Recrutement inclusif : Comment lutter contre les biais inconscients ?

Recrutement inclusif : Comment lutter contre les biais inconscients ?

De la rédaction d’une offre d’emploi non discriminante à l’élaboration d’un parcours d’intégration inclusif, il existe un ensemble de bonnes pratiques pour favoriser la diversité.

Chaque opération de testing apporte inlassablement les mêmes résultats. Un candidat ayant un patronyme à consonance étrangère et/ou résidant dans un quartier populaire a nettement moins de chances de décrocher un entretien d’embauche que le profil de référence. La discrimination liée au genre, à l’âge, à l’apparence physique ou au handicap est aussi documentée par un grand nombre d’études.

Des secteurs connaissant des pénuries de compétences structurelles, comme l’agriculture et l’agroalimentaire, se privent ainsi d’une part non négligeable de candidatures. Entre les déclarations officielles en faveur de la diversité et la réalité des faits, il y a souvent un gouffre (lire ci-dessous) et il convient de lutter contre les préjugés à toutes les étapes du processus de recrutement. Dans un document intitulé « 10 conseils pour un recrutement inclusif », le cabinet de recrutement Mozaïk RH propose un ensemble de bonnes pratiques. Tout commence par la rédaction de l’offre d’emploi. Au-delà du cadre légal qui bannit tout critère lié à l’âge, à une appartenance ethnique, à une conviction religieuse ou à une opinion politique, il est conseillé de s’en tenir aux compétences et savoir-être clés, sans ajouter de critères superflus, par nature excluant.

Il s’agit ensuite d’étendre la diffusion de l’offre au-delà des canaux traditionnels, auprès des écoles, des universités, des centres de formation, des missions locales, des associations oeuvrant en faveur de la diversité, des cercles de femmes. « Pour être vue par des personnes en situation de handicap, elle doit être relayée par des sites d’emploi respectant les critères d’accessibilité », complète Mariam Khattab, directrice générale de Mozaïk RH.

Former les recruteurs à la non-discrimination

Vient ensuite le tri des CV, l’étape a priori la plus discriminante. Un recruteur véhicule malgré lui un certain nombre de biais inconscients liés à son parcours et aux recrutements passés, entretenant un phénomène de clonage. La loi fait obligation aux entreprises de 300 salariés et plus de former leurs recruteurs à la non-discrimination. Mariam Khattab conseille d’étendre cette formation aux entreprises de toute taille ainsi qu’à la population des managers.

Une piste de plus en plus prisée consiste à s’écarter du CV pour ne se focaliser que sur les compétences techniques et comportementales pertinentes pour le poste requis, au-delà du lieu de vie, du renom des entreprises pour lesquelles le candidat a travaillé ou du prestige de l’école dont il est diplômé, des tests ou des mises en situation permettant d’évaluer ces compétences fondamentales. Des solutions à base d’intelligence artificielle (IA), comme AssessFirst ou Goshaba, se proposent d’assurer ce matching, leurs algorithmes faisant abstraction de l’âge, du genre ou de l’origine ethnique. Si, à ses yeux, l’IA peut s’avérer utile pour décharger le recruteur de tâches chronophages, Mariam Khattab rappelle qu’il ne s’agit que d’un outil qui, mal paramétré, reproduira les biais du modèle sur lequel il a été entraîné. Par ailleurs, l’IA ne doit pas, selon elle, couvrir l’ensemble du processus de recrutement. « L’humain reste prépondérant, estime l’experte. Rien ne remplace un coup de coeur réciproque entre un recruteur et un candidat sur un jobdating. » Enfin, Mozaïk RH rappelle qu’il ne suffit pas de recruter des personnes de profils différents si l’entreprise ne se donne pas les moyens de les intégrer durablement. Cela suppose de créer, dès le parcours d’intégration, un climat propice à l’épanouissement de chacun et de former les cadres au management multiculturel.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3018)

Avis d’expert : « Quel que soit notre parcours de vie, nous avons des stéréotypes »

Mariam Khattab, directrice générale du cabinet de recrutement Mozaïk RH.

Comment rédiger une d’offre d’emploi non discriminante ?
Mariam Khattab : Quand on demande à un manager quel est le profil idéal du futur collaborateur, il dresse une liste à la Prévert. Introduire trop de critères décourage les candidatures, il est préférable de se concentrer sur les critères essentiels au poste à pouvoir. Il en va de même du niveau de qualification. Pourquoi indiquer Bac + 5 si un niveau Bac + 2 suffit ? Un surdiplômé s’ennuiera dans ce poste, c’est contreproductif. De même, il est conseillé de mettre un niveau d’expérience minimum, mais pas un niveau maximum. Si la personne est surqualifiée, elle est par définition qualifiée.

Comment lutter contre les préjugés inconscients ?
M. K. : Quel que soit notre parcours de vie, nous avons tous des stéréotypes. Un candidat qui a fait la même école que le recruteur sera avantagé, tel autre qui habite un quartier défavorisé le sera moins. Il s’agit d’objectiver au maximum nos décisions et ne pas s’en remettre à son « feeling ». Pour assurer une égalité de traitement, le recruteur doit suivre, pendant l’entretien, une trame de questions identiques pour tous les candidats. À défaut, il remontera des informations différentes, difficilement comparables. Tout en recherchant les mêmes critères, il faut néanmoins parfois adapter le processus de sélection en fonction du parcours académique, du niveau de préparation du candidat à ce type d’exercice, afin de ne pas passer à côté de profils plus atypiques.

Vous insistez également sur l’importance du parcours d’intégration….
M. K. : La période d’essai est cruciale et il convient de faciliter l’intégration de toutes les recrues. La culture d’entreprise est composée de codes tacites, comme le rituel de la machine à café ou le déjeuner d’équipe. Le nouvel arrivant a besoin de les connaître pour s’intégrer. Un parrain ou un mentor peut l’accompagner dans ses premiers pas en entreprise, l’aider à se constituer un réseau en s’ouvrant à d’autres personnes, d’autres services. Le manager a aussi un rôle important à jouer. Un management inclusif consiste à prendre la personne telle qu’elle est et faire de ses spécificités une richesse. Parfois, il faut adapter le poste ou les horaires de travail. Un jeune parent doit à la fois gérer la pression d’une période d’essai et sa nouvelle vie de famille.