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Enquête Viti/APECITA « La fidélisation doit s’adapter aux attentes du salarié »
Devant la difficulté à recruter, l’un des enjeux cruciaux pour les entreprises réside dans la fidélisation de leurs salariés. Afin d’identifier les différentes actions qui permettent de maintenir une relation durable entre salariés et employeurs, l’APECITA et le magazine « Viti » ont mené une enquête auprès de la filière viti-vinicole. Morgane Prost, Laurence Stephan et Stéphanie Méaude, de l’APECITA, en dévoilent les principales conclusions.
Quel était l’objectif de cette enquête menée en collaboration avec notre magazine ?
Laurence Stephan : Lorsque nous accompagnons des entreprises dans leur recrutement, la question de la fidélisation nous est régulièrement posée. Si nous avons déjà connaissance d’actions qui sont mises en place dans certaines structures, elles ne sont cependant pas toujours adaptables à d’autres. C’est pourquoi, à travers cette enquête, nous avons voulu recenser de manière plus exhaustive les leviers de fidélisation existants dans des caves particulières, dans des coopératives, des négoces ou chez des vignerons coopérateurs et ce, sur l’ensemble des bassins de production.
Quelles sont les principales conclusions de cette enquête ?
Morgane Prost : On constate que les leviers de fidélisation sont très nombreux et prennent des formes très diverses. En matière de rémunération, un salaire supérieur au minimum conventionnel et la mise en place de primes sont le plus souvent cités. Les entreprises du secteur sont également nombreuses à soigner les conditions de travail et le bien-être de leurs salariés : des horaires flexibles qui s’adaptent aux contraintes personnelles, du matériel et des espaces de travail plus ergonomiques, des temps conviviaux partagés… L’ambiance de travail et la manière de manager ses équipes participent aussi grandement à leur fidélisation.
Stéphanie Méaude : En fonction de leur taille, les structures viti-vinicoles n’ont pas toutes les mêmes moyens, notamment financiers, pour mettre d’importantes actions en place. Mais notre enquête prouve qu’il existe un panel d’actions parfois très simples à mettre en oeuvre et qui peuvent avoir un réel effet positif sur le bien-être du salarié.
Auriez-vous des conseils à apporter aux recruteurs en matière de fidélisation ?
M. P. : Il y a tellement de structures et de profils de salariés différents qu’il est très compliqué, voire impossible, de prodiguer des conseils généraux. Il faut bien comprendre que la fidélisation doit se réfléchir de manière quasi individuelle pour répondre aux attentes réelles du salarié. On peut en revanche affirmer que la question des leviers de fidélisation doit se réfléchir au tout début du processus de recrutement, voire, si elle est n’a pas encore été rédigée, au moment de l’élaboration de la fiche de poste. Pour un recrutement réussi, il faut prendre le temps de réfléchir non seulement aux missions qu’on souhaite confier à son salarié mais aussi aux moyens qu’on sera capable de déployer pour lui permettre de mener à bien ces missions, même s’ils ne seront pas tous à mobiliser.
S. M. : Le moment de l’entretien de recrutement sera déterminant. C’est en rencontrant et en échangeant avec le candidat qu’on va pouvoir comprendre quelles seront ses sources de motivation. Pour certains, cela peut être les perspectives d’évolution, pour d’autres, une flexibilité des horaires pour leur permettre de concilier au mieux vie personnelle et vie professionnelle… En effet, si l’entretien d’embauche permet au recruteur de valider si la personne a bien les compétences requises et les qualités qu’on recherche chez un candidat, il l’aide aussi à comprendre vers quoi il souhaite tendre. Ainsi l’employeur sera en mesure de lui présenter comment il est capable de l’accompagner en ce sens, surtout s’il a travaillé en amont sur ses leviers de fidélisation. Il ne faut pas hésiter à interroger les candidats sur la manière dont ils se projettent à court et plus long terme dans leur poste.
Mais la question de la fidélisation ne se réfléchit pas qu’au moment du recrutement ?
L. S. : Évidemment. La fidélisation du salarié doit se penser tout au long de sa carrière au sein de l’entreprise. D’autant plus que ses envies, ses besoins et ses projets peuvent évoluer, parfois de manière très rapide. Il existe un moment formel pour aborder le sujet : l’entretien professionnel. Rappelons qu’il concerne tous les salariés dans toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité, et ce quelle que soit la nature du contrat. Cet entretien, qui doit être réalisé tous les deux ans, est l’occasion de faire le point.
