La parole à deux recruteurs
Dans les domaines de l’enseignement et de l’animation, que recherchent les recruteurs ? Quelles compétences et qualités attendent-ils de leurs futurs salariés ? Comment voient-ils évoluer leurs métiers ? Rencontres avec un directeur d’établissement public et un chef de service au sein d’une chambre régionale d’agriculture.
Boris Szempruch, directeur de l’Eplefpa de Vienne : « NOUS RECRUTONS RÉGULIÈREMENT DES ENSEIGNANTS »
L’Eplefpa de Vienne (Isère) est constitué d’un lycée pour la formation initiale scolaire et d’un CFPPA pour la formation continue et l’apprentissage. L’établissement public est spécialisé dans les métiers de l’environnement, de l’aménagement et de la gestion des eaux. Les lycéens peuvent préparer un bac professionnel ou technologique, et les étudiants suivre deux BTSA et trois licences professionnelles en alternance. Au total, environ 350 apprenants sont accueillis tous les ans. « L’équipe pédagogique est composée de 26 enseignants, de six formateurs et d’une soixantaine d’intervenants vacataires. Les enseignants forment les lycéens ainsi que les étudiants en BTSA et en licence professionnelle. Certains d’entre eux enseignent les matières générales (mathématiques…) et d’autres les matières spécialisées qui sont réparties entre trois pôles : l’aménagement naturel (AN), l’agroéquipement (AE) et les sciences et techniques hydrauliques. Dans l’AN, par exemple, les enseignants amènent les jeunes à acquérir des gestes professionnels et des techniques de chantier. Ils doivent avoir aussi bien des compétences techniques et didactiques, pour transmettre les aspects de sécurité, que des compétences en écologie pour la phase diagnostic et projets. Les formateurs sont, quant à eux, des salariés du CFPPA. Ils proposent les cours, suivent les alternants et font le lien avec les tuteurs et les maîtres d’apprentissage. Ils partent souvent des situations vécues par les apprenants pour amener la théorie et les concepts. Comme les enseignants, ils doivent être en capacité de proposer des projets concrets en lien avec les entreprises et les partenaires du territoire. Les enseignants sont recrutés par des concours de la fonction publique qui ont lieu tous les deux ou trois ans. Nous avons également des postes d’agents contractuels, ils sont nommés par le ministère de l’Agriculture. En cas d’absence de nomination, nous faisons des propositions de recrutement au ministère, ce qui est régulièrement le cas. Au bout de trois ans, ces agents contractuels peuvent passer un concours en interne pour devenir fonctionnaires. Les formateurs sont recrutés, quant à eux, directement par l’établissement. Pour les profils techniques, nous recrutons généralement des personnes avec de l’expérience professionnelle, mais aussi des sortants d’écoles d’ingénieurs et des personnes de bureaux d’études. Ces personnes doivent être dynamiques dans la manière de transmettre leurs connaissances, avoir de bonnes capacités d’expression et savoir mesurer les attentes aux examens et du monde professionnel. Dans les pôles aménagement et hydraulique, nous devons recruter régulièrement des enseignants. En AE et hydraulique, les postes de titulaire sont non pourvus depuis six ans ! Le différentiel des salaires à l’entrée dans la fonction publique peut être un frein, mais nos métiers offrent beaucoup d’avantages : les conditions de fonction avec un rythme de travail adapté, la possibilité d’innover avec la mise en place de projets, l’utilisation d’outils numériques… À l’avenir, avec la réforme de la formation professionnelle, les enseignants et les formateurs vont devoir s’adapter davantage aux différents publics présents dans nos formations, avec des groupes plus mixtes. Ils devront être plus dans l’individualisation. C’est ce qui fait aussi la richesse de nos métiers ! »
Jean-François Ponsot, chef de service appui au développement économique des filières au sein de la CRA Aura « L’animateur doit être dans un esprit de co-construction »
Le service appui au développement économique des filières de la chambre régionale d’agriculture (CRA) Auvergne - Rhône-Alpes (Aura), basée à Lyon, s’organise autour d’un comité d’orientation régional de l’élevage (Corel) réunissant neuf comités de filière (bovins lait, ovins, équins…) et d’un comité d’orientation régional des productions végétales (CorPV) regroupant cinq comités de filière (grandes cultures, arboriculture…). Douze salariés travaillent au sein de ce service, dont neuf chargés de mission et deux assistantes. « Un comité de filière représente l’ensemble des acteurs d’une filière partant de l’amont à l’aval. Dans chaque filière, notre mission est de mettre en réseau ses acteurs et de faire émerger des projets jusqu’à leur financement. Nous ne sommes pas là pour gérer les projets, qui sont portés par certains acteurs dans le cadre d’une convention. Nous partageons des états des lieux, nous réfléchissons à des stratégies, puis nous mettrons en place des actions ainsi que des moyens humains et financiers. Nous travaillons sur des sujets qui sont spécifiques aux filières ou qui sont transversaux, comme la R & D, le renouvellement des générations ou encore l’agriculture biologique (AB) en filière longue. Un chargé de mission — aussi appelé animateur — est affecté à une ou deux filières ou à une action transversale. L’animateur est tenu d’être dans un esprit de co-construction avec les acteurs, il doit avoir une vision macro-économique avec comme objectif de dégager de la valeur. Sa principale qualité est l’écoute auprès des acteurs du comité de filière et de l’extérieur. En effet, pour apporter des éléments de construction, il doit être en veille sur les sujets, bien connaître les grandes tendances d’évolution d’une filière. Pour cela, il travaille dans une perspective de trois à cinq ans. Il est également en charge de l’ingénierie financière : il doit trouver la manière de financer les projets, pour in fine, conclure des conventions. Il maîtrise la dynamique en mode projet et doit avoir l’esprit de synthèse pour rédiger de nombreux documents. Ce poste est également politique. Il doit être capable de bien travailler en interface avec un élu référent de la CRA, avec lequel il construit le programme du comité qu’il anime. Selon ses capacités et le groupe d’acteurs, les sujets traités sont sans fin. Sur un noyau d’actions mises en place, le comité peut s’approprier des sujets sur le bien-être animal, la contractualisation… Avec la fusion des régions, nous avons eu un redéploiement des compétences au sein du service : ces derniers mois, nous avons donc recruté plusieurs chargés de mission. Par rapport à il y a quatre ou cinq ans, le marché de l’emploi a évolué, et nous devons être plus attractifs auprès des profils qui nous intéressent. Nous recherchons des jeunes ingénieurs agri/agro avec de l’expérience, surtout dans l’animation d’acteurs professionnels. C’est un indicateur important. Ils peuvent également avoir de l’expérience dans la gestion de conventions, de relations avec les services de l’État… Connaître la filière est un avantage, car la personne connaît ses différents acteurs. Récemment, nous avons recruté une personne venant du syndicalisme et une autre venant de l’aval de la filière dont elle prend en charge le comité. Pour les postes d’animateur, le recrutement est un enjeu important. Sinon, il peut y avoir une remise en question et une perte de confiance des acteurs. »