Didier Férat, Lonely Planet : Le tourisme rural, « un lieu d’expériences »
Créé en 1993, Lonely Planet se définit comme le premier éditeur de guides de voyage dans le monde. Plus de 250 titres sont proposés chaque année aux férus de voyages, dont certains dédiés au tourisme rural. Didier Férat est le directeur éditorial des guides Lonely Planet.
Est-il possible à l’heure actuelle de chiffrer l’offre touristique « verte » ?
Didier Férat. : C’est très compliqué car elle peut être multiple. Elle peut être rurale, mais aussi un lieu d’hébergement dans une ville écoresponsable : il y a par exemple des hôtels peu énergivores à Paris. Donc le tourisme et l’hébergement durables sont multifacettes. De fait, parler de tourisme durable est beaucoup plus large que le tourisme rural, dans le sens où il peut englober aussi les moyens de transport, des activités type vélos, randonnées...
Quelles évolutions sont apparues ces dernières années chez les accueillants, et quelles attentes de la part des visiteurs ?
D. F. : L’un des changements les plus intéressants est lié aux demandes autour de l’hébergement. Aujourd’hui, c’est un lieu d’expérience, notamment dans le tourisme rural. Que cela soit un lieu de vie dans une ferme, ou qu’il s’agisse aussi de découvertes de la région grâce aux gens qui hébergent les voyageurs.
Nous venons de publier 100 week-ends nature en France, et il nous est apparu, dans les propositions de nos auteurs que, souvent, les hébergements proposaient aussi des promenades à vélo dans le coin, la découverte de la faune ou de la flore, c’est-à-dire un mode de vie différent de ce que connaissent les citadins. Il y a cette notion d’expérience et de service qui est liée aux hébergements. C’est une nouvelle tendance.
Avec la crise sanitaire, beaucoup de Français ont privilégié les voyages dans l’Hexagone, en optant pour la découverte du tourisme vert. Pensez-vous que cette tendance est amenée à durer ?
D. F. : Oui, je pense. Pour deux raisons. D’une part, parce que l’épidémie n’est pas terminée, et d’autre part il y a une prise de conscience du danger que court la planète, comme l’a montré le récent rapport du Giec. Nous avons donc, comme toujours, des gens qui commencent à ne plus prendre l’avion, à rester dans l’Hexagone pour des raisons X ou Y, et ensuite l’ensemble de la société va suivre ces pionniers. Il y a eu une percée de la demande de tourisme rural. Dans notre collection de guides En quelques jours, les territoires un peu plus ruraux que nous proposons ont beaucoup augmenté alors que ceux des villes ont beaucoup baissé.
Comment le secteur agricole doit-il désormais prendre en compte cette nouvelle donne ?
D. F. : C’est une opportunité pour créer un lien plus fort entre les agriculteurs, ou le monde rural en général, et des gens qui sont plus urbains.
Pour le moment, la diversification ne touche-t-elle principalement que la filière bio ?
D. F. : C’est vrai que cela va toucher avant tout des agriculteurs qui font du bio, de la permaculture, de l’agriculture raisonnée. Il est évident que les gens vont davantage rechercher des produits locaux, qui tiennent compte par définition de l’empreinte carbone, donc je pense aussi que le bio va être favorisé.
Pourquoi existe-t-il autant de labels dans le domaine de l’écotourisme ?
D. F. : C’est une question pour les institutions et sur la manière dont sont créés les labels. Au niveau de l’alimentation, il y en a au moins deux ou trois différents, je pense aux labels bio. Donc, ce n’est pas étonnant que pour l’instant la labellisation soit assez diversifiée. Le problème est lié aux critères : est-ce qu’on peut les appliquer tous à un même type d’hébergement ou de service ? Est-ce la découverte de la nature environnante ? Le tourisme vert peut revêtir différentes formes. L’empreinte carbone de ces activités n’est peut-être pas le seul critère. C’est ça qui peut être compliqué, mais c’est sans doute réalisable.
Une appellation unique pourrait-elle voir le jour ?
D. F. : Je pense que cela peut voir le jour, c’est une question de centralisation de cette labellisation, c’est vraiment une discussion qu’il faut avoir avec les institutions qui gèrent le tourisme en France.
—— Propos recueillis par Pierre MOYON (Tribune Verte 2969)