S. M. : Mais il n’est pas conseillé d’attendre ce rendez-vous obligatoire pour « prendre la température ». C’est aussi dans des moments plus conviviaux, par exemple le temps d’un café ou d’un repas partagé, qu’un employeur peut capter plus facilement le ressenti de ses employés. D’ailleurs, je dirais qu’une communication régulière avec ses équipes est déjà la base de la fidélisation. Elle est la preuve de l’intérêt qu’on porte à ses employés. Or, se sentir considéré est aujourd’hui une attente forte des candidats. C’est encore plus vrai chez la jeune génération qui arrive désormais dans le monde du travail.
— Propos recueillis par Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 3029)
Isabelle Cailleteau, viticultrice à l’EARL Cailleteau E, Charente-Maritime : Des horaires flexibles et un meilleur revenu
Isabelle Cailleteau exploite 33 ha de vignes en appellation vin de pays charentais et cognac, avec un apport total à la coopérative SCA Uniré, à l’île de Ré. « J’embauche trois personnes en CDD équivalent temps plein qui s’échelonnent de novembre à juin. Cela fait six à sept ans que deux d’entre eux reviennent d’une année à l’autre. Je recrute aussi des saisonniers pour le palissage de la vigne. Les quatre ou cinq étudiants que j’ai recrutés l’an dernier ont exprimé leur souhait de revenir travailler cette année. La loyauté des trois CDD se justifie par deux pratiques majeures. Premièrement, je n’impose pas une journée “classique” – 8 heures-12 heures/14 heures-17 heures –, mais des horaires en continu, de 8 heures à 15 heures. Je me suis adaptée aux contraintes personnelles de mes employés qui préfèrent travailler à ce rythme. De plus, je les rémunère à 12,50 euros brut de l’heure alors que la majorité de mes collègues paient leurs salariés au Smic. Cela fait aussi deux à trois ans que j’augmente chaque année le salaire brut horaire de 50 centimes. Quant aux moments de convivialité avec les CDD, chaque année nous organisons un repas pour clore les deux jours de confusion sexuelle. Cette année, il s’est suivi – à leur demande – d’une visite de la coopérative. De plus, pour la première fois, nous avons passé ensemble une journée au Salon Vinitech. Ils avaient exprimé leur envie de découvrir le Salon et ils se demandaient notamment comment j’avais choisi mon interceps. C’était l’occasion de leur montrer que ce n’est pas évident de choisir une nouvelle machine quand il y a quinze exposants différents. De plus, leur avis m’est important sur la façon dont nous travaillons. »
Marie Giraud, viticultrice associée au Domaine des Coeuriots, Yonne : « J’aimerais mettre en place des primes sur objectifs »
Le domaine des Coeuriots exploite et transforme 8,8 ha en appellation vézelay, sous le label Agriculture biologique. « Il est très difficile de trouver des salariés. Pour le moment, nous avons une personne à mi-temps de décembre à juin et des saisonniers pour la taille, le relevage et les vendanges. Je suis en plein recrutement, car l’objectif est d’avoir deux salariés en CDI temps plein, principalement dans les vignes et ponctuellement en cave, car mon conjoint s’occupe déjà de la vinification. Aujourd’hui, les candidats ne veulent plus être rémunérés au Smic. Je suis prête à payer mes salariés plus cher si le travail est bien fait. Par le passé, j’ai déjà recruté un CDI à 15 € brut de l’heure, un plus haut revenu justifié par son niveau d’expérience. C’est compliqué de recruter, mais je fournis un équipement de base comme des bottes, une tenue de pluie et des sécateurs récents et légers, qui sont toujours un plus pour le salarié. Il y a quelques points sur lesquels je souhaiterais m’améliorer. Même si je suis disponible pour échanger et toujours joignable, j’aimerais prendre un temps plus formel avec chaque salarié. J’aimerais aussi être plus souvent présente dans les vignes et mettre en place des primes sur objectifs en fonction des tâches réalisées. Globalement, j’ai conscience qu’il faut être plus flexible – sur le salaire et les horaires notamment – pour pouvoir recruter. »
— Par Amélie DI BELLA