Inflation : Maintenir le pouvoir d’achat des salariés

Inflation : Maintenir le pouvoir d’achat des salariés

Compte tenu du niveau actuel d’inflation, les entreprises doivent aider leurs collaborateurs à faire face à l’augmentation du coût de la vie. Quels leviers actionner au-delà de la seule augmentation salariale ? Quelques éléments de réponse.

En cette fin d’année, les DRH s’attendent à des négociations annuelles obligatoires particulièrement tendues. Avec un taux d’inflation de 6,2 % sur un an selon le dernier calcul de l’Insee, la question des augmentations salariales sera au centre de toutes les réflexions. Selon une enquête réalisée par l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), près de 40 % des DRH anticipent d’ailleurs « une dégradation des relations sociales » sous l’effet conjugué de l’inflation, de la crise de l’énergie et de la réforme des retraites. De fait, les entreprises font face à un véritable casse-tête. Pour attirer et retenir les talents, elles doivent veiller à préserver le pouvoir d’achat de leurs employés, alors que la conjoncture économique et géopolitique les incite à la prudence. Les employeurs se montrent réticents à l’idée d’engager durablement les finances de leur entreprise en procédant à des augmentations salariales substantielles, quand les  incertitudes sur l’avenir sont nombreuses.

Selon le guide des salaires 2023 de Robert Half, 29 % des dirigeants français affirment que « leur organisation doit choisir entre assurer sa stabilité et aider ses collaborateurs à faire face à l’augmentation du coût de la vie ». Seuls 22 % affirment ainsi qu’ils augmenteront leurs salariés proportionnellement à l’inflation dans les douze prochains mois.

Prime Macron et titres-restaurant

Parmi les actions que les dirigeants affirment mettre en place, l’augmentation de salaires n’arrive qu’en sixième position derrière les bonus ponctuels, le compte épargne-temps qui permet de monétiser les RTT, l’avance sur salaire ou l’extension du temps de télétravail. Non citée, la qualité de couverture de la complémentaire santé, représentant un coût important pour les salariés, peut être un autre levier à actionner.

Les entreprises peuvent aussi s’emparer des dispositifs récemment annoncés par le Gouvernement, à commencer par la prime de partage de la valeur (PPV). Entrée en vigueur le 1er juillet, elle remplace la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), aussi appelée « prime Macron », et connaît un vif succès. En deux mois, elle a bénéficié à 730 000 salariés, pour un montant moyen de plus de 710 euros.

Plus souple que la Pepa, cette PPV peut être versée à l’ensemble des salariés, quel que soit le niveau de rémunération. La prime est exonérée de l’impôt sur le revenu, des cotisations salariales et des contributions sociales, dans la limite de 3 000 euros par an et par bénéficiaire, voire de 6 000 euros si l’entreprise a conclu un accord d’intéressement ou de participation.

Autre piste : la subvention des repas. Depuis le 1er octobre, la valeur faciale des titres-restaurant a augmenté. Un salarié peut régler avec eux jusqu’à 25 euros par jour ouvré, contre 19 euros auparavant. Par ailleurs, leur usage a été étendu à l’achat de tous produits alimentaires, y compris ceux non consommables sans cuisson ni préparation, comme les pâtes, le riz, les oeufs ou la viande.

Les entreprises peuvent, par ailleurs, agir sur la part variable des rémunérations, moins engageante à long terme sur ses finances, tout en apportant une réponse concrète à l’employé. Enfin, la question de la mobilité se pose de manière accrue avec la fin de la remise de l’État sur le prix du carburant.

