La DRH, en première ligne face au coronavirus

La DRH, en première ligne face au coronavirus

Confrontée à une crise sanitaire sans précédent, la fonction RH doit à la fois assurer la protection des salariés et maintenir l’activité tout en respectant, bien sûr, le droit du travail

Confinement, mesures barrières, gel hydroalcoolique… Ces termes jusqu’alors peu usités nous sont devenus particulièrement familiers en l’espace de quelques jours. Ils scandent notre vie privée comme professionnelle. Tout comme les parents confinés avec leurs enfants, l’employeur doit se comporter en bon père de famille. L’article L4121-1 du Code du travail lui rappelle qu’il doit prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité et à protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Dans le même temps, une entreprise doit faire preuve de résilience et assurer a minima une continuité d’activité afin de ne pas mettre la clé sous la porte.

En première ligne sur le front, la DRH doit concilier ces deux injonctions, parfois contradictoires. Dans la crise sanitaire actuelle, elle doit à la fois répondre aux risques de contamination au sein de l’entreprise, à la possible désorganisation de son fonctionnement, et aux interrogations des salariés eux-mêmes, surinformés par les chaînes TV d’information en continu et par les réseaux sociaux.

Pour prendre l’information à la source, il est conseillé de consulter la foire aux questions-réponses (FAQ) qu’actualise régulièrement le ministère du Travail sur son site. Il détaille les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement depuis le début de l’épidémie du coronavirus et délivre des recommandations aux entreprises. Le droit du travail a été particulièrement assoupli dans les secteurs dits « essentiels », dont fait partie l’agroalimentaire. En vertu de l’ordonnance publiée le 25 mars, un salarié peut travailler jusqu’à un maximum de 60 heures de semaine. Le repos minimum entre deux journées de travail a été ramené de 11 à 9 heures. Par ailleurs, un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser un employeur à imposer ou à modifier, sous préavis d’un jour seulement, les journées de repos acquises dans la limite de dix jours. Enfin, le recours au travail le dimanche est facilité. Un assouplissement bienvenu dans l’industrie agroalimentaire qui ne se prête guère au télétravail. Alors que, selon l’Insee, l’économie française ne tourne plus qu’à 65 % de sa capacité habituelle, la baisse d’activité n’est que de 4 % dans ce secteur. Selon le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, il manque même actuellement 200 000 emplois directs. Ce dernier invite donc les salariés au chômage partiel à apporter leur aide à la profession. Cet accueil nécessite toutefois la prise de mesures préventives : masque, lavage des mains, nettoyage des bureaux et outils de travail… Au-delà des mesures barrières, l’employeur peut imposer des règles de sécurité, par simples notes de service.

Des outils gratuits pour le télétravail

En ce qui concerne les métiers se prêtant au télétravail, l’employeur est tenu de fournir tous les outils et moyens nécessaires pour permettre à ses employés de travailler à distance. C’est évidemment plus facile pour les organisations qui ont déjà institué le télétravail, une fois ou deux par semaine, et passé un accord collectif. Pour aider les entreprises à s’outiller, un grand nombre d’éditeurs spécialisés dans le travail collaboratif ont répondu à l’appel du 10 mars du secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O., et proposent gracieusement leurs solutions pendant la durée de la pandémie. Syndicat professionnel des entreprises du numérique, Syntec Numérique les a recensés en ligne à cette adresse : covidsyntecnumerique.fr Dans cette liste particulièrement longue, on trouve des solutions de visioconférence et de communication unifiées (Lifesize, Zoom, Webex, RingCentral, Lumapps, AlloCloud), de réunion en ligne (Klaxoon, Sparkup), de réseau social d’entreprise (Jamespot, Netframe, Whaller), de gestion de projet (Wimi, Atolia) ou de transfert de fichiers volumineux (Meero). Les géants du numérique ne sont pas en reste. Google donne un accès gratuit à son service de vidéoconférence Hangouts Meet. Microsoft prolonge, lui, la version d’essai d’Office 365 E1 pour une durée de six mois. Les indépendants et les TPE peuvent, quant à eux, utiliser la version gratuite de Teams, une plateforme de travail collaboratif, et ce sans limite de temps.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2935)

Avis d’expert : « LA DRH DOIT GÉRER LA PÉRIODE DE LA FAÇON LA PLUS HUMAINE POSSIBLE »

Viviane Stulz, avocat spécialiste en droit social, associée, membre de 5QB Avocats Quelles mesures prendre pour les employés non éligibles au télétravail ?
L’employeur rappellera les mesures barrières. Le respect d’une distance d’un mètre entre les salariés peut être difficile à mettre en oeuvre en open space, mais c’est absolument essentiel. Cette distanciation s’applique aussi dans le restaurant d’entreprise ou au sein de la cafétéria. Afin d’éviter que des employés ne se croisent dans les couloirs et dans les espaces communs, il faut organiser le travail et lisser l’activité pour limiter la concentration d’individus à certaines heures.

En matière de droit du travail, quelles sont les dérogations possibles ?
Le Gouvernement a très largement encouragé la prise de congés et de RTT, si possible avant d’avoir recours à l’activité partielle (chômage partiel). En revanche, il n’a pas prononcé d’interdiction de licenciement. Les procédures de licenciement en cours peuvent se poursuivre. Si un licenciement pour faute suite, par exemple, à un vol de matériel peut être un motif recevable, le motif économique l’est moins dans le contexte actuel. Les mesures de reclassement ne pourraient pas s’effectuer, la plupart des instituts de formation étant fermés. Le salarié licencié n’aurait donc pas toute la plénitude pour retrouver un emploi, surtout ceux qui bénéficient d’un congé de reclassement si celui-ci est limité aux quatre mois minimum et dont au moins deux mois placés en confinement. Par ailleurs, il y a le droit de retrait. Si l’employeur a l’obligation de protéger la santé du salarié, ce dernier a aussi le devoir de protéger la sienne et celle des autres. Il peut exercer ce droit de retrait en le justifiant. En cas de refus de l’employeur et d’une procédure en contentieux, je n’imagine pas les tribunaux, dans la situation actuelle, donner tort au salarié.

Que doit faire une DRH à plus long terme ?
Face à l’urgence, la DRH est actuellement polarisée sur les mesures à prendre au jour le jour. Elle doit néanmoins déjà réfléchir à l’après confinement. Comment se passera le retour en entreprise, après deux mois a minima de confinement ? Comment retrouver le rythme ? Faudra-t-il tester tout le monde ? La période est anxiogène pour tout le monde, et la DRH doit la gérer de la façon la plus humaine possible.