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« Le métier de bûcheron a longtemps été dévalorisé »

« Le métier de bûcheron a longtemps été dévalorisé »

En plein coeur de la Corrèze, à Argentat, Philippe Parlant emploie treize salariés dans sa société forestière Parlant Forest Exploitation. Pour ce chef d’entreprise, le recrutement devient de plus en plus compliqué au fil des années.

L’entreprise Parlant Forest Exploitation rayonne sur la Corrèze essentiellement, mais aussi sur le Cantal, la Haute-Vienne et le Lot. « Grâce à nos trois abatteuses et à nos trois débardeuses, nous sommes en mesure d’intervenir sur un secteur assez large, détaille Philippe Parlant. Nous nous concentrons essentiellement sur la Corrèze, notre département d’origine, mais nous pouvons ponctuellement avoir des chantiers sur les départements limitrophes, ce n’est pas un problème. L’exploitation de feuillus représente 70 % de notre travail environ, contre 30 % seulement pour le résineux. Nos clients sont essentiellement des papeteries ou des scieries, ainsi que des usines de fabrication de panneaux. Mais il y a huit ans, nous avons investi dans une déchiqueteuse de bois pour valoriser l’ensemble de l’arbre. Nous travaillons donc depuis avec des chaufferies pour les livrer en plaquettes de bois. »

Un parc matériel assez large

Pour satisfaire tous ses clients, Philippe Parlant n’a pas hésité à investir dans du matériel : « Si je devais couper manuellement le même volume de bois que je fais aujourd’hui, il me faudrait plus d’une trentaine de bûcherons dans les bois, avec leur tronçonneuse, explique en rigolant le dirigeant. Ce n’est juste plus possible ! Ce genre de personnel devient introuvable. J’ai un seul gars qui intervient de cette façon. Pour abattre le bois en forêt, je peux m’appuyer sur trois abatteuses. Chacune de ces machines coûte environ 500 000 euros hors taxe et réalise près de 1 400 heures par an. Grâce à ce volume horaire important, j’amortis mes machines sur sept ans. » Comme leur nom l’indique, les abatteuses sont chargées d’abattre les arbres, d’ébrancher, d’écorcer et de couper des grumes à la longueur voulue, selon le débouché. Elles sont suivies dans les bois par des débardeuses, qui vont sortir les grumes du bois, situées souvent en bordure de route ou de piste, là où les camions pourront les reprendre facilement, pour les emmener sur des quais de chargement, spécialement conçus.

Difficile de trouver des chauffeurs formés

« Les abatteuses comme les débardeuses sont des machines coûteuses, qui nécessitent une prise en main particulière ! Et, malheureusement, peu d’écoles en France forment à la conduite de ce genre d’engin. Nous avons un lycée forestier en Corrèze à Meymac, qui vient d’ouvrir une classe “conduite d’engin forestier”. Et un CFPPA qui forme des chômeurs en fin de droits, qui voient là une opportunité de réaliser une formation rémunérée pendant neuf mois. À la fin du cursus, seulement un très faible pourcentage arrive réellement sur le marché de l’emploi. C’est vraiment regrettable ! Mais quelque part, nous payons nos erreurs d’il y a plusieurs années. Le métier de bûcheron a longtemps été dévalorisé. C’était fait pour des hommes rustres, vivant au milieu des bois. Alors qu’il n’y a qu’à monter dans nos abatteuses ou débardeuses aujourd’hui pour voir que nos machines sont à la pointe de la technologie. Être bûcheron aujourd’hui, ce n’est plus fatigant comme autrefois. La mécanisation a vraiment fait entrer nos métiers dans une nouvelle ère. Les lycées commencent à comprendre cela, et s’intéressent à nos différents métiers pour ouvrir de nouvelles sections. Mais cela prendra du temps à se mettre en place. »

Une flotte de six camions

Une fois le bois abattu et entassé au bord d’une piste, l’heure est venue de le livrer à la clientèle. Pour cela, l’entreprise Parlant Forest Exploitation peut s’appuyer sur quatre semis, un porteur et un camion six roues. « Nous avons un premier porteur forestier qui reçoit la déchiqueteuse de bois, pour réaliser les plaquettes. Puis nous avons quatre semi-remorques. Le premier ensemble reçoit un porte-engin pour déplacer les engins forestiers d’un chantier à l’autre. Le deuxième ensemble ne fait que du fond mouvant, pour livrer les chaufferies en plaquettes. Un troisième ensemble reçoit une remorque grumières, pour alimenter les scieries ou les papeteries. Enfin, un quatrième ensemble fait la moitié du temps du fond mouvant, et l’autre moitié du temps des grumes, selon les chantiers. Puis, nous avons un camion six roues, pour faire différents travaux. Pour finir de compléter le parc matériel, nous possédons deux pelles pour créer des pistes ou des dépôts sur certains chantiers, ou remettre en état des pistes après notre départ. » Pour mener l’ensemble de cette flotte, Philippe Parlant peut s’appuyer sur treize salariés. « Environ neuf personnes sont constamment sur le terrain. J’ai toujours une personne qui reste au bureau, pour gérer les tâches administratives, et j’ai un mécanicien à mi-temps également. Cette équipe est présente toute l’année. Ponctuellement, il serait intéressant de recruter des saisonniers pour accompagner une montée en production, mais cela reste très compliqué de trouver à la fois des gens motivés et compétents. Malgré du matériel récent et plutôt haut de gamme, j’ai même des difficultés à recruter des chauffeurs pour l’ensemble de mes véhicules ! Au total, seulement un ou deux de mes salariés sont issus d’une formation forestière. Tous les autres viennent de différents horizons. J’ai même un salarié qui était dans une casse automobile avant d’arriver chez moi. Ils ont pour la plupart appris leur métier au sein de l’entreprise. Non seulement cela représente un coût pour mon moi, mais la formation interne amène le risque de voir le personnel partir à la concurrence une fois qu’il a acquis l’ensemble des compétences nécessaires à son poste. Cela est un risque à ne pas négliger ! »

—— Simon BILLAUD (Tribune Verte 2942)

Covid-19 : Un impact tardif sur l'entreprise

Comme tout le monde, l’entreprise Parlant Forest Exploitation aura vu son quotidien chamboulé par l’arrivée du coronavirus sur le territoire français en 2020. « J’ai demandé à mes salariés s’ils étaient d’accord pour continuer à travailler, ils ont tous répondu présent. Comme nous sommes seuls dans nos cabines, la crise a peu impacté notre quotidien pendant le confinement, relate Philippe Parlant. Bien entendu, il a fallu mettre des protocoles en place pour que chacun puisse travailler en toute sécurité, mais il n’y avait rien d’insurmontable. Le seul problème était lors d’une panne, pour trouver certaines pièces. Mais dans l’ensemble, le confinement a peu changé notre quotidien. J’étais relativement confiant, car nos chantiers continuaient à la normale. C’est au moment du déconfinement que la crise a commencé à montrer ses conséquences. Certains de nos clients étaient fermés ou ne tournaient pas à plein régime pendant le confinement, mais les approvisionnements continuaient normalement. Ils ont fait du stock, pensant que les usines redémarreraient fort après la crise. Mais le redémarrage est plutôt lent, et comme les stocks sont pleins partout, c’est maintenant que nous voyons l’impact du coronavirus chez nous. Mais je reste relativement confiant pour l’avenir. »