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Ressources humaines : Mettre en place une stratégie de recrutement durable

Ressources humaines : Mettre en place une stratégie de recrutement durable

Confrontés à une guerre des talents, des employeurs accélèrent leurs processus d’embauche, oubliant un certain nombre de fondamentaux. La notion de recrutement durable vise à sélectionner des collaborateurs réellement engagés et, on l’espère, fidèles.

Certains employeurs confondent vitesse et précipitation. Pour combler au plus vite un poste vacant, ils font feu de tout bois. Le digital facilite cette propension à accélérer les embauches en permettant la diffusion de la même offre d’emploi sur de multiples canaux, sites d’emploi ou réseaux sociaux. Une fois les premières candidatures remontées, le processus de sélection est, lui aussi, bâclé. Se fiant avant tout à son « feeling », le recruteur ne mène qu’un ou deux entretiens, contre les trois généralement préconisés, et fait l’impasse sur les tests techniques et de personnalité.

La facture salée d’une erreur de casting

Résultat : un recrutement raté. Le candidat retenu ne se présente pas le premier jour de sa prise de fonction ou ne passe pas la période d’essai. Cette erreur de casting présente une facture particulièrement élevée. Elle s’élèverait, selon l’agence RH Ignition Program, entre 45 et 100 K€, si l’on tient compte de l’ensemble des coûts directs – le temps perdu à former la recrue, le lancement d’un nouveau cycle de recrutement – ou indirects, comme le risque de démotivation de l’équipe en place avec cette démission éclair. Un accident industriel qui peut être lourd de conséquences, surtout dans les PME, où une embauche n’a rien d’anodin.

Dans le contexte actuel de guerre des talents, vouloir recruter vite répond à une forme de logique. Il s’agit de combler un déficit criant de compétences, mais aussi de répondre aux souhaits des candidats d’un processus de recrutement allégé. C’est particulièrement vrai des jeunes actifs de la génération Z. Un délai de recrutement trop long est la première cause d’abandon d’une candidature chez les 18-25 ans (voir ci-dessous).

Il est toutefois possible de concilier cet impératif de réactivité et de sérieux dans la sélection des candidats (lire l’interview). La notion de recrutement durable suppose de ne pas s’en remettre au hasard, mais de définir en amont un processus de recrutement fiable et éprouvé. Chaque étape est formalisée. Sur quels critères sont retenues les candidatures ? Quels sont les attendus de chaque entretien et qui les fait passer ?

De l’importance des soft skills

Il convient notamment de s’assurer que le postulant est motivé, mais aussi qu’il partage la culture et les valeurs de l’entreprise qu’il souhaite intégrer. Pour cela, une stratégie de recrutement durable mettra l’accent sur les compétences comportementales. À l’inverse des compétences techniques rapidement obsolètes, ces soft skills comme l’adaptabilité, la rigueur, l’empathie ou l’esprit d’équipe sont des facteurs clés de réussite. S’inscrivant dans la durée, une personne « agile » pourra plus facilement évoluer, voire se reconvertir si son poste le nécessite.

En se basant notamment sur ces compétences comportementales, des outils d’intelligence artificielle se proposent de prédire la capacité d’un candidat à réussir à un poste, dans le contexte et la culture de l’entreprise pour laquelle il postule. En réduisant les risques de biais conscients ou inconscients d’un recruteur, cette approche favorise, par ailleurs, la diversité en repêchant les profils dits « atypiques ». Il s’agit, enfin, d’aider le candidat à se projeter dans son nouveau métier. Un entretien peut être l’occasion d’échanger avec son manager, mais aussi avec l’ensemble de l’équipe, ses futurs collègues. Le recrutement reste une question d’hommes et d’affinités réciproques.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3025)

