RSE, l'atout charme des employeurs ?
Et si l’implication dans la RSE permettait aux entreprises d’accroître leur attractivité auprès des candidats ? Développer sa marque employeur, en travaillant sur son identité et ses pratiques RH et managériales, participe à recruter de nouveaux talents et à les valoriser.
La RSE serait-elle le nouveau Graal pour développer sa marque employeur ? Les démarches autour de la responsabilité sociétale des entreprises sont en effet une des clés pour consolider la notoriété d’une marque à l’égard de la cible des employés ou salariés potentiels. Depuis fin 2019, cinq entreprises de l’agroalimentaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont accompagnées sur les questions de RSE par La Coopération agricole et Isara Conseil. Accroître sa marque employeur grâce à la RSE était au centre d’un des ateliers mis en place par les formateurs.
« Avec des financements Draaf à hauteur de 50 %, nous accompagnons depuis deux ans ces cinq entreprises à faire leurs premiers pas sur la RSE, explique Laure Genin, consultante qualité, sécurité des aliments et RSE pour La Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes. Comme pour beaucoup d’entreprises, les cinq PME suivies réalisent beaucoup de choses en lien avec la RSE, mais sans réelle structuration autour d’une démarche définie. L’enjeu d’une politique RSE, c’est de mettre en musique l’ensemble des efforts portés par une entreprise autour des questions de management, de gouvernance, de conditions de travail ou encore d’environnement. »
Problèmes de recrutements
Après une phase de pré-diagnostic, pour identifier l’ensemble des bonnes pratiques de chaque entreprise, diverses thématiques ont été creusées par les participants, comme la transition énergétique, la qualité de vie au travail, les achats responsables, la communication responsable, et la marque employeur.
« Cette thématique de la marque employeur était ressortie des phases de pré-diagnostic, souligne Laure Genin. Le secteur de l’agroalimentaire a en effet des problématiques d’attractivité sur ses métiers, d’autant plus que les PME sont situées parfois dans territoires isolés. Plus de 80 % des PME avouent avoir des problèmes de recrutements, et 72 % précisent que ces difficultés ralentissent leur développement économique. Travailler sur la marque employeur doit participer à résoudre ces difficultés. »
Approche globale
En travaillant sur la marque employeur, l’enjeu n’est pas de miser uniquement sur la communication externe. « Il faut une approche assez globale, qui reprend toute l’offre RH de l’entreprise. Par exemple, s’assurer que les salariés ont des fiches de postes bien définies, qu’ils s’impliquent, qu’ils s’épanouissent dans leur travail, que le process d’intégration des nouveaux salariés est clair, lister les compétences à acquérir pour chaque poste… »
Parmi les objectifs identifiés lors de l’atelier « marque employeur » mené par La Coopération agricole : comment attirer les talents et faire en sorte qu’ils restent au sein de l’entreprise et s’y impliquent pleinement. « Souvent, les PME n’ont pas d’indicateurs de performances RH. C’est donc une des premières actions à mettre en place. D’autant plus pour des entreprises où les savoir-faire sont au coeur de la production et où seule la bonne planification d’un remplacement de poste avec un bon tuilage des salariés permet de maintenir le savoir-faire en question. » Pour mener le travail sur la marque employeur, Laure Genin conseille de s’appuyer sur trois piliers : l’identité employeur, le diagnostic des pratiques RH et la gestion de projet du déploiement des actions. « Travailler sur l’identité de votre entreprise, c’est savoir quelle est son image en interne et en externe. Comme employeur, il convient d’avoir un site Internet, et plus particulièrement une page carrière où sont référencées les offres. Faites une veille également sur ce qui se dit de vous sur les réseaux sociaux, les commentaires sur votre entreprise, afin de pouvoir y répondre au besoin. Ce sont des actions très simples, mais peu le font. » Deuxième pilier : inventoriez et analysez l’ensemble de vos pratiques RH. « Pour cela, constituez par exemple un groupe de travail en interne, avec des salariés de différentes fonctions, pour avoir une analyse objective des process RH. » Enfin, mettez en place un plan d’action, avec des allocations de ressources aux objectifs fixés. « Vous pouvez développer des indicateurs de performances, pour suivre les progrès. Le retour sur investissement doit être palpable, surtout sur l’amélioration des pratiques RH et managériales. »
En conclusion, Laure Genin se veut rassurante : « Souvent, les fondamentaux sont bien là au sein des PME du secteur agroalimentaire, avec des valeurs fortes. L’enjeu pour des entreprises qui n’ont pas toujours de service RH structuré, c’est d’arriver à travailler sur les pistes d’amélioration autour des questions de RSE. Et ne jamais oublier que ses propres collaborateurs sont euxmêmes les premiers ambassadeurs de la marque employeur ! »
—— Olivier LÉVÊQUE (Tribune Verte 2959)
Maison Routin, Savoie : LA RSE POUR SOUTENIR LES « TALENTS »
Fortement mobilisée sur la RSE, la Maison Routin dont les célèbres sirops savoyards sont vendus dans le monde entier depuis plus de 130 ans, développe le programme « Shake your Talents » avec de multiples engagements, notamment en faveur de ses salariés. En novembre 2020, la Maison Routin remportait le trophée RSE de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Impliquée dans la démarche depuis plus de dix ans, le spécialiste des sirops haut de gamme basée près de Chambéry tient à ce que chaque salarié participe à cette dynamique. « Nous avons créé un comité de pilotage RSE en 2018 avec douze personnes multiservices, qui se réunissent tous les mois pour animer les actions en cours ou à venir, souligne Marine Temporal, directrice R&D et qualité et pilote de la démarche RSE pour Routin, diplômée d’AgroSup Dijon. En relais de ce comité, 60 collaborateurs Routin portent les actions RSE de l’entreprise, et à l’horizon 2025, c’est l’ensemble des 160 collaborateurs qui seront engagés ! » Dès les années 2000, Routin s’engageait déjà sur les 4P (products, people, profit, planet) du Pacte mondial des Nations unies. Parmi les actions menées depuis : une unité de méthanisation en 2014 pour traiter ses effluents, un travail pour réduire la consommation d’eau, d’électricité et l’empreinte carbone, l’implication auprès d’associations locales, l’adhésion à la fondation Eau, neige et glace, un nouvel espace de formation de 300 m² pour enseigner et transmettre le métier de barista et barman, etc.
