« Nous accueillons toutes les initiatives » Jean-Marc Lévêque, président du Synabio

« Nous accueillons toutes les initiatives » Jean-Marc Lévêque, président du Synabio

Auprès des institutions politiques, le Synabio cherche à faire partager sa vision du bio. Le syndicat des acteurs de la filière aval du bio travaille, en parallèle, sur de nombreux sujets comme la réglementation, la RSE ou encore les négociations commerciales.

Pouvez-vous nous présenter le Synabio ?
Jean-Marc Lévêque : Notre syndicat a été créé en 1983. Il fédère actuellement 220 entreprises (industriels et distributeurs) qui représentent un peu moins de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires (CA) sur le marché. Nos adhérents ont pour dénominateur commun de vouloir développer leur activité bio et d’être accompagnés dans ce pilotage. Leur volonté est également de s’impliquer dans l’action collective, y compris dans le volet politique. Nous fédérons des jeunes pousses : des TPE, des grands groupes (Bjorg Bonneterre et Compagnie, Léa Nature, Biocoop…) et principalement des PME. Toutes les familles de produits sont représentées en dehors du vin (céréales, viande, lait, produits animaux, algues…). Au regard des enjeux de transition agricole et alimentaire, nous souhaitons accueillir toutes les initiatives et partager nos valeurs avec les porteurs de ces démarches. L’adhésion n’est pas conditionnée par le pourcentage de CA en bio et par l’ancienneté de certification.

Quelles sont les principales missions de votre syndicat ?
J.-M. L. : Nous sommes à l’interface des institutions sur les parties réglementaires et politiques. Dans le cadre de notre action plaidoyer, nous rencontrons notamment toutes les institutions politiques qui écrivent notre futur, afin qu’elles partagent notre vision du développement agricole et agroalimentaire. Nous participons ainsi aux débats nationaux : États généraux de l’alimentation, discussions autour de la révision de la Pac… Au quotidien, nous travaillons en effet avec l’amont de la filière (Fédération nationale d’agriculture biologique [Fnab] et interprofessions régionales).

Nous avons également une mission d’accompagnement des entreprises sur les marchés, sur la formation, sur la réglementation
en les aidant, entre autres, à traduire le nouveau règlement européen bio1 à leur secteur d’activité. Nous menons également des expérimentations en anticipant les évolutions réglementaires. Le bio est en effet aujourd’hui une obligation de moyen et non de résultat2, or le consommateur achète un résultat (c’est-à-dire un produit sans résidus de pesticides). Depuis 1996, nous travaillons ainsi à constituer une base de données de contaminants et nous nous préparons à travailler avec des seuils.

Menez-vous des actions de communication ?
J.-M. L. : Très peu, car l’Agence Bio est notre porte-parole consensuel. De temps en temps, nous intervenons comme sur le sujet de l’encadrement du chauffage des serres en AB pour les légumes d’été3. Pour nous, l’interdiction de leur commercialisation en France, entre le 21 décembre et le 30 avril, est une traduction du principe bio et de notre engagement. Nous devons préserver la saisonnalité.

Comment fonctionne le Synabio ?
J.-M. L. : Nous avons une équipe de personnes ressources et nous sommes structurés en groupes de travail (GT), qui se réunissent deux à trois fois par an. Nous fonctionnons en collectif et nous faisons intervenir les experts le plus possible. Le GT « qualité » fonctionne généralement avec les responsables QSE (qualité, sécurité, environnement) des entreprises. Ils regardent notamment les enjeux liés aux contaminants. Le GT « environnemental » s’intéresse à la manière dont les entreprises bio peuvent être efficientes sur les parties énergie, rejets, déchets. Il existe un GT « équité sociale », un GT « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises)… De nouveaux GT vont être lancés, comme celui sur les enjeux autour du réchauffement climatique.

Un GT « jeunes pousses de la bio » a également été mis en place en 2015. Qui sont ces jeunes pousses ?
J.-M. L. : Ce sont souvent des porteurs de projets qui ont démarré de petites activités et qui se lancent sur le marché des magasins spécialisés ou non. Souvent, ces jeunes pousses sont plus exigeantes et cherchent à aller plus loin dans la recherche d’ingrédients, de qualité. Vis-à-vis de ces initiatives, nous avons mis en place un parrainage. Chaque jeune pousse est parrainée par une entreprise d’un secteur identique au sien ou d’un autre. Ce parrain l’aide à trouver des marchés, des sous-traitants… Actuellement, nous mettons en place le deuxième étage de la fusée. En effet, la plupart des jeunes pousses ont évolué et sont aujourd’hui au stade préindustriel avec d’autres besoins (financements, marketing…).

En janvier 2019, le Synabio appelait les enseignes de la grande distribution à éviter la guerre des prix lors des négociations commerciales. Menez-vous des actions spécifiques à ce sujet ?
J.-M. L. : Nous avons un chantier sur la répartition de la valeur, les mauvaises pratiques commerciales et la transparence. Nous souhaitons que la création de valeurs entre les producteurs et les consommateurs ne soit pas captée par un seul maillon de la filière. C’est dans ce cadre que nous avons mis en place, fin 2018, un observatoire des négociations commerciales pour mieux identifier les dérives potentielles, les mauvaises pratiques commerciales. Nous avons observé, par exemple, qu’avec certaines promotions, des produits bio étaient vendus moins cher que des produits conventionnels. Nous sommes inquiets. C’est un message négatif envoyé aux producteurs et aux consommateurs à qui nous avons expliqué que le bio demandait des efforts supplémentaires aux producteurs.

De quelle manière accompagnez-vous les entreprises au niveau de la formation ?
J.-M. L. : Nous ne sommes pas un organisme de formation (OF) mais nous montons des modules avec des OF sur des sujets comme l’écoconception, la biodiversité… La biodiversité, par exemple, est un enjeu important pour nos entreprises adhérentes qui sont en relation avec les territoires agricoles. Nous voulions que les salariés de ces entreprises aient un fonds de connaissances sur ce sujet.

Chez vos adhérents, comment les salariés sont-ils formés au bio ? Ce secteur demande-t-il des compétences spécifiques ?
J.-M. L. : Aujourd’hui, des formations en interne sont réalisées par les entreprises. En tant que directeur du développement durable et responsable du développement bio chez Triballat Noyal4, j’ai réalisé des formations sur le bio aux salariés pour leur expliquer pourquoi des éleveurs avaient fait ces choix professionnels forts, qu’il existe une réglementation européenne bio spécifique, que les produits sont certifiés par un organisme tiers… Il n’y a pas que la réglementation qui diffère. En recherche et développement, par exemple, nous allons plus loin sur les additifs alimentaires5. Il peut être pertinent que des établissements de formation proposent des modules spécifiques sur le bio. En effet, nous sommes actuellement dans une période de changement d’échelle avec un développement des emplois. Derrière, il est important que les entreprises puissent recruter des personnes qui connaissent la bio.

—— Propos recueillis par Caroline EVEN (Tribune Verte 2920)
(1) Il entrera en vigueur le 1er janvier 2021.
(2) Avec une obligation de résultat, un produit bio cultivé sans produits chimiques de synthèse mais qui aurait été contaminé fortuitement, pourrait être déclassé.
(3) Décision adoptée le 11 juillet 2019 par le Cnab de l’INAO.
(4) Entreprise basée en Ille-et-Vilaine fabriquant, notamment, des desserts frais au soja et des produits laitiers (bio ou pas).
(5) La liste des additifs autorisés est plus réduite en bio.