La gestion de crise comporte un angle mort : la prise en compte de sa dimension psychologique, déplore Christophe Nguyen, président et consultant associé d’Empreinte humaine. C’est pourtant là que les impacts seront les plus importants. Il faut sensibiliser les entreprises et les pouvoirs publics à ces risques. » Dans ce but, son cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (RPS) a publié un baromètre. Il en ressort que 42 % des salariés sondés présentent de la détresse psychologique et que 17 % vivent même une détresse élevée.
La période délétère du confinement a été, tout d’abord, une source de trauma.À savoir, selon Christophe Nguyen, « un événement soudain et brutal qui entre par effraction dans les esprits ». Cette souffrance psychologique se traduit par plusieurs symptômes, comme l’insomnie, les crises de panique ou le développement de phobies. Avec le déconfinement, on assiste aussi à un refus, de certains salariés, de retourner sur leur lieu de travail.
L’engagement des collaborateurs remis en cause
Ces troubles sont à considérer avec sérieux. L’employeur est légalement tenu de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L4121-1 du Code du travail). Il en va de son propre intérêt. Avec la crise, l’absentéisme augmente de façon prévisible. Et chez les salariés présents, on observe une perte de motivation, et donc de performance. « Cette forme de désengagement est une façon de se protéger, explique Christophe Nguyen. Je stresse moins, le travail ne m’atteint plus. » Pour le consultant, prévenir les RPS n’est donc pas un acte de philanthropie et l’entreprise a tout à y gagner. « C’est la façon dont elle assure le bien-être des salariés qui conditionne l’engagement de ces derniers. »
La gestion du déconfinement pose aussi un enjeu de rétention des talents. « La crise a fait naître des interrogations sur le sens du travail, observe Christophe Nguyen. Est-ce que ce que je fais est utile ? N’exercé-je pas un “bullshit job” ? Les salariés qui ne trouveront plus de sens à leur métier ou qui estiment avoir été mal traités durant cette période partiront. »
On le voit, le sujet de la santé psychologique dépasse le périmètre de la seule DRH, déjà particulièrement accaparée avec la gestion du chômage partiel ou la reprise des négociations collectives. Un plan de prévention des RPS doit être porté au plus haut. Dans ces temps troublés, la voix de la direction est de toute façon très attendue.
—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2940)