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Le bambou français, une alternative au pétrole et un puits de carbone
Depuis 2022, Horizom implante une culture très répandue en Asie : le bambou. Cette plante robuste pousse rapidement et offre de nombreux débouchés en matière de biomatériau, biochimie et bioénergie. L’entreprise accompagne les agriculteurs de la mise en place de la culture jusqu’à la valorisation.
«Afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, nous devons à la fois réduire nos émissions et absorber le carbone », annonce Dimitri Guyot, cofondateur et directeur technique d’Horizom. Créée début 2022, cette société ambitionne de développer la filière du bambou en France. En effet, la biomasse végétale pourrait remplacer les énergies fossiles et répondre aux conditions de neutralité carbone. Le bambou, contrairement aux forêts, a l’avantage de pousser rapidement et de produire un bois similaire au bois d’arbre.
Pour développer la culture de bambou en France, Horizom accompagne les agriculteurs souhaitant diversifier leurs cultures dans le choix des variétés et le suivi technique. Le bambou est une plante robuste et adaptable à tout type de sol, donc partout en France, sauf sur des terrains régulièrement inondés. Afin de fournir les agriculteurs en plants, la jeune entreprise a développé sa propre pépinière dans les Landes. « Pour le moment, 32 ha de bambou sont implantés dont 10 ha servent de parcelles pilotes pour tester l’itinéraire technique et les variétés, précise Dimitri Guyot. Pour la prochaine plantation, en automne 2024, nous avons 300 ha en projet. »
30 t de MS/ha/an
Le bambou se plante à l’automne, à une densité de 400 plants par hectare. Les pousses sortent du sol au printemps et s’étalent d’une année sur l’autre. Au bout de cinq ans, la parcelle se retrouve presque entièrement couverte de bambous, avec des plants pouvant atteindre entre 5 et 10 m de haut selon les variétés : c’est le moment de récolter ! Les parcelles déjà implantées par Horizom devront attendre encore quelques années avant d’être récoltées. Seul un tiers de la parcelle est récolté chaque année pour permettre au bambou de se régénérer. Au total, les agriculteurs peuvent espérer un rendement de 30 tonnes de matière sèche (MS) par hectare et par an, ce qui constitue un revenu net de 2 500 €/ha/an.
Horizom établit des contrats de valorisation avec ses producteurs afin de proposer un revenu minimum garanti par hectare et un prix plancher. « L’agriculteur perçoit un revenu annuel quoi qu’il arrive, qui ne dépend ni du volume de la récolte, ni du prix de vente du bambou », précise Dimitri Guyot. Pour se rémunérer, Horizom prélève une commission et reverse aux agriculteurs la différence entre le revenu minimum garanti et le prix de vente obtenu avec les industriels. « Il s’agit d’un mécanisme de partage de la valeur que nous trouvons équitable », ajoute le directeur technique. Ensuite, le bambou se valorise de deux façons : en biomasse et en crédits carbone. Côté biomasse, le bambou broyé à la récolte sous forme de plaquettes se destine au biomatériau, à la biochimie ou à la bioénergie. Côté crédits carbone, les revenus pour l’agriculteur représentent 7 000 €/ha pour l’ensemble d’un projet.
De nombreux débouchés
Isolant en fibres de bambou, biocarburant ou encore combustible sous forme de pellets, le bambou offre de nombreux débouchés qui intéressent les industriels français. « Nous échangeons et contractualisons dès maintenant avec les industriels pour fabriquer des petits échantillons et rassurer les agriculteurs sur le développement de la filière, explique Dimitri Guyot. Nous réalisons aussi de la recherche avec des laboratoires publics pour élaborer des débouchés. » Largement cultivé en Asie, le bambou a une filière déjà très structurée dans cette région du monde, avec une avance considérable sur les débouchés. « Techniquement, il n’y a aucun verrou à débloquer en France, appuie le directeur technique d’Horizom. Il s’agit surtout d’un enjeu de transfert, presque culturel, pour convertir les industriels français à cette biomasse. » De façon plus large, Horizom participe à la construction d’une filière qui n’existe pas encore en France et pour laquelle il n’y a aucune formation spécialisée, que ce soit sur sa culture ou sa valorisation.
— Amélie DI BELLA (Tribune Verte 3040)