"Oser prendre des responsabilités"

"Oser prendre des responsabilités"

Florence Pradier a toujours travaillé dans le secteur agroalimentaire. Depuis novembre 2019, elle est directrice générale de La Coopération Agricole, qui représente 2 300 coopératives et 12 260 Cuma. Maman de quatre enfants, voici ses conseils pour concilier responsabilités professionnelles et vie privée.

En quoi consiste votre poste à La Coopération Agricole ?
Florence Pradier - Directrice générale de la Coopération Agricole : En tant qu’organisation professionnelle, notre premier rôle est de protéger les entreprises. Cela demande de faire preuve de pédagogie auprès des pouvoirs publics et des administrations. Il peut y avoir des injonctions intéressantes auxquelles nous répondons, mais si nous les appliquons seulement en France, elles peuvent créer des distorsions de concurrence et risquent de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Citons, par exemple, le glyphosate pour lequel le Gouvernement a dû faire machine arrière. Notre second rôle est d’éclairer, car le secteur alimentaire bouge très vite. Et il est très sensible à la perception du consommateur. Une entreprise seule ne peut pas percevoir tous les signaux du consommateur. Or, cela est nécessaire pour qu’elle puisse évoluer. Notre rôle est donc de veiller aux signaux forts et faibles afin d’aider les coopératives à anticiper ces mouvements. Notre mission est également de rendre des services aux adhérents grâce à nos expertises (vétérinaires, agronomiques, juridiques…).

Comment percevez-vous la place des femmes dans le secteur agroalimentaire ?
F. P : Il attire de nombreuses femmes dans le travail, mais aussi dans les formations. À titre d’exemple, au sein des écoles d’ingénieurs agro, 75 % des étudiants sont des femmes. Nourrir est presque une fonction maternelle. Nous avons un passé culturel qui n’a pas aidé les générations précédentes à prendre des postes à responsabilité. Les hommes n’ont pas été le seul frein, je crois que les femmes se sont aussi autocensurées. Cela est en train de changer pour les jeunes générations, où la place des hommes est plus forte dans la gestion de la vie familiale. La loi sur la parité était nécessaire. Quand nous aurons réussi, nous n’aurons plus besoin de cette loi. Les femmes ont des sensibilités différentes. J’ai toujours privilégié la mixité au sein des équipes. Dans les conseils d’administration de coopératives, il y a encore trop peu de femmes, car la typologie d’agriculteurs est majoritairement masculine. L’enjeu est d’arriver à avoir davantage de femmes exploitantes pour qu’elles soient ensuite au sein des conseils d’administration des coopératives. Mais ces dernières devront adapter leur mode de fonctionnement en évitant, par exemple, les réunions le soir afin de permettre aux femmes d’y être présentes.

Comment le monde du travail évolue-t-il ?
F. P : Le télétravail forcé a cassé certains codes : il a permis de prendre conscience que les femmes ont été efficaces malgré les horaires décalés. Il est important de considérer le rythme biologique d’une famille. La société devra adapter les rythmes de travail afin que ces derniers puissent être compatibles avec une vie de famille.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes qui souhaitent se lancer ?
F. P : Ne vous autocensurez pas, et n’abandonnez rien ! Nous pouvons jongler entre vie professionnelle et vie privée. Nous devons accepter, en tant que femme, de lâcher prise sur certains sujets, et oser prendre des responsabilités. Il ne faut pas avoir peur de soi, et il est nécessaire d’être persévérante. Il faut aussi éliminer les « ou » et favoriser les « et » : pour être bien, il est important de s’occuper du triptyque constitué par, sa famille, son projet professionnel, et soi-même. En somme, il faut réussir à bien gérer les équilibres.

—— Propos recueillis par Stéphanie BOT (Tribune Verte 2953)

MINI CV

  • Directrice générale de La Coopération Agricole depuis novembre 2019
  • Directrice d’Alliance 7 pendant douze ans
  • Directrice développement au GIE CRC pendant cinq ans
  • Responsable certification produit au sein de Bureau Veritas pendant quatre ans
  • Ingénieur recherche et développement au sein de Pernod Ricard pendant un an