« Le manager doit créer du lien et du ciment social »

« Le manager doit créer du lien et du ciment social »

Consultant depuis plus de vingt-cinq ans, Bertrand Samson est directeur associé chez Oasys Mobilisation, un cabinet de conseil et de formation en management. Il y dirige l’Observatoire du management, véritable baromètre de l’engagement et des pratiques managériales, et revient pour nous sur les missions des managers et sur leurs besoins en matière de formation.

Comment définiriez-vous ce qu’est un manager, aujourd’hui, en 2020 ?
Bertrand Samson : Je dirais que c’est avant tout une personne capable de trouver, en cohésion avec son équipe, le juste équilibre entre l’ordre et la vie. Quand il y a trop d’ordres, nous tendons vers des systèmes dictatoriaux, et la vie en souffre. Au contraire, quand il n’y en a pas assez, nous nous dirigeons doucement vers l’anarchie et, là encore, la vie en pâtit. Le rôle du manager est donc de trouver ce savant équilibre. Prenons un exemple concret : un manager est amené à organiser une réunion. Il doit y instaurer un minimum d’ordres en précisant l’horaire, l’ordre du jour, le déroulé… Mais il doit aussi y apporter de la vie en laissant, au cours de cette réunion, des moments afin que ses collaborateurs puissent s’exprimer, échanger…

Afin de compléter cette première définition, je préciserai qu’un manager est aussi une personne reconnue pour son expertise dans un domaine technique. Cependant, l’erreur a été longtemps de croire que cette seule expertise était suffisante à asseoir sa légitimité. Cela était peut-être concevable il y a trente ans, à une époque on ne parlait pas forcément de manager mais plutôt de chef. Cette dénomination résume à elle seule ce qu’était le rapport à l’autorité à cette époque. Aujourd’hui, si le manager doit toujours faire preuve d’expertise, il doit aussi mobiliser d’autres qualités – humaines, de l’écoute, de la bienveillance (au sens de celui qui veille au bien des gens)… Enfin, j’ajouterais qu’un manager doit être capable d’apporter de l’autonomie à ses équipes et de faire confiance à ses collaborateurs. La période que nous avons traversée et dont nous commençons tout juste à sortir a d’ailleurs été très éclairante sur ce point. De nombreux responsables ont été contraints de manager à distance. Alors qu’avant la crise, ils contribuaient beaucoup au respect des process en contrôlant l’atteinte des objectifs, ils ont dû être plus souples et laisser aux collaborateurs davantage de libertés pour prendre des initiatives. Et il s’est avéré que les résultats ont été plutôt positifs dans ces cas de figure ! Pour en revenir à ma première définition, ceux là ont su amener de la liberté, donc de la vie, là où il y avait déjà de nombreux ordres imposés (respect des gestes barrières, distanciation sociale…).

Vous dirigez l’Observatoire du management chez Oasys Mobilisation. D’après vos résultats, quelles sont les préoccupations principales du manager aujourd’hui ?
B. S. : Le sujet qui revient en tête est la gestion du temps. Il faut oublier l’image du manager isolé dans sa tour d’ivoire et occupé à analyser des indicateurs. Le manager est un coproducteur de la performance. Il a son travail à faire en plus de ses activités de management et fait souvent face à un manque de temps pour mener à bien toutes ses missions. La seconde préoccupation est le poids croissant des process au sein de l’organisation. Les managers ont l’impression d’avoir de moins en moins la mainmise sur les procédures, qui leur paraissent parfois contre-productives.

Enfin, la gestion de l’humain reste également une problématique récurrente. Le rôle du manager est aussi de développer chez ses collaborateurs le sentiment d’appartenance à une équipe. C’est un travail de longue haleine passant souvent par des choses informelles, mais qui est indispensable. Le manager est là pour créer du lien et du ciment social.

