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Technicien en transformation laitière : ils en font tout un fromage
Transformer du lait en fromage, fastoche ? Pas tant que ça. Le métier de fromager nécessite des connaissances scientifiques pointues, alliées à un savoir-faire quasi artisanal. Les explications de Samuel Chevalier, fromager à la Nouvelle laiterie de la Montagne, à Saint-Nectaire.
Bien connaître sa matière première, le lait et les procédés de transformation… tout en sachant s’adapter : telles sont les compétences requises pour exercer le métier de technicien en transformation fromagère. Sa mission ? Fabriquer un fromage ou tout autre produit laitier avec la qualité recherchée, en s’adaptant aux variations saisonnières de la qualité du lait. Pour cela, il va falloir exercer son sens de l’observation et sa vigilance.
Comme une évidence
« Il faut être précis et faire preuve de rigueur, pour bien respecter les temps technologiques et toujours surveiller le caillé dans les cuves », confirme Samuel Chevalier, qui travaille depuis un an comme fromager à la Nouvelle laiterie de la Montagne (groupe Paul Dischamp), à Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme). Un poste qu’il occupe après avoir effectué un BTSA sciences et technologies des aliments (STA) au lycée Georges Pompidou-Enilv d’Aurillac, puis une licence pro Fromtiq en alternance à l’Enilbio de Poligny (Jura). Un métier comme une évidence : « Mon père est fromager, et mon grand-père était producteur fermier. Toute ma famille est liée au saint-nectaire », résume le Cantalou.
Son quotidien ? Fabriquer du saint-nectaire, du bleu d’Auvergne, de la fourme d’Ambert et de la tomme de montagne. En trois huit. En fonction des semaines, son travail va donc varier. Pendant le poste de nuit (21 heures à 5 heures du matin), il faut lancer la fabrication qui débute à minuit. La fabrication continue pendant le poste du matin (5 heures à 13 heures). Enfin, l’après-midi (13 heures à 21 heures) est consacrée à terminer les fabrications et à nettoyer.
En pratique, pour fabriquer du saint-nectaire, Samuel va faire monter le lait dans la cuve de 8 000 l et l’emprésurer pour obtenir un caillé, qui sera ensuite découpé en petits cubes. Puis une alternance de phase de brassage et de soutirage amène le produit aux qualités souhaitées. Enfin, le caillé est envoyé dans la mouleuse. L’affinage se déroule ensuite dans un autre atelier.
Un côté physique
Ce travail est automatisé, mais « il y a quand même un côté physique », prévient le fromager, qui est aussi amené à réaliser des tests pour contrôler l’état du caillé et consigner les informations pour la traçabilité. Il ne s’agit pas de s’endormir ! Pour le bleu d’Auvergne, par exemple, le temps de coagulation est bien précis : 2 700 s. Chaque fromager a plusieurs cuves à surveiller. Si la phase de décaillage ne se passe pas comme prévu, le fromage risque d’être plus humide. Une information qu’il faut transmettre aux collègues qui surveillent l’affinage.
« Il faut être motivé, car on travaille en milieu industriel, avec de la chaleur, du bruit, de l’humidité », ajoute Samuel Chevalier, que ces conditions ne gênent pas. « Nous avons été bien préparés pendant le BTS », indique-t-il. Autre petit plus pour Samuel : « Je suis formé au poste de réception-pasteurisation du lait. C’est une étape intéressante : c’est là que nous analysons la qualité du lait et où nous commençons à nous adapter. » Et il sait que le métier de fromager peut permettre d’évoluer comme chef d’équipe ou, pourquoi pas, responsable d’atelier.
— Irène AUBERT (Tribune Verte 2973)
BTS STA produits laitiers : UNE FORMATION SCIENTIFIQUE ET PRATIQUE
« La transformation fromagère est une activité pluridisciplinaire où la biochimie et la microbiologie sont au service de la technologie. Ces trois matières sont donc les piliers du BTSA sciences et techniques des aliments, spécialité produits laitiers », explique Dominique Balme, coordonnateur du BTSA STA au lycée Georges Pompidou-Enilv d’Aurillac. Comme tous les BTS, cette formation a une vocation professionnelle : elle prépare, bien sûr, au métier de fromager en industrie laitière ou en transformation fermière, mais elle offre aussi de nombreux autres débouchés : des postes en qualité, analyses de laboratoire, R&D, ou sur la poursuite d’études. Dans le BTSA STA, les matières scientifiques sont complétées par un enseignement transversal (contrôle qualité, innovation, génie industriel) et général (informatique, communication, module sur le développement durable…). Une large place est accordée à la pratique, que ce soit lors de travaux pratiques en interne, dans les ateliers technologiques ou par douze semaines de stage en entreprise. L’examen porte sur le dossier professionnel issu du stage et sur une épreuve pratique : il s’agit de fabriquer un fromage ou un autre produit à base de lait parmi ceux qui ont été étudiés. L’autre moitié de l’examen se déroule en contrôle continu. À Aurillac, les promotions regroupent en moyenne entre 16 et 20 élèves par an. Malgré une demande de la part des entreprises, on constate une érosion constante du nombre de jeunes dans ce type de formations, même au niveau national. « Et pourtant, ces métiers sont passionnants ! s’exclame Dominique Balme. On travaille avec le vivant et il faut être innovant et très pointu techniquement pour réussir. »
François Gérémy, Fromageries Paul Dischamp : « AIMER LE FROMAGE ET S’INTÉRESSER »
Trouver un fromager n’est pas chose facile. François Gérémy, directeur industriel des fromageries Paul Dischamp, en sait quelque chose, lui qui vient tout juste de constituer son équipe de douze fromagers au complet… après plusieurs années de pénurie. Avec 200 salariés, le groupe Paul Dischamp est réparti sur trois sites : un atelier de fabrication à Saint-Nectaire (5 000 t/an fabriquées, 6 000 t/an manipulées), un atelier d’affinage de saint-nectaires fermiers collectés dans les fermes à Sayat et une unité de fabrication de cantal au lait cru près de Saint-Flour. « Le métier est relativement automatisé, mais on a toujours besoin de l’oeil du fromager pour faire les bons choix, insiste François Gérémy. Car le lait, les fromages sont des matières vivantes qui peuvent évoluer. » La rigueur est aussi requise vis-à-vis de l’hygiène et des consignes environnementales. « Une décision peut avoir un impact non seulement sur la cuve, mais sur toute l’entreprise, souligne le directeur. C’est pourquoi nous essayons de sensibiliser nos équipes aux résultats de leur travail : les rendements, la qualité organoleptique… nous organisons des dégustations une fois par semaine. » Des formations sont aussi régulièrement proposées avec le CFPPA d’Aurillac pour approfondir les connaissances de chacun. Une manière de pallier le manque de diplômés et la main-d’oeuvre peu nombreuse dans la région. En définitive, quelles qualités faut-il pour devenir fromager ? « Il faut aimer le fromage et s’intéresser », résume François Gérémy, qui préfère tout de même les candidats ayant suivi une formation et qui connaissent les process. L’entreprise réfléchit par ailleurs à améliorer l’attractivité du métier avec des efforts sur les salaires. Elle étudie l’aménagement du travail en deux fois huit heures. Mais ces évolutions sont conditionnées par la rentabilité de l’activité. Pourtant, des perspectives de carrière existent. « Je suis l’exemple type qui montre qu’on peut évoluer avec un Bac +2 », témoigne le directeur, qui a débuté… comme fromager avec un BTS STA. Des opportunités se présentent, avec une génération de fromagers qui va partir en retraite. De quoi donner matière à réflexion.