L’emploi des seniors en temps de crise

L’emploi des seniors en temps de crise

À la fois plus adaptables et résilients, les professionnels expérimentés ont des atouts à faire valoir en temps de crise. Certains profils en profitent même si le chômage de longue durée touche davantage les seniors.

À tout malheur, quelque chose est bon. Comme dans toute crise, la pandémie de Covid-19 a apporté son lot d’opportunités, et certains profils tirent leur épingle du jeu sur le marché de l’emploi. Qu’en est-il des seniors ? Sortent-ils gagnants ou perdants de la crise ? Le bilan semble contrasté. Si l’on regarde les chiffres bruts, la situation des quinquagénaires et des sexagénaires est peu enviable. Alors que le chômage a spectaculairement baissé de 12,6 % en un an, le recul est davantage marqué chez les moins de 25 ans (17,8 %) que chez les seniors (8,2 %).

En observant la population cadre, les seniors sont surreprésentés, avec 16 % des inscrits à Pôle emploi. Six sur dix sont même des demandeurs d’emploi longue durée. Selon une étude de l’Apec, près de  neuf cadres seniors sur dix estiment que leur âge les désavantage dans leur recherche d’emploi.

Par ailleurs, 62 % de ces cadres expérimentés ne se retrouvent pas dans les offres d’emploi publiées et estiment qu’il y a trop peu d’offres qui leur correspondent. Pourtant, ils sont prêts à faire des concessions sur le type de contrat (42 %) et sur le salaire (25 %).

Alors que, l’an dernier, un quart des entreprises a dû abandonner un recrutement faute de candidat, 40 % des  recruteurs sondés par l’Apec ont choisi un « cadre plus jeune, mais moins expérimenté », contre seulement 28 % un profil senior.

Ce tableau mérite d’être contrasté. Certains profils de cadres dirigeants ou d’experts ont, au contraire, bénéficié des effets de la pandémie, selon plusieurs cabinets de recrutement.

Leur adaptabilité, leur résilience et leur aptitude à manager par gros temps auraient été perçues comme des vertus cardinales pour traverser la crise. Hors de ce contexte de crise, les seniors sont considérés comme plus fiables, autonomes et assidus au travail.

Lutter contre les idées reçues

En dépit de ces qualités régulièrement avancées, les seniors font l’objet d’un grand nombre de stéréotypes. Ils seraient chers, peu mobiles, moins productifs, souvent malades et rétifs aux nouvelles technologiques. Pour Laurent David, principal au sein de la division management de transition du cabinet Robert Walters, il faut faire la chasse aux idées reçues. Un senior n’a, d’abord, pas nécessairement les tempes grisonnantes. « Selon le métier exercé, on peut être senior à 40, 45 ou 50 ans, rappelle-t-il. Un expert du digital peut être considéré comme senior avant 40 ans. Cela repose davantage sur son parcours professionnel et sur son expérience, plutôt que sur son âge. À titre personnel, je préfère le terme de profil expérimenté. »

Autre idée reçue : plus un profil a de l’expérience, plus il est cher. « Pour se positionner sur des projets intéressants et garder un lien social, un senior sera davantage prêt à revoir son salaire à la baisse, reprend Laurent David. Il peut donc être paradoxalement plus attractif qu’un profil plus junior. »

La situation personnelle des seniors les avantage, par ailleurs, en matière de télétravail. « Ils ont généralement un logement confortable, des enfants autonomes, à l’inverse, des jeunes actifs qui vivent parfois mal le télétravail avec des enfants en bas âge et un logement exigu », poursuit Laurent David. Un senior serait, par ailleurs, plus fidèle à son entreprise qu’un jeune actif des générations Y et Z, pour qui il est devenu plus courant de passer d’un employeur à l’autre. La crainte d’investir dans un senior qui partira à la retraite dans dix ans serait, là encore, infondée. Un professionnel en début de carrière restera rarement en poste aussi longtemps.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2983)

Étude : UNE MAJORITÉ DES SENIORS CONSIDÈRE LA CRISE COMME UNE OPPORTUNITÉ

Les seniors se montrent confiants en leur valeur ajoutée et en leur capacité d’adaptation. D’après une étude Robert Walters management de transition, basée sur 855 cadres dirigeants et candidats, 53 % des 50-60 ans considèrent la crise de la Covid-19 comme une opportunité. 90 % des professionnels estiment que l’expérience est l’atout majeur des seniors, tout comme leur vécu opérationnel et leur capacité à travailler en mode projet (43 %). Arrivent ensuite leur aptitude à manager (41 %), leur volonté de se consacrer à la progression de leurs équipes (33 %), leur résilience et leur adaptabilité (31 %). De leur côté, les seniors souhaitent avant tout s’épanouir en choisissant leurs projets. Il s’agit ensuite de transmettre leur savoir être et leur savoir-faire, de manager des équipes et de les faire évoluer. Vient ensuite la reconnaissance de leur utilité et, en bout de liste, le souhait de bien gagner leur vie.

Avis d’expert : « UN SENIOR PRIVILÉGIERA L’INTÉRÊT DU PROJET À LA RÉMUNÉRATION »

Laurent David, principal au sein de la division management de transition du cabinet Robert Walters

En quoi la crise sanitaire favorise-t-elle l’accès à l’emploi des seniors ?
Laurent David : La crise accélère les besoins d’adaptation, de transformation et de transmission des entreprises ; des sujets sur lesquels les seniors excellent. Ils ont d’évidentes capacités d’adaptation et sont les plus à même de transmettre leurs connaissances. Ces professionnels expérimentés ont une aptitude naturelle à prendre de la hauteur et du recul, à gérer le stress. Ils ont, par ailleurs, vécu d’autres crises par le passé. Quand les entreprises ont dû, du jour au lendemain, basculer vers le télétravail généralisé, elles pouvaient être tentées d’aller chercher quelqu’un qui l’avait fait ailleurs. De même dans le secteur du retail, quand il a fallu, avec la fermeture des magasins, passer au clic and collect ou mettre en place des solutions d’e-commerce.

En quoi sont-ils plus attractifs ?
L. D. : Un senior propose davantage de flexibilité. Il sera plus ouvert à différentes formes de contrat de travail, alors qu’un jeune actif a besoin d’un CDI pour contracter un crédit immobilier. Ses exigences salariales seront aussi moins fortes. Il a fini de rembourser ses prêts, ses enfants ont peut-être déjà terminé leurs études. Ainsi, il privilégiera l’intérêt du projet à la rémunération. Arrivé à un moment de sa vie, les aspirations professionnelles changent. Il y a une réelle volonté de transmettre son savoir, d’être utile à la société.

Le management de transition constitue-t-il, selon vous, une opportunité pour les seniors ?
L. D. : Oui, là encore il faut lutter contre les idées reçues. Le management de transition a fortement évolué. Par le passé, les managers de transition avaient plus de 60 ans et, à quelques années de la retraite, ils remplissaient avant tout des missions de gestion wde crise dans des contextes de restructuration industrielle, RH ou financière. Aujourd’hui, il s’agit également de missions orientées projet et transformation. On assiste, par ailleurs, à un rajeunissement – avec une moyenne d’âge autour de 50 ans – et à une féminisation des managers. Un manager de transition peut remplir différents types de mission. Il remplace un cadre parti en congé ou aide un jeune dirigeant à grandir en transmettant son savoir. Le management de transition peut aussi servir de relais d’embauche. Avec la pénurie d’experts sur les métiers en tension, un recrutement peut prendre de trois à douze mois. Une entreprise fait appel à un manager le temps nécessaire.