Start-up De l'importance de bien se faire accompagner
Les incubateurs sont nombreux en France pour accompagner les jeunes ou moins jeunes à créer leur entreprise. Désormais, les accélérateurs prennent le relais afin que l’entreprise naissante puisse se développer.
Créer sa propre start-up est devenu une option de plus en plus courante aujourd’hui. Cette démarche – on le sait – ne peut aboutir sans se faire accompagner. Encore faut-il être bien accompagné. Incubateurs dans un premier temps, accélérateurs dans un second temps sont indispensables pour mener à bien son projet. Tout d’abord, le choix des accompagnateurs doit être effectué avec soin selon le domaine dans lequel la start-up va évoluer et selon ses propres objectifs. « Un incubateur est un facilitateur de projet, affirme Sylvia Gascon-Cherrier, coordinatrice de FoodShaker, incubateur basé au sein de l’école Isara de Lyon. Les candidats qui nous sollicitent ont parfois seulement une ébauche de projet. Nous les sélectionnons pour leurs idées innovantes qui touchent à la fois le produit lui-même, la technologie, le marketing, le business model ou encore les usages. De par notre expérience qui remonte à plus de douze ans en accompagnement de jeunes entrepreneurs, nous les aidons à construire leur propre entreprise, en lien avec les activités de l’école. » Ainsi, l’accompagnement chez un incubateur est très personnalisé grâce à des référents, qui dans le cadre de FoodShaker sont des experts d’Isara spécialisés en gestion, en technologie, en marketing, en stratégie, en finance, en commercial, en agronomie, en agroécologie, en qualité, en recherche et développement… Dans le même temps, la start-up bénéficie d’un réseau de professionnels qui lui permet d’échanger, de confronter ses idées et d’enrichir son expérience. À FoodShaker, ce réseau s’appuie particulièrement, mais de manière non exhaustive, sur les anciens élèves qui ont arpenté les bancs de l’école depuis 50 ans. L’incubateur laisse aussi à la start-up un espace de travail qui lui est propre où elle a accès à tout le confort numérique nécessaire. Et enfin, le futur entrepreneur peut mettre en pratique son idée grâce à des ateliers très spécifiques.
Une halle technologique pour se faire la main
Ainsi, FoodShaker met à disposition une halle technologique agroalimentaire. « Nous disposons de dix places, souligne Sylvia Gascon-Cherrier, dans un environnement de 600 m² qui est destiné aussi aux futurs ingénieurs de l’école. Le matériel est mis à leur disposition afin qu’ils puissent tester leur projet à une échelle industrielle. » Certains incubateurs offrent leurs services. Ce n’est pas le cas de FoodShaker, qui propose les siens à hauteur de 1 000 euros, ce qui est loin de correspondre aux montants des services proposés. Isara, très ancré dans la formation entrepreneuriale, dispense également, en quatrième et en cinquième année d’ingénieur, un parcours spécialisé en entrepreneuriat qui prépare logiquement à la création de start-up. Des incubateurs comme FoodShaker se félicitent d’un taux de création de 75 %. Sur les 50 projets accompagnés, 35 entreprises ont vu le jour. En 2018, elles employaient 195 personnes. Après avoir bénéficié d’incubateurs et lancé leur entreprise, les start-up se tournent parfois, plusieurs années après, vers des accélérateurs pour poursuivre leur développement. « Très souvent, souligne Claire van Overstraeten, responsable du Toasterlab, un accélérateur créé par le pôle de compétitivité Vitagora, les jeunes entrepreneurs s’adressent à nous pour accélérer leur phase de mise en marché. Mais il peut s’agir aussi d’entreprises dont l’activité stagne ou qui souhaitent développer une nouvelle activité ou se positionner à l’international. En principe, l’entreprise génère déjà du chiffre d’affaires ou le produit est en phase de commercialisation. Ce qui n’est pas souvent le cas en phase d’incubation. » Pour Toasterlab, les candidats déposent leur projet sur une plateforme dédiée spécialement sur le site. Le jury qui examine les dossiers est composé des partenaires de l’accélérateur, c’est-à-dire des représentants des banques et des groupes agroalimentaires. Comme pour beaucoup d’accélérateurs, les critères appréciés par Toasterlab relèvent de l’innovation technologique, de son usage, de son potentiel économique, des capacités de l’équipe à relever les défis et de l’intérêt qu’apporte le projet pour les partenaires de l’accélérateur. Contrairement aux start-up en période d’incubation, ces dernières ont déjà un siège social. Cela influence logiquement son mode de fonctionnement.
