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La filière lait recrute
Coop de France Métiers du lait réunit 240 coopératives ou groupes coopératifs, emploie plus de 21 100 salariés en France et recrute régulièrement. Renforcer l’attractivité des métiers au sein des coopératives laitières fait partie, avec le renouvellement des générations des éleveurs, des grands défis à relever pour demain, comme nous l’explique Damien Lacombe, président de Coop de France Métiers du lait.
Pouvez-vous nous présenter Coop de France Métiers du lait ?
Damien Lacombe : Nous représentons 40 groupes coopératifs et près de 200 coopératives fruitières, de toutes tailles, dont l’activité va de la collecte de lait jusqu’à la transformation en produits laitiers (yaourt, beurre, fromage…) pour certaines. Elles collectent et valorisent le lait produit par leurs 52 500 associés coopérateurs. La coopération laitière représente 55 % du lait produit et collecté sur le territoire français, et 45 % du lait transformé : elle a ainsi collecté 13,4 milliards de litres de lait, pour un chiffre d’affaires de 11,5 milliards d’euros en 2018. Le poids de la coopération est important au sein de la filière lait française. Plus de 50 % des producteurs de lait en France sont les associés d’une coopérative
Quels sont les métiers du lait ?
D. L. :Plus de 60 métiers sont liés à la filière laitière et sont souvent méconnus. Dans notre filière, les métiers sont très diversifiés : il y a bien sûr tous ceux liés à la production et à la transformation du lait, mais aussi ceux liés à la logistique, aux ressources humaines, à la RSE, au marketing, au digital, etc. Dans la plupart des coopératives laitières, les activités vont de la collecte à la vente : on fait le lien entre l’agriculteur et le consommateur final, cela donne toute une panoplie de profils d’emploi très différents, allant du bac pro au niveau ingénieur.
Comment se porte l’emploi, avez-vous des difficultés de recrutement sur certains profils ?
D. L. : D’après notre baromètre économique – enquête effectuée chaque année auprès de nos adhérents – la filière lait au sein de Coop de France Métiers du lait emploie plus de 21 100 salariés. Les métiers y sont très diversifiés : au sein des exploitations agricoles, jusque dans les usines de transformation du lait, en passant par ceux liés à la collecte. La filière embauche : selon les données du Cniel, chaque année, 3 000 personnes sont recrutées en CDI dans la transformation laitière. 15 % des offres d’emploi demeurent cependant non pourvues, avec un délai de recrutement qui peut atteindre douze mois. Nous constatons notamment des difficultés aux postes techniques comme ceux de conducteur de machines, de conducteur de ligne, de technicien de maintenance, de pilote d’installation automatisée, ou aux postes d’encadrement opérationnel des équipes. Ces difficultés se ressentent également au niveau des emplois de chauffeur-collecteur de lait. Les raisons sont multiples : méconnaissance de l’existence de ces métiers, manque de visibilité de nos structures, mais aussi certaines contraintes horaires. Un chauffeur collecteur a en effet un emploi du temps particulier, et la plupart des ateliers de transformation fonctionnent en 3/8.
Comment améliorer l’attractivité de vos métiers pour les jeunes ?
D. L. : Nous travaillons à renforcer l’attractivité des métiers au sein des coopératives laitières. Nous allons communiquer sur les aspects positifs de nos métiers. Car oui, certains d’entre eux ont des contraintes, les usines tournent en 3/8 et un chauffeur collecteur de lait a des horaires particuliers. Mais les contraintes sont très largement compensées : toutes les personnes qui travaillent dans nos structures sont passionnées. Lors de nos journées laitières, qui se sont tenues les 17 et 18 avril 2019, nous avons fait témoigner de nouveaux venus dans la filière. Pour un certain nombre de jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi, une coopérative représente des valeurs, et y travailler a du sens. Dans un monde de plus en plus globalisé, les coopératives possèdent un véritable ancrage territorial, c’est un point qui a de l’importance. La filière lait française a un visage humain ; contrairement à l’image véhiculée par certains médias, la ferme laitière moyenne en France compte 62 vaches laitières. Nous sommes très loin du modèle allemand ou américain.
Quels sont actuellement les enjeux prioritaires pour la filière ?
D. L. : Les coopératives laitières ont deux priorités : le renouvellement des générations chez les agriculteurs, et l’attractivité des métiers dans nos structures. Une enquête menée récemment montre qu’en France, 42 % des éleveurs laitiers ont plus de 50 ans.
Les fermes laitières françaises connaissent une mutation sociale sans précédent. D’ici cinq ans, un litre de lait sur deux aura changé de main. Il est nécessaire de préparer ce changement de génération, d’accompagner les installations de jeunes éleveurs. La filière lait est l’une des plus contraignantes en matière d’horaires et nécessite une présence permanente. Les jeunes agriculteurs ont des attentes très différentes de leurs aînés et des aspirations sociales fortes. Ils sont en recherche d’un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Nous les accompagnons sur ces aspects en mettant en avant les meilleures façons de s’organiser et de concilier vie familiale et vie de l’exploitation : que ce soit par une installation en Gaec, par l’emploi à temps partagé d’un salarié, ou par l’utilisation de nouvelles techniques comme le robot de traite. Nous cherchons également à renforcer l’implication des jeunes dans la gouvernance des coopératives. Nous avons d’ailleurs signé une charte en ce sens avec les Jeunes Agriculteurs (JA), lors du dernier Salon de l’agriculture, visant à mieux accueillir les jeunes éleveurs au sein des coopératives agricoles, et à augmenter leur investissement et la prise de responsabilités dans les coopératives. Cela se fait à travers le développement d’outils de gestion de la volatilité du prix du lait, par exemple.
—— Propose recueillis par Emmanuelle THOMAS (Tribune Verte 2919)