Un employeur peut favoriser la pratique du vélo, de l’autopartage et du covoiturage. La flexibilité du travail – télétravail, passage à la semaine de 4 jours… – participe aussi à la réduction des temps de transport, à la fois coûteux et  énergivores. Ou comment concilier la lutte contre le réchauffement climatique et le maintien du pouvoir d’achat.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3003)

Avis d’expert : « LE CONTEXTE ACTUEL INCITE À LA CRÉATIVITÉ » Laure Charbonneau, directrice Robert Half

 En quoi le sujet des salaires est-il prioritaire cette année ?
Laure Charbonneau : Avec le taux d’inflation actuel, le sujet est dans toutes les têtes. Chez les candidats, le salaire est même redevenu le critère numéro 1. Très sollicités, ils sont en position de force, disposant le plus souvent de plusieurs offres sur la table. Une mobilité permet d’augmenter son salaire et je ne vois plus actuellement de changement de poste à rémunération équivalente. Soumises à la guerre des talents, les entreprises sont, elles, confrontées à des problèmes d’attractivité et de rétention. Je constate un véritable effort de la part des entreprises pour maintenir le pouvoir d’achat de leurs employés. Le contexte incite à la créativité. Le pire serait de faire la politique de l’autruche. La question des rémunérations arrivera tôt ou tard sur la table. Pour ne pas être pris au dépourvu, l’employeur doit se préparer à communiquer sur le sujet, et ce quelles que soient les décisions prises.

Quels leviers actionner au-delà de la seule augmentation ?
L. C. : La palette de mesures est large. Un employeur peut octroyer une prime ponctuelle ou accorder une avance sur salaire. Le compte épargne-temps, qui permet de transformer du temps en argent, se généralise. La part variable est un levier intéressant, à condition que les critères déclenchant ou non son attribution soient justes et mesurables, afin d’éviter tout risque de conflit et de litige. La variable ne concerne pas seulement la fonction commerciale, mais aussi des cadres dans la finance ou la comptabilité. Pour ce type de profils, elle est conditionnée à la réalisation d’objectifs ou à la mise en place de projets. Par ailleurs, une entreprise peut proposer des indemnités transports au-delà du minimum légal ou des alternatives à la voiture, comme des abonnements à des offres de vélo en libre-service. Les services à domicile, comme la garde d’enfant, sont également appréciés. Comme nous sommes dans la période des fêtes, l’employeur peut, à travers le CE, donner des bons d’achat ou de réduction dans certaines enseignes. Ces dispositifs mettent toutefois du temps à se mettre en place. L’employeur doit s’assurer qu’ils répondent vraiment aux attentes de ses salariés en demandant leur avis par sondage. La nature de ces demandes peut, en effet, rapidement évoluer. L’inflation n’était, par exemple, pas un sujet l’an dernier.

Le télétravail peut-il peser dans la balance ?
L. C. : Tout à fait. Selon le guide des salaires Robert Half 2023, 34 % des dirigeants français perçoivent la flexibilité comme le vecteur de rétention des salariés le plus efficace. C’est aussi un levier d’attractivité. 36 % d’entre eux affirment promouvoir les possibilités de travail à distance et flexible dans les offres d’emploi pour attirer les candidats. De fait, la question du télétravail est systématiquement posée en entretien et devient un critère rédhibitoire. Le candidat demande non seulement combien de jours sont télétravaillés, mais aussi s’il aura la possibilité de les choisir. Outre un meilleur équilibre vie personnelle-vie professionnelle, le travail à distance participe au maintien du pouvoir d’achat en économisant sur le carburant. L’entreprise peut aussi octroyer une prime pour l’achat de l’équipement, puis verser un complément de salaire pour couvrir les frais occasionnés.

Étude : UN LARGE ÉVENTAIL DE MESURES POUR SOUTENIR LE POUVOIR D’ACHAT

Pour son guide des salaires 2023, le cabinet Robert Half a interrogé quelque 300 dirigeants français. Si la grande majorité des sondés déclarent prévoir des augmentations salariales en 2022, les approches diffèrent. 32 % prévoient une augmentation forfaitaire en pourcentage non alignée sur l’inflation, par exemple 3 % pour tous les collaborateurs. 20 % envisagent plutôt une prime exceptionnelle pour tous les collaborateurs. Parmi les mesures avancées pour maintenir le pouvoir d’achat de leurs salariés, les dirigeants français citent, par ordre de priorité, les primes ponctuelles (40 %), la mise en place d’un compte épargne temps (34 %), l’avance sur salaires (34 %), l’extension du télétravail pour réduire les frais de transport (34 %), la subvention des repas des collaborateurs pris sur le lieu de travail (33 %), une hausse continue des salaires (32 %) et une hausse temporaire des salaires (27 %).