Étude : Les fortes attentes de la génération Z

Les employeurs vont devoir revoir leur stratégie de recrutement s’ils veulent séduire les jeunes actifs de la génération Z (nés entre 1996 et 2010) qui arrivent sur le marché du travail. 82 % des 18-25 ans ont déjà renoncé à postuler à une offre d’emploi alors même que celle-ci les intéressait, selon une étude de JobTeaser et Maki People. Un site d’emploi mal optimisé, des avis négatifs sur l’entreprise sur les réseaux sociaux ou la simple obligation de fournir une lettre de motivation les auront dissuadés. À l’inverse, le bouche-à-oreille ou une recommandation positive sur un site d’évaluation les incitent à candidater. Une fois les jeunes candidats enrôlés dans le processus de recrutement, il faut réussir à les garder. 70 % d’entre eux ont déjà abandonné leur candidature en cours de route. En cause : un délai de recrutement trop long (28 %), un manque d’informations sur le salaire et les avantages sociaux (26 %) ou un décalage entre les missions inscrites dans l’offre d’emploi et celles évoquées en entretien. Et quand ils vont jusqu’à passer au moins un entretien, plus d’un quart des candidats de la génération Z dit avoir été « ghosté », c’est-à-dire laissé sans réponse... avec le risque d’un effet boule de neige. 83 % des candidats qui ont vécu une mauvaise expérience de recrutement en ont parlé à leur entourage.

Avis d’expert : « L’expérience candidat doit être fluide et transparente »

Gauthier Riesi, partner recrutement chez Ignition Program

Comment évaluer le coût réel d’un recrutement ?
Gauthier Riesi : Les entreprises, surtout celles à forte croissance, se limitent généralement à la rémunération du candidat, ce qui ne constitue que la face émergée de l’iceberg. Il faut prendre en compte un ensemble de coûts, plus ou moins invisibles, comme ceux liés à l’intégration et à la montée en compétences du salarié. Cela suppose d’intégrer les rémunérations des collaborateurs engagés dans cette phase d’onboarding. Une entreprise doit aussi intégrer que la « rentabilité » d’une recrue peut n’intervenir qu’au bout de 12 ou 18 mois. Enfin, il y a les coûts liés à un « mauvais » recrutement avec un candidat qui ne se présente pas le jour J ou démissionne avant la fin de la période d’essai. Cette erreur de casting peut coûter entre 45 et 100 K€. Sans parler du désengagement d’une équipe démotivée par une démission éclair.

Qu’est-ce que la notion de recrutement durable ?
G. R. : Certaines entreprises se lancent dans des embauches à corps perdu, sans poser au préalable un cadre structuré. On l’a vu dans la phase post-Covid, où des sociétés voulaient repartir de plus belle et recrutaient n’importe comment et à n’importe quel coût. On voit aussi de jeunes sociétés attendre, à tort, d’atteindre 50 ou 100 salariés avant de professionnaliser leur fonction RH. Une stratégie de recrutement durable permet d’intégrer des collaborateurs fidèles et engagés. C’est un pari gagnant. Elle doit toutefois être alignée avec la vision et les objectifs de l’entreprise à 3 ou 4 ans. Les candidats seront recrutés à partir d’une grille de critères bien définie en matière de compétences techniques et comportementales.

Qu’en est-il de l’expérience candidat ?
G. R. : Elle doit être fluide et transparente. Le candidat est précisément informé du nombre d’étapes qu’il aura à franchir. Le processus de recrutement comprend généralement trois types d’entretien. Le premier vise à connaître le candidat, son parcours, ses attentes, le deuxième à valider ses compétences notamment par des tests techniques ou de personnalité. Il convient de faire preuve de pédagogie et d’expliquer quels sont les objectifs poursuivis par ces tests. Sinon, le candidat n’adhérera pas. Le troisième entretien doit permettre de s’assurer que le candidat et l’employeur « matchent ». À tort, cette dernière étape est souvent balayée alors qu’elle conditionne la bonne intégration. Un exercice consiste à poser à la recrue et au futur manager la même série de questions pour s’assurer que le feeling passe. Les candidats apprécient de se projeter dans leur futur poste. L’optimisation du processus de recrutement consiste moins à réduire le nombre d’entretiens qu’à contracter sa durée. Pour maintenir l’engagement d’un candidat, le recrutement ne doit pas dépasser trois semaines et plutôt osciller entre 10 et 15 jours. Il faut donner du rythme. 24 heures après son premier entretien, le candidat reçoit une réponse. 78 heures après, il enchaîne sur le deuxième.