Avons-nous tous des compétences innées pour être un bon manager ? Et si non, est-il envisageable de nous former au management ?
B. S. : Certains ont, je ne dirais pas un talent, mais plutôt une envie, un goût pour les relations humaines. Mais que les personnes plus introverties se rassurent ! Il est tout à fait possible de se former à ces compétences relationnelles, appelées aujourd’hui communément « soft skills ». Pour cela, il est envisageable de passer par la formation. Les méthodes ont beaucoup évolué, avec moins d’apport de contenus théoriques et plus de participatif, de coopératif. La formation a également gagné en modularité : grâce au développement des outils numériques, nous pouvons désormais suivre des formations en distanciel avec des rythmes plus adaptés à ce public. Les managers sont également nombreux à solliciter des actions de coaching, que l’on pourrait comparer à une formation personnalisée et individualisée permettant de se concentrer sur une problématique spécifique. Enfin, nous voyons se déployer les ateliers de codéveloppement, qui sont bien adaptés aux attentes des managers. Cette méthode de travail a été développée dans les années 1980 par deux consultants canadiens, Claude Champagne et Adrien Payette, qui la définissent ainsi : « Le groupe de codéveloppement professionnel est une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée, individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation portant sur des problématiques vécues actuellement par les participants… »

Prenons le cas d’un conseiller bancaire qui, reconnu pour ses capacités commerciales, est promu directeur d’agence. Il est possible qu’il se pose des questions sur ses relations avec ses anciens collègues. Dans le cadre d’un atelier de codéveloppement, il pourra échanger avec d’autres directeurs d’agence ayant connu un parcours identique et pourra ainsi se nourrir de leurs expériences.

Cela veut dire que les formations spécifiques au management doivent se réaliser avant ou après la prise de poste mais pas en amont, par exemple, durant les études ?
B. S. : Il est vrai que le management se vit davantage dans la pratique que dans les livres. Pour autant, il existe de plus en plus de sensibilisation au management, notamment au sein des écoles de commerce. Cependant, nous pourrions très bien imaginer développer cela dans des cursus universitaires ou d’ingénieurs à dominante plus scientifique. Je pense qu’il serait intéressant de mettre en place une acculturation au management afin de faire découvrir aux étudiants la manière dont les pratiques ont évolué au cours des dernières années. Et pourquoi ne pas faire intervenir des anciens étudiants qui pourraient expliquer comment ils se sont adaptés à leur poste de manager ?

—— Propos recueillis par Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 2938)

Mylène Gabaret, directrice de l’APECITA « L’APECITA EST DANS UNE VOLONTÉ D’ACCOMPAGNEMENT ET DE FORMATION »

Au contact permanent des entreprises et des candidats durant le processus de recrutement, l’APECITA a identifié de nouveaux besoins émergents : accompagner et former les managers dans leur prise de poste. Mylène Gabaret, sa directrice, nous explique comment et pourquoi l’association a développé ces nouveaux services.

« En tant que spécialiste de l’emploi en agriculture, en agroalimentaire et en environnement, l’APECITA accompagne depuis toujours les employeurs tout au long du processus de recrutement. Loin de se limiter à la seule diffusion d’offres d’emploi, nous sommes en capacité d’intervenir de l’analyse de poste jusqu’à l’entretien final, soit sur l’ensemble de la chaîne, soit de manière ponctuelle sur les différentes étapes. Contrairement à un cabinet de recrutement qui gère seul le processus jusqu’à présenter une liste finale de candidats, nous sommes davantage dans une volonté d’accompagnement et de formation du recruteur. C’est dans cette posture que nous insistons souvent sur l’importance de l’accompagnement du nouveau salarié lors de sa prise de fonction. C’est d’ailleurs à force d’échanges et d’expériences que nous avons identifié deux nouveaux besoins émergents : accompagner et former les nouveaux managers. Dans nos filières, les personnes amenées à manager ont souvent un bagage technique, mais pas forcément les clés pour manager une équipe. Ils sont aussi confrontés à un monde qui change et à de nouvelles générations qui n’ont pas les mêmes attentes et qui semblent plus à l’aise avec un management agile.

Nos conseillers sont aujourd’hui formés pour accompagner ces nouveaux managers, de manière dynamique et participative, comme vous pourrez le découvrir dans la suite de ce dossier, avec un récent exemple de formations mises en place spécialement pour la MSA. »