Toutes les composantes du projet revues avec l’accélérateur
« Les candidats retenus par le jury sont accompagnés durant une année, détaille Claire van Overstraeten. Les deux premiers mois, cet accompagnement est collectif et organisé en petits groupes de deux à sept entreprises. Les réunions sont programmées une fois par semaine soit à Paris, soit à Dijon au siège de Vitagora soit par le biais de logiciels en téléphonie et vidéo sur Internet. Le premier mois, les jeunes entrepreneurs rencontrent ainsi des experts en business model, en finance, en management… » Le deuxième mois, les thèmes portent sur la consolidation des projets en matière d’industrialisation, de mise sur le marché, de plan marketing et communication, de recherche de financement. Les dix autres mois sont consacrés au suivi individuel à distance ou au sein de l’entreprise. « En principe, précise Claire van Overstraeten, toutes les composantes du projet sont reprises, du modèle économique en passant par l’organisation et la gestion des ressources humaines, la stratégie industrielle, la gestion financière au quotidien, le dépôt de brevet… » Chaque accélérateur a ses spécialités. L’intérêt de Toasterlab est d’être adossé au pôle de compétitivité Vitagora. Les candidats bénéficient ainsi des services et de tout le réseau du pôle ainsi que d’une centaine d’experts-mentors. Ils peuvent également utiliser des outils industriels des partenaires. Comme la plupart des accélérateurs, les services de Toasterlab ne sont pas gratuits. Le coût est de 6 000 euros HT dans le cas de l’accélérateur dijonnais. « Un montant bien inférieur au coût réel de
l’accompagnement », tient à préciser Claire van Overstraeten. Sur les 400 entreprises qui ont profité des services de Toasterlab depuis trois ans, une seule entreprise a mis la clé sous la porte.
—— Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte 2930)
La Boussole : Un guide spécifique
En collaboration avec le Boston Consulting Group, La Boussole, qui regroupe dix structures d’accompagnement dont Le Village by CA et le réseau Entreprendre, a édité un guide « à l’attention des entrepreneurs pour leur permettre de choisir avec discernement le type d’accompagnement répondant aux besoins spécifiques de leur étape de développement, mais aussi à l’attention des accompagnateurs pour leur permettre de maximiser leur impact auprès des entrepreneurs ». Ainsi, le guide définit les cinq étapes du futur entrepreneur, les clés du choix des accompagnateurs et les règles à respecter pour profiter de leurs compétences. Des conseils sont également adressés aux accompagnateurs et des pistes de réflexion enrichissent le guide.
Expérience en incubateur : CHARLOTTE ET AMANDINE ONT GAGNÉ DU TEMPS
Charlotte Desombre et Amandine Delafon, qui ont créé les bières Cocomiette, ont été lauréates de l’incubateur FoodShaker en 2019, pour un autre projet qui n’est pas encore développé à ce jour. Sans le divulguer, on peut dire qu’il a un lien avec leur première start-up dont l’objet est de produire de la bière avec de la chapelure de pains invendus. Malgré leurs premières expériences professionnelles de plus de dix ans en tant que salariées, les deux cofondatrices ont éprouvé la nécessité de faire appel à un incubateur. « Nous avons gagné beaucoup de temps, affirme Charlotte Desombre, qui a en charge la communication de leurs projets. Nous avons pu mettre au point une recette au sein de la halle technologique d’Isara. Nous en avons écrit le cahier des charges, décrit tous les process et réalisé les fiches techniques et assuré ainsi la traçabilité. Nous avons également été coachées par un spécialiste de l’agroalimentaire. Et nous avons bien sûr rencontré de nombreux professionnels, spécialistes, étudiants, start-upeurs avec qui nous avons pu échanger. » Chargée de marketing durant huit ans chez L’Oréal, Charlotte Desombre estime que l’incubateur oblige à beaucoup de rigueur tout en évoluant vers une démarche industrielle. Et de raconter la journée type dans l’incubateur où Amandine Delafon se rendait deux fois par mois : une demi-journée à la halle technologique pour réaliser divers tests, une mise au point avec le coach, un échange avec les autres start-upeurs et la participation à plusieurs ateliers liés à la création et au développement d’entreprise proposés par FoodShaker.
Expérience en accélérateur : « CELA NOUS A FAIT UN BIEN FOU »
Alain Étievant a créé l’Atelier du fruit en 2012. Société en recherche et développement, ses objectifs sont d’améliorer la qualité des produits alimentaires en réduisant les additifs non naturels, en améliorant les caractéristiques nutritionnelles et le goût. Pour y parvenir, la société utilise des fruits et légumes comme des coproduits de l’industrie, pour les transformer par fermentation ou activité enzymatique en des extraits naturels employés par les groupes agroalimentaires. « Au bout de cinq à six ans d’existence, nous avons éprouvé le besoin de nous recentrer et d’établir un business model, affirme Alain Étievant. Jusqu’alors, nous saisissions plutôt les opportunités. Accéder au Toasterlab nous a fait un bien fou. » La société a redéfini sa stratégie d’entreprise et surtout travaillé le volet ressources humaines. « Nous ne possédons pas de laboratoire en propre pour nos recherches, explique Alain Étievant, mais nous bénéficiions des outils d’Agrosup à Dijon, de l’Inra d’Avignon et du Cirad à Montpellier. Le personnel, ingénieurs et techniciens, est donc dispersé entre ces trois unités. Les échanges entre nous exigent des relations et une organisation optimisées afin de travailler dans les meilleures conditions possible. Par ailleurs, Toasterlab nous donne accès à un gigantesque réseau de professionnels. Ce qui a enrichi notre carnet d’adresses en futurs clients et spécialistes de notre domaine. Notre mentor, par exemple, nous a fait rencontrer une juriste internationale qui nous aide dans nos démarches. Et de nombreux projets ont vu le jour grâce à ces contacts. Nous nous sommes fait connaître aussi en pitchant dans diverses instances comme au siège de la BPI et au Zénith à Dijon. »