Le programme « Shake your Talents » en déploiement, regroupe l’ensemble des engagements de la PME autour de sept axes : transmission, art et créativité, local, environnement, naturalité, tissu économique et solidarité. « Au sein de l’axe “tissu économique”, nous travaillons sur la marque employeur, précise Audrey Tateia, la responsable RH. Que ce soit pour le site de production ou le siège social, les recrutements ne sont jamais simples, surtout dans le bassin de Chambéry où le taux de chômage n’est que de 6 %. Conduite de machines automatisées, maintenance, mais aussi fonctions supports. Pour tous ces postes, nos engagements sur la RSE sont un atout, avec davantage de notoriété auprès des candidats, et l’opportunité pour les collaborateurs d’avoir un impact local et de l’influence sur des problématiques plus globales. »
Frayssinet, Tarn : « LA RSE ACCROÎT NOTRE RAYONNEMENT »
Avec sa démarche RSE nommée Viae Ethicae, « les voies de l’éthique », l’entreprise Frayssinet s’évertue à défendre l’éthique dans le domaine de la production et de la mise en marché de fertilisants organiques.
« La responsabilité sociétale est dans notre ADN », souligne Matthieu Grebot, directeur RSE chez Frayssinet, entreprise familiale proposant des engrais organiques depuis plus de 150 ans. La démarche RSE a été formalisée à partir de 2013, avec l’obtention dès 2015 du label Afnor « Engagé RSE » au niveau « Exemplaire ». Ce niveau a été confirmé en 2018, et doit être renouvelé cette année. Les actions associées à la RSE sont multiples. Du côté de la production par exemple, 85 % des matières premières proviennent d’un rayon inférieur à 500 km, et 40 % à moins de 100 km. D’un point de vue des salariés, deux commissions ont été créées : environnement et santé/sécurité, dans lesquelles siègent les collaborateurs qu’ils soient de la production, de la maintenance, ou des bureaux, et donnant lieu à diverses actions et formations. Un exemple : 27 % des collaborateurs sont aujourd’hui sauveteurs secouristes du travail. Des actions d’amélioration des conditions de travail ont été réalisées dans l’usine. Une nouvelle ligne de conditionnement sacs et big bags et de nouvelles chargeuses choisies par les utilisateurs, augmentent le confort de travail. Sont proposées à chacun, une salle de sport avec un coach, ainsi que des séances d’ostéopathie. Enfin, les salariés bénéficient de l’accès aux 17 ha du site implanté au coeur du parc national régional du Haut-Languedoc, avec ses bois, et ses nombreux animaux, gérés par une personne à temps plein. « La RSE légitime notre engagement pour plus de probité sur nos marchés. Elle renforce l’image de l’entreprise, avec davantage d’éthique et de valeurs, ce qui donne à Frayssinet un plus grand rayonnement », résume le directeur RSE. Ce constat semble d’autant plus important pour une entreprise située dans une zone assez isolée, lui permettant d’attirer malgré cela de nouveaux talents.
Cave Arnaud de Villeneuve, Pyrénées Orientales : FÉDÉRER AUTOUR DE LA RSE
À la cave Arnaud de Villeneuve, au nord de Perpignan, le développement durable et désormais la RSE sont au coeur du projet fédérateur d’entreprise.
Après avoir pris la direction en 2010 de la cave coopérative Arnaud de Villeneuve (41 salariés, 220 vignerons adhérents, 1 560 ha de vignes), Jean-Pierre Papy a lancé une démarche autour du développement durable : « Lorsque vous arrivez au sein d’une structure ayant vécu des fusions et des réorganisations, l’enjeu est de fédérer le personnel mais aussi les coopérateurs autour de valeurs communes. Ici, c’est le développement durable qui est apparu comme le projet fédérateur. » Dès 2012, un plan stratégique est défini, avec des objectifs prioritaires, dont la préservation de la qualité de l’eau, la pérennisation des exploitations, et le renforcement du lien social. « Un premier rapport de développement durable en 2017 nous a permis d’afficher l’ensemble de nos démarches de progrès », se félicite Jean-Pierre Papy. Pour porter ses efforts jusqu’aux consommateurs, la cave s’engage dans le label Vignerons engagés, et une certification de responsabilité sociétale ISO 26 000 dès juin 2020, avec le label « Engagé RSE », niveau confirmé délivré par Afnor. En 2017, une stagiaire en charge de la qualité est promue responsable de l’animation de la RSE, facilitant l’émulation autour de la démarche. Un comité de pilotage RSE, composé de sept adhérents et sept salariés est aussi créé.
Si le gain économique n’est pas chiffrable sur le court terme, Jean-Pierre Papy est convaincu du bénéfice d’un engagement sur la RSE : « La société demande davantage de qualité et de respect de l’environnement, et c’est d’autant plus vrai pour les métiers du vin. Notre stratégie nous offre des éléments différenciants et des atouts commerciaux, en cultivant une image de marque. Cela se voit aussi lors de nos recrutements. Sur des fonctions commerciales, où nous recrutons le plus, ces engagements sont de réels atouts, et renforcent l’attractivité de l’entreprise auprès